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Agriculture, Viticulture et Développement rural
La députée européenne Astrid Lulling et les dirigeants des jeunes agriculteurs ont évoqué les défis de la levée des quotas laitiers et les points critiques de la réforme de la PAC
05-09-2011


Guy Wester, Astrid Lulling et René Ernst le 5 septembre 2011Comme elle l’avait aussi fait à l’automne 2008 et 2010, la députée européenne luxembourgeoise Astrid Lulling (PPE), qui est membre de la commission AGRI du Parlement européen, a marqué sa rentrée politique en donnant le 5 septembre 2011 une conférence de presse conjointe avec les Lëtzebuerger Jongbaueren (LBJ), les jeunes agriculteurs luxembourgeois, représentés par leur président, René Ernst, et leur délégué à la Confédération européenne des jeunes agriculteurs (CEJA), Guy Wester.

Les problèmes qui préoccupent avant tout le monde agricole luxembourgeois à la rentrée sont les mauvaises récoltes du maïs, de l’herbe et du blé, fortement marquées par la sécheresse du printemps, mais aussi les perspectives du secteur laitier dans le cadre de la levée du système de quotas en 2015 et la revendication d’un "atterrissage en douceur du secteur" (soft landing). Se profilent enfin les soucis que laissent présager pour les agriculteurs la future réforme de la politique agricole commune, la  PAC : le plafonnement de la prime de base, le retrait de la qualification de "zone défavorisée" dont bénéficient actuellement presque toutes les terres agricoles luxembourgeoises (à l’exception de la Moselle), les exigences supplémentaires en matière de « greening », donc la participation des agriculteurs à des mesures environnementales qui conditionne le montant des aides qu’ils percevront.

Pour un "atterrissage en douceur" du secteur laitier après la levée des quotas

La levée du système de quotas pour la production laitière en 2015 s’effectuera dans un contexte où les contrats entre associations de producteurs laitiers et laiteries auront été rendus obligatoires. Ces contrats ne pourront concerner du côté des producteurs qu’un volume total de lait cru produit ou livré qui ne peut excéder 40 % de la production nationale totale de l'État membre et 3,5 % de la production totale de l'UE. Astrid Lulling a souligné que l’enjeu au Luxembourg était d’exempter le Grand-Duché de la limite des 40 %, dans la mesure où Luxlait, en tant que coopérative, capte 60 % au moins de la production nationale, et que volumes et prix pourront être régulés au sein de la coopérative. D’autre part, il importe selon elle que les sanctions pour dépassement de quotas soient abaissées progressivement jusqu’en 2015, afin de permettre un « atterrissage en douceur » du secteur. La députée européenne a par contre rejeté comme très défavorable au Luxembourg une autre option en discussion, celle de faire converger le compte de tous les dépassements de quotas dans une seule corbeille et de les réévaluer au prorata moyen.                     

Le Luxembourg et le régime des "zones défavorisées" : péril en la demeure

Après l’adoption par le Parlement européen du rapport Dess en mai 2011, un rapport dont les propositions présentées en avril 2011 à Mersch par Albert Dess (PPE) lui-même ont été modifiées, "édulcorées" selon René Ernst, Astrid Lulling attend les propositions législatives de la Commission dont le député européen socialiste portugais Luis Capoulas Santos a été chargé d’être le rapporteur dans le cadre du processus de codécision.

Astrid Lulling n’a pas de problème avec le plafonnement prévu des aides directes – limitées à 150 000 euros, avec ensuite un taux dégressif par rapport à la surface agricole exploitée – dans la mesure où le Luxembourg ne compterait pas d’exploitations agricoles qui tomberaient dans ces catégories. Un propos nuancé cependant par Guy Wester qui a évoqué le processus de concentration en cours au Luxembourg entre exploitations agricoles.

Ce que la députée européenne craint le plus, et le ministre de l’Agriculture aussi, ce sont les effets d’une éventuelle sortie de grand nombre de surfaces agricoles luxembourgeoises du régime des "zones défavorisées". La Commission entend en effet définir de nouveaux critères pour ces zones défavorisées. L’ASTA, l’Administration des Services techniques de l'Agriculture, procède selon elle actuellement à des simulations pour démontrer que les zones ainsi qualifiées au Luxembourg – toutes, sauf la Moselle et les terres situées autour de la capitale - correspondent bien aux critères et souffrent de handicaps naturels comme des mauvaises conditions climatiques, une forte déclivité dans les zones de montagne ou une faible productivité de la terre dans les zones défavorisées intermédiaires. Il est communément admis dans les milieux européens que ces obstacles entraînent un risque important d'abandon des terres agricoles, qui peut mener à une diminution de la biodiversité, à la désertification, à des feux de forêt et à la perte d'espaces agricoles à haute valeur naturelle. Mais ces simulations, ainsi Astrid Lulling, ne semblent pas encore avoir convaincu les services de la Commission européenne. Elle pense que les sols calcaires et le sud-ouest du pays pourraient être sortis du régime des "zones défavorisées" et qu’il ne faut pas croire que 100 % des terres actuellement sous ce régime puissent y être maintenues.

Peu d’enthousiasme pour une écologisation à tout va de la PAC

Un autre objet des critiques de la députée et des dirigeants de la LBJ est le "greening". Il s’agit d’un néologisme dans le jargon communautaire de l’agriculture qui désigne une démarche d’écologisation de l’agriculture, l’idée de la Commission étant d’augmenter de 30 % toute aide directe, au sein du 1er pilier, qui poursuit des objectifs économiques agricoles, ou du 2e pilier, qui vise lui des objectifs de gestion du territoire, si elle est liée à une mesure d’écologisation. Astrid Lulling comme les dirigeants de la LBJ trouvent qu’il y a déjà assez de prescriptions de type environnemental dans le 1er pilier actuel de la PAC, dans ce que l’on appelle dans le jargon de la PAC la "cross compliance". Elle va même à se demander ce que l’on pourrait faire de plus dans un pays comme le Luxembourg.

Le président de la LBJ, René Ernst, conteste de son côté que la PAC réformée qui se profile comporte moins d’aides et plus de prescriptions. La Commission est "illogique, mais têtue" pour le jeune dirigeant agricole.

Revenus adéquats garantis, pas de jachères sur les bonnes terres

Son collègue Guy Wester, revendique pour les jeunes agriculteurs la garantie de revenus adéquats, et surtout une certaine sécurité dans la planification du futur des entreprises, si l’on veut de l’autre côté garantir une sécurité alimentaire durable dans l’UE. Bref, l’écologie seule ne peut primer, l’économie et le social devraient aussi avoir leur place dans les considérations de la Commission. Or, cela ne semble pas être le cas selon Guy Wester.

En témoignent la baisse envisagée des aides directes, le conditionnement renforcé des aides à des mesures d’écologisation, sans que les agriculteurs soient vraiment dédommagés des coûts réels supplémentaires que de telles mesures entraînent. Ce qui aussi choque les jeunes agriculteurs, ce sont les 5 % de nouvelles jachères qui devraient être créées de manière durable, alors que les bonnes terres sont précieuses et rendent bien. Dans ce sens, les dirigeants du LBJ craignent que le "greening" ne puisse conduire, par son effet sur la production, à des pénuries sur les marchés alimentaires.

Les dirigeants du LBJ saluent par contre l’idée de la Commission que les aides directes n’aillent dorénavant qu’aux agriculteurs actifs, et aussi celle d’un soutien aux petits agriculteurs, à condition que cette catégorie soit définie de manière spécifique et adaptée dans chaque Etat membre. Finalement, les jeunes agriculteurs veulent que la définition de leur catégorie soit étendue jusqu’à l’âge de 40 ans, dans la mesure où ceux auxquels ils succèdent dans l’exploitation agricole ont tendance à travailler plus longtemps, ce qui est par ailleurs communément souhaité dans l’UE. Tout cela pour éviter les problèmes de succession et pour assurer que la relève se fasse dans de bonnes conditions dans des exploitations vitales pour la sécurité alimentaire en Europe. A signaler que chaque année, seuls 10 à 15 jeunes agriculteurs reprennent au Luxembourg une exploitation.