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Agriculture, Viticulture et Développement rural
La PAC après 2013 : Les jeunes agriculteurs et l’eurodéputée européenne Astrid Lulling exposent leurs positions concordantes
11-10-2010


A deux jours de leur entrevue avec le ministre de l’Agriculture, Romain Schneider, pour discuter entre autres des mesures compensatoires pour leurs pertes de revenus (70 millions en 2010) et un près d’un mois avant le 17 novembre 2010, jour où la Commission européenne devrait publier sa communication sur la politique agricole commune  (PAC) après 2013 - donc pendant la prochaine période budgétaire 2014-2020 - la Lëtzebuerger Bauerejugend (LBJ) a donné une conférence de presse conjointe avec la députée européenne Astrid Lulling (PPE), le seul membre luxembourgeois de la commission Agriculture et développement rural du Parlement européen.    .

Les positions des jeunes agriculteurs

Les jeunes agriculteurs, représentés par René Ernst, leur président, et Guy Wester, leur délégué à la CEJA (Confédération européenne des jeunes agriculteurs), ont formulé en 10 points leurs revendications pour une PAC qui est pour eux "importantissime".René Ernst

La PAC doit d’abord permettre à cette agriculture multifonctionnelle, qui est propre à l’UE et qui mise sur la "souveraineté alimentaire" - et pas seulement sur la sécurité alimentaire -, de continuer à être durable, rentable et compétitive. Pour le LBJ, il s’agit notamment de souligner l’importance dans nos régions de l’entreprise familiale dans la production des aliments de base pour toute la société.

Le LBJ se prononce pour le maintien du système à deux piliers, l’un étant le soutien accordé à l'ensemble des agriculteurs européens sur une base annuelle pour des résultats quantifiables et visibles annuellement, l’autre touchant à l’espace rural, y compris sur le plan environnemental.

Le LBJ s’oppose en revanche à toute baisse budgétaire, notamment des subventions directes qui devraient tenir compte des différences régionales et des difficultés que cela peut entraîner dans l’une ou l’autre région défavorisée. Aussi faudrait-il tenir compte du facteur social. Guy Wester a attiré l’attention sur les risques de dépeuplement des régions rurales et des dégâts que cela pourrait entraîner, mais il a aussi pointé du doigt le fait que les salaires dans l’agriculture sont nettement plus bas que dans d’autres secteurs économiques.

Contre la volatilité des prix et la spéculation sur les produits agricoles, les jeunes agriculteurs voudraient que l’UE élabore des mécanismes de stabilisation voire de régulation et crée un cadre européen pour juguler la spéculation sur les produits agricoles.

L’agriculture européenne doit être mieux défendue face aux partenaires commerciaux de l’Europe. Pour les jeunes agriculteurs, il est indispensable que les produits agricoles importés de pays tiers soient conformes aux mêmes normes que les aliments européens.

Un fonds européen anti-catastrophe devrait être créé, qui puisse compenser les pertes des agriculteurs en cas de destruction des récoltes.

La position des agriculteurs devrait être renforcée face au commerce.

Guy WesterLa simplification des procédures administratives européennes est aussi devenue pour les agriculteurs une nécessité face à la croissance de ce volet dans leur temps de travail, et cela sans que leur revenu augmente pour autant.

En fin de compte, la R&D doit être encouragée dans le secteur agricole, notamment pour que son effet positif sur le développement climatique puisse être stimulé.

Comment les agriculteurs luxembourgeois, pour lesquels la production laitière est d’une grande importance, réagiront-ils à l’expiration du système de quotas en 2015 ? Pour René Ernst, tout le monde s’est résigné à la disparition de ce système, mais d’une manière ou d’une autre "il faudra de la régulation, car il ne nous sera pas possible de produire de manière rentable si nous recevons moins de 25 cents par litre. Et l’on ne peut pas non plus augmenter ou baisser la production à court terme".    

Astrid Lulling optimiste pour la PAC d’après 2013

Dans son commentaire des positions développées par les jeunes agriculteurs, la députée européenne Astrid Lulling a signalé que le Parlement européen est dans sa large majorité en faveur de la continuation d’une PAC à laquelle 40 % du budget européen sont actuellement alloués, soit 0,45 % du PIB européen.

La députée a constaté que, malgré tout, la classe politique et la population ont en Europe un rapport ambigu avec les 40 millions de personnes qui travaillent dans le secteur agricole. Au Luxembourg, a-t-elle expliqué, le nombre des entreprises agricoles à temps plein est passé en 20 ans de 2500 à 1500, et celles des entreprises agricoles à temps partiel de 1275 à 700. En même temps, le nombre des entreprises comptant plus de 100 hectares est passé de 3 à 18 %, tandis que les 130 000 hectares de terres agricoles sont toujours cultivées, mais par des entreprises de plus en plus grandes en surface. Néanmoins, ces agriculteurs ont vu leurs revenus baisser depuis 3 ans, et les 9,9 millions d’euros de compensations qui leur ont été accordées pour leurs pertes en 2008 et 2009, qui s’élèvent selon Astrid Lulling à 70 millions d’euros, sont insuffisantes.

En ce qui concerne la spéculation sur les produits agricoles, Astrid Lulling est convaincue que la Commission va réagir.Astrid Lulling

D’autre part, dans le cadre des négociations du programme de Doha, Astrid Lulling est d’avis que l’Europe ne doit pas moins protéger son agriculture que les Etats-Unis et ne voit pas pourquoi l’Europe devrait baisser ses défenses vis-à-vis des pays tiers désireux d’exporter vers l’Europe tout en voulant fermer leurs propres marchés. Elle n’est pas très heureuse avec la manière dont le commissaire européen au Commerce, Karl de Gucht, "un hyper-libéral", a mené ces négociations, et elle voudrait que ses positions soient, au sein d’une Commission censée agir comme collège, mieux coordonnées avec celles du commissaire à l’Agriculture, Dacian Ciolos. La sécurité alimentaire des citoyens européens devrait être le premier souci dans ces négociations, et cela passe entre autres par des prix agricoles plus contraignants afin que les exploitations puissent survivre.

Astrid Lulling s’est montrée optimiste pour le futur de la PAC. Un papier franco-allemand pour le Conseil Agriculture lui semble très utile pour faire avancer le dossier de la PAC après 2013. Dans ce papier, les deux gouvernements revendiquent d’abord "des instruments de marché adaptés pour conforter la compétitivité de l’agriculture européenne". Ainsi, "les instruments de marché actuels (notamment l’intervention, le stockage privé…) doivent faire partie d’un filet de sécurité destiné à protéger le secteur agricole des effets de crises majeures en Europe", et "compte tenu de la volatilité croissante des prix agricoles, nous avons besoin d’une plus grande transparence et d’un pouvoir de négociation plus fort pour les producteurs dans certains secteurs". Le papier stipule aussi que "d’autres instruments tels que les assurances ou les fonds mutualisés destinés à stabiliser les revenus des exploitants agricoles doivent être étudiés et rendus possibles par les États membres, dans le respect des plafonds nationaux et sur une base volontaire".

Un autre volet concerne "des paiements directs plus légitimes" qui "rémunèrent des biens publics non rémunérés par le marché, compensent les surcoûts de production induits par des normes de production plus exigeantes souhaitées par la société, contribuent aux revenus des agriculteurs et constituent un élément essentiel du filet de sécurité destiné à réduire les risques pour l’agriculture européenne." Ces paiements découplés "doivent continuer de jouer un rôle central à l’avenir". La France et l’Allemagne s’opposent à "un taux unique pour toute l’Europe", car il "ne correspond pas aux conditions économiques au sein de l’Union". Ils prônent aussi la possibilité pour les Etats membres de maintenir, à titre facultatif et dans le respect des plafonds nationaux, une "enveloppe de flexibilité" dédiée aux besoins spécifiques, à condition qu’elle n’induise aucune distorsion du marché intérieur et qu’elle respecte les engagements pris à l’OMC.

Un développement rural plus efficace et plus durable et une alimentation saine et de qualité pour tous – "La qualité de notre alimentation dépend dans une large mesure de notre système de production agricole" -, sont les autres volets traités par ce papier qui pose selon Astrid Lulling les jalons qu’il faut, à condition que le budget de l’UE  et ses ressources propres se voient augmentées.