Le 5 juillet 2011, le Danemark a rétabli les contrôles douaniers permanents à ses frontières intérieures avec la Suède et l’Allemagne, et ce malgré les inquiétudes que cette mesure a suscitées depuis des semaines pour la libre circulation des personnes dans l’UE et l’espace Schengen. Le 5 juillet au matin, les premiers contrôles ont été effectués aux passages de frontière avec la Suède, et ils seront également rétablis au passage germano-allemand de Frslev (Fröslee en allemand). Il s’agit selon le gouvernement danois de contrôles ponctuels qui ne devraient pas causer de désagréments aux touristes.
Bloquée dans un premier temps par l’opposition social-démocrate et socialiste de gauche à la commission des finances du parlement danois, le Folketing, et en plénière, cette mesure qui constitue pour de nombreux acteurs concernés une entame aux règles de libre circulation des personnes qui régissent l’espace Schengen, a finalement été adoptée dans cette commission par 9 voix contre 8.
Cinquante agents des douanes seront déployés aux frontières du Danemark avec l'Allemagne et avec la Suède. Le Danemark construira des installations définitives et permanentes jusqu’en 2014, à un moment où les bâtiments des douanes aux frontières intérieures sont l’un après l’autre démantelés en application de la législation européenne dans les autres pays de l’espace Schengen. Quarante-huit agents supplémentaires seront par ailleurs envoyés en renfort à l'occasion du Nouvel An. Le coût de l’opération : 270 millions de couronnes (36 millions d'euros). La mesure mise en œuvre sous prétexte de lutte contre la criminalité transfrontalière avait été annoncée le 10 mai 2011 par le gouvernement danois, sans aucune concertation avec ses partenaires et voisins, et ce sous la pression du Parti du peuple danois (PPD, extrême droite) qui soutient le gouvernement actuel.
Vis-à-vis de ses partenaires européens, le Danemark s'est voulu rassurant. La ministre des Affaires étrangères Lene Espersen a déclaré qu'il était seulement question de contrôler "le transport d'objets comme des armes et des drogues (et) pas du tout de contrôler les identités des personnes ou leurs passeports, ni de contrôles frontaliers à l'ancienne". Bref, le Danemark est convaincu d’agir en conformité avec les traités.
La Commission européenne avait immédiatement réagi en affirmant examiner les mesures douanières envisagées par Copenhague à l'aune des règles de Schengen, l'espace sans frontières intérieures de l'UE. "La Commission n'hésitera pas à intervenir si les fondements du projet européen sont remis en question", avait déjà averti auparavant le président de la Commission européenne José Manuel Barroso.
L’Allemagne est quant à elle, "très critique" à l’égard des mesures en cours. "Nous ne pouvons accepter que Schengen soit sapé", avait déjà déclaré le 9 juin 2011 le ministre allemand de l'Intérieur Hans-Peter Friedrich, en marge d'une réunion du Conseil JAI à Luxembourg, suivi par d’autres membres du gouvernement comme le chef de la diplomatie Guido Westerwelle, le secrétaire d’Etat aux Affaires européennes, le très européen Werner Hoyer (" la libre circulation est un éléments décisif de l’UE"), la ministre fédérale de la Justice, Sabine Leutheusser-Schnarrenberger ("une mauvais journée pour l’Europe"), et par le ministre-président du Schleswig-Holstein, voisin méridional du Danemark, Harry Carstensen. La Suède est d’avis qu'il ne s'agit pas d'une question bilatérale entre Stockholm et Copenhague et que par conséquent c'est "à la Commission européenne de se prononcer".
Au Luxembourg, il y a eu de nombreuses réactions, dont celle de Jean-Claude Juncker qui avait déclaré dès le 14 mai 2011 à un journal allemand que "nous courons le risque d’abandonner avec légèreté et sans aucune raison de grands acquis", ajoutant que, si quelqu’un lui avait dit il y a deux ans que surviendrait subitement un débat sur Schengen, il aurait douté de la santé mentale de cette personne.
Le 9 juin 2011, en marge du Conseil JAI, le ministre de l’Immigration, Nicolas Schmit, avait mis en garde qu’il "est dangereux de lancer le débat d’une certaine manière en prônant pour les Etats membres de l’espace Schengen la liberté d’instaurer des contrôles aux frontières intérieures selon leur bon vouloir ou leur calendrier électoral, sans consulter les autres". Il avait ajouté : "Il ne faut pas jouer avec un des biens les plus précieux de l’UE, la libre circulation des personnes." Les six eurodéputés ont également réagi à plusieurs reprises et sont intervenus dans les débats au Parlement européen.
La journaliste Joelle Merges a mené au sujet des contrôles douaniers aux frontières danoises une interview publiée dans le Luxemburger Wort daté du 5 juillet 2011 avec l’eurodéputée danoise Margrete Auken (transfuge des sociaux-démocrates vers les Verts).
Celle-ci craint que les mesures mises en œuvre aux frontières ne nuisent durablement à l’image de son pays. Elle déclare dans cet entretien que "la mesure est tout sauf populaire » et que « nombreux sont les Danois qui pensent qu’elle n’a pas de sens." Elle croit aussi que "notre ministre des Affaires étrangères a honte". La députée européenne place le rétablissement des contrôles aux frontières, qui est une concession faite à l’extrême droite, dans le contexte de la montée des partis populistes en Europe. "Ces partis représentent un danger pour la vision européenne » et ils se présentent « comme les gardiens de l’identité nationale qu’ils voient compromise par l’intégration européenne et la globalisation". Or, pour elle, ce n’est l’identité nationale qui est en danger, mais "la perte d’une idée partagée de l’Europe". Chrétienne et pasteure, Margrete Auke déplore que les migrants et la tolérance soient les premières victimes de cette évolution, et elle estime qu’il appartient donc aux églises de les défendre, comme de chercher à comprendre l’islam, sans oublier de condamner les attaques contre les minorités chrétiennes en Egypte et ailleurs ou encore de lutter contre la xénophobie.. " L’Europe est actuellement vulnérable", pense-t-elle, en songeant notamment aux tentations "de l’idéologie conservatrice-capitaliste" auxquelles sont exposés les partis démocrates-chrétiens pourtant si engagés sur l’Europe.