Touche pas à Schengen ! C’est le fond du message que les députés européens ont adressé à la Commission, au Conseil et aux citoyens de l’UE en votant le 7 juillet 2011 une résolution commune sur les modifications du système Schengen soumise par le PPE, les sociaux-démocrates, les libéraux et les Verts. Les eurodéputés s’opposent clairement à la réintroduction au sein de l'espace Schengen de contrôles exceptionnels aux frontières intérieures pour des motifs liés à l'afflux de migrants et de demandeurs d'asile, comme le veulent les gouvernements européens depuis le dernier Conseil européen des 23 et 24 juin 2011.
Pour les députés européens, "la création de l'espace Schengen et l'intégration de l'acquis de Schengen dans le cadre de l'Union européenne représentent l'une des plus grandes réalisations du processus européen d'intégration". Ils considèrent "que la liberté de circulation est devenue l'un des piliers de la citoyenneté européenne et l'un des fondements de l'Union européenne". Ils rappellent aussi que l’année 2011 "a été marquée par des déplacements massifs de personnes issues de plusieurs pays d'Afrique du Nord" et que "le système Schengen a subi récemment la pression de certains États membres qui s'interrogent sur la pertinence d'une réintroduction de contrôles aux frontières nationales face à des afflux soudains d'immigrants".
Le résultat de ces événements a été que la Commission européenne a présenté le 4 mai 2011 "plusieurs initiatives pour une approche plus structurée de l'immigration" qui comportent une proposition sur Schengen. D’autre part, "le Conseil européen des 23 et 24 juin 2011, demande à la Commission de présenter une proposition sur un 'mécanisme de sauvegarde' pour faire face à des circonstances exceptionnelles" qui "risque de mettre en péril la coopération Schengen"
Par rapport à ces initiatives, le Parlement européen considère que le code frontières Schengen contient d’ores et déjà dans ses articles 23 à 26 "des mesures et des procédures pour la réintroduction temporaire de contrôles aux frontières intérieures". Mais il estime aussi qu’une décision "unilatérale" de mener ces contrôles ne permet pas "de faire prévaloir l'intérêt collectif de l'Union européenne".
Finalement, il admet que l’UE, qui est conjointement responsable de la gestion des frontières extérieures communes (cf. art. 80 TFUE), "n'a pas totalement répondu à cette exigence » malgré ses efforts pour instaurer des contrôles effectifs et une coopération entre les autorités douanières, policières et judiciaires. D’autre part, il constate implicitement que la confiance mutuelle totale ne règne pas sur le plan du contrôle des frontières extérieures entre les Etats membres, que certains ont manqué de rigueur et d’efficacité, et que "le dysfonctionnement d'un de ces éléments met en péril la sécurité de l'Union dans son ensemble". Il en conclut que l'application par les États membres de l'acquis Schengen afin de garantir le bon fonctionnement de l'espace Schengen » doit être évaluée, mais que le Groupe de travail "Evaluation de Schengen" (SCH-EVAL), un organisme purement intergouvernemental, "ne s'est pas révélé suffisamment efficace". Il constate aussi une inégalité de traitement par rapport à Schengen, "à savoir que les exigences imposées à tous les pays candidats sont très élevées alors que les pays qui appartiennent déjà à l'espace Schengen sont traités avec une grande complaisance".
Le Parlement européen rappelle ensuite aux autres institutions que désormais, il est d’après l'article 77 TFUE, partie de la codécision avec le Conseil quand il s’agit d’adopter les mesures qui portent sur "les contrôles auxquels sont soumises les personnes franchissant les frontières extérieures et sur l'absence de tout contrôle des personnes, quelle que soit leur nationalité, lorsqu'elles franchissent les frontières intérieures".
Pour le Parlement européen, Schengen est important par son "impact positif sur la vie de centaines de milliers de citoyens". Schengen "rend aisé le franchissement des frontières", "stimule l'économie" et, rappellent les eurodéputés, "la liberté de circulation est un droit fondamental et l'un des piliers de la citoyenneté européenne".
Partant de ces considérations, le Parlement européen recommande "fermement" le renforcement de la gouvernance Schengen, que chaque État membre soit en mesure de contrôler sa portion des frontières extérieures de l'Union, et que la confiance mutuelle se crée autour de l'efficacité du système européen de gestion des migrations. Il demande aussi "une plus grande solidarité envers les États membres confrontés aux flux de migrants les plus importants pour les aider à faire face à ces situations extraordinaires".
Le nouveau mécanisme d'évaluation qui est actuellement discuté au Parlement européen devrait constituer « une partie de la réponse à ces préoccupations ». Les députés européens estiment également "que le soutien accordé aux États membres afin de garantir le respect de l'acquis de Schengen en cas de pression exceptionnelle aux frontières extérieures peut déjà être sollicité et mis en œuvre grâce au nouveau mécanisme d'évaluation Schengen".
Dans la mesure où le code frontières Schengen prévoit d’ores et déjà dans ses articles 23, 24 et 25 les conditions concernant la réintroduction temporaire et exceptionnelle des contrôles aux frontières intérieures (cf. règlement (CE) n° 562/2006) en cas de menace grave pour l'ordre public ou la sécurité intérieure, le Parlement européen "invite la Commission à présenter une initiative qui définit l'application stricte de ces articles par les États membres".
Les eurodéputés ne veulent pas d’une nouvelle dérogation, comme ils récusent "toute nouvelle raison invoquée pour réintroduire 'à titre exceptionnel' des contrôles aux frontières". Tout cela "ne jouera certainement pas en faveur du renforcement du système Schengen".
Bref, "l'afflux de migrants et de demandeurs d'asile aux frontières extérieures ne peut en aucun cas être considéré comme une raison supplémentaire pour réintroduire des contrôles aux frontières".
Visant ce qui s’est passé aux frontières entre l’Italie et la France, et surtout ce qui se passe depuis le mardi 5 juillet 2011 aux frontières danoises avec l’Allemagne et la Suède, et de manière plus discrète entre la Norvège et la Suède, le Parlement européen "déplore vivement le fait que plusieurs États membres tentent de réintroduire des contrôles aux frontières qui remettent clairement en cause l'esprit même de l'acquis de Schengen".
A l’origine de tous ces problèmes, les députés européens voient "la réticence à mettre en œuvre la politique européenne dans d'autres domaines, en particulier dans celui d'un régime européen commun de l'asile et de la migration (y compris le traitement de la question de l'immigration illégale et de la lutte contre la criminalité organisée)".
Conclusion : le Parlement européen "réaffirme sa totale opposition à tout nouveau mécanisme de Schengen poursuivant d'autres objectifs que la promotion de la liberté de circulation et le renforcement de la gouvernance européenne de l'espace Schengen."