La déclaration de politique étrangère du vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères Jean Asselborn, a été l’objet, le 16 novembre 2011, d’un débat à la Chambre des députés.
Pour Norbert Haupert, qui a pris la parole au nom du groupe CSV, 2011 a été une année de grands bouleversements, et cela, le discours de Jean Asselborn "l’a rendu bien tangible". Le porte-parole de la CSV a regretté que l’Europe ait été si désunie sur Palestine ou devant le flux de réfugiés qui a suivi la révolution tunisienne. Abordant les conséquences du printemps arabe, le député a mis en garde contre les violences dont sont victimes les Coptes en Egypte et contre la sharia, seule loi de référence en Libye depuis la mort de Kadhafi et la victoire des islamistes en Tunisie. Ces éléments suscitent en Europe une crainte devant les islamistes. A ces craintes, l’ont peut actuellement répondre en pointant le fait que les élections en Tunisie se sont déroulées de manière correcte et que les islamistes étaient mieux organisés et avaient à leur crédit leur lutte contre la dictature. La Libye quant à elle n’a pas encore de constitution, et la sharia est donc logiquement une référence de droit. Maintenant, la stabilisation économique de cette région est urgente, et Norbert Haupert s’est félicité que la Commission européenne soit active dans ce domaine et que l’UE soit la première à entreprendre des actions pour relancer l’économie de ces pays.
Sur la question palestinienne, l’UE a, selon le député Haupert, un grand potentiel, et c’est donc d’autant plus regrettable qu’elle soit désunie sur les questions de l’adhésion de la Palestine à l’ONU ou l’Unesco.
Pour le démocrate-chrétien, la Turquie se replie de plus en plus sur sa propre région et semble moins s’intéresser à l’adhésion à l’UE en se positionnant avant tout comme plaque d’échange entre l’Europe, la Russie, le monde arabe et l’Asie mineure. Par ailleurs, le modèle turc est devenu attrayant par le biais du parti gouvernemental AKP, islamique et démocratique, pour les pays arabes qui ont changé de régime. Mais d’un autre côté, Norbert Haupert déplore que la Turquie cherche la confrontation avec Israël, avec Chypre, et ce sur un arrière-fond de forage pour des ressources énergétiques. Tout cela pose des problèmes dans les relations entre l’UE et la Turquie. La Commission, dans son rapport sur l’élargissement, a mis en évidence les progrès en Turquie, mais a aussi émis des critiques. La question est de savoir si la Turquie est toujours intéressée à l’adhésion. Même avec la Turquie, l’UE ne représenterait en 2050 que 7 % de population mondiale. Bref, il faut demander à la Turquie ce qu’elle veut vraiment.
En ce qui concerne la crise, Norbert Haupert a souligné que la Grèce a toujours été réticente à mettre en œuvre les conditions de l’aide pour sortir de la crise. Les privatisations et l’assainissement du budget ont traîné, et les mesures d’austérité ont entraîné une terrible récession. Pour le député, l’austérité ne doit pas toucher seulement les petites gens, et il ne faut pas sous-évaluer les effets de la crise sur d’éventuels troubles sociaux.
Dressant un bilan de l’atmosphère en Europe, Norbert Haupert pense que les intérêts nationaux semblent vouloir prévaloir en Europe, et les divergences qui en découlent entre les leaders se vivent en public, au lieu d’être aplanies avant qu’une proposition de solution ne soit avancée. Mais les intérêts nationaux se retrouvent même dans les solutions proposées. Il y a là un danger pour le député qui a conclu, avec le Luxembourg et ses intérêts dans la mire : " Sans solidarité pas d’Europe, et s’il n’y plus d’Europe, que nous reste-t-il ?"
Pour Lydie Polfer, députée libérale et ancienne ministre des Affaires étrangères de 1999 à 2004, le Luxembourg n’est pas une île. Il doit être présent dans le monde et défendre ses intérêts. Et le Luxembourg et l’UE sont indissociables. Ce qui vaut d’ailleurs pour tous les autres Etats membres. Mais, regrette-t-elle, l’UE n’a toujours pas un numéro de téléphone unique où on peut la joindre et il n’est toujours pas clair qui, du trio Van Rompuy-Barroso-Ashton, représente l’UE.
Pour la porte-parole du DP, la crise des dettes souveraines vient du fait que nombre de pays ont vécu au-dessus de leurs moyens. Et parmi ces pays, il y en a qui font la leçon aux autres. Maintenant, regrette-t-elle, on veut renforcer les sanctions prévues dans le pacte de stabilité, un pacte dont les clauses n’ont pas toujours été respectées avant. Plutôt que de bricoler sur des textes, il vaudrait mieux appliquer, pense Lydie Polfer, les règles du semestre européen, du six-pack de la gouvernance économique et viser les objectifs de la stratégie Europe 2020 avec une honnêteté sans faille.
En ce qui concerne l’élargissement, Lydie Polfer recommande, au regard de la crise, la prudence et, notamment quand il s’agit de faire le constat que les Etats candidats ou susceptibles d’être candidats à l’adhésion se rapprochent des critères de Copenhague et des valeurs de l’UE. Mieux vaut selon elle ne pas céder ici à un optimisme de mise.
Une des conclusions que l’ancienne ministre tire du printemps arabe est qu’à côté des sanctions qui sont prises quand une crise va vers son point culminant, il faudrait réfléchir à d’autres manières de réagir, voire de prévenir de tels conflits. Par ailleurs, le Luxembourg et l’UE doivent se positionner clairement contre la politique destructive de l’Iran, mais sans envisager l’option militaire, comme le fait Jean Asselborn. Et dans ce cadre, il faudrait faire preuve de plus de compréhension vis-à-vis de l’Etat d’Israël, malgré les critiques que peut susciter la politique de son gouvernement actuel.
Finalement, la députée a demandé que l’on cesse de bricoler perpétuellement sur les traités européens, car cela pose un problème de crédibilité. L’UE est perçue selon elle "comme une voiture qui est toujours au garage pour être réparée".
Ben Fayot (LSAP), le président de la commission des Affaires étrangères et européennes, s’est concentré dans son intervention sur l’Europe.
L’UE est pour le Luxembourg et pour tous les autres Etats membres la vraie voie d’accès au monde globalisé. Mais en même temps, cette interdépendance entre le Luxembourg et l’UE peut provoquer un stress dans la population. En témoigne par exemple la levée de l’obligation de visa pour la plupart des pays des Balkans, qui a conduit à un afflux de demandeurs d’asile
Mais comment les choses vont-elles continuer avec l’UE ? Pour Ben Fayot, "la grande UE élargie ne sera pas une UE fortement intégrée". Une UE à plusieurs vitesses est donc préprogrammée. La zone euro en sera le noyau, avec des pays qui se fixent en commun des objectifs. Ces objectifs seront la solidité budgétaire, un niveau social élevé, un marché ouvert, des services publics protégés de l’impact des spéculations. Car, estime le député et Nestor des socialistes, "le marché ne peut prendre la place de la politique et remplacer la solidarité entre les Etats membres". Sans oublier la solidarité avec les générations futures, qui passe par de grands investissements qu’il faut faire maintenant. La solidarité doit aussi valoir pour les acteurs financiers, les banques sauvées par les Etats.
Dans ce contexte, Ben Fayot trouve que "l’UE continue à se défendre contre une régularisation des marchés financiers qui devraient être au service de l’économie réelle". Pourtant, pense-t-il, l’UE est à la croisée des chemins pour avoir fait au cours de la crise un saut qualitatif dans la coopération vers une vraie communauté de destin. "L’euro est le signe de notre économie et c’est pourquoi il faut le défendre dans un esprit de responsabilité mutuelle." Les socialistes sont ici évidement pour une taxe sur les transactions financières (TTF) qui taxerait des transactions jusque là non taxées et qui constituerait une ressource propre pour l’UE.
Le semestre européen et le rapprochement des politiques budgétaires est un nouvel élément constituant dans la politique des Etats membres, tous différents, qui impliquent l’exécutif comme le législatif. C’est pourquoi Ben Fayot pense qu’il faut des objectifs qui permettent aux parlements de choisir leur voie propre, selon la nature du pays.
Pour le député, le monde financier s’est découplé de l’économie réelle. A la fin, il a intérêt à ce que l’on spécule sur les dettes publiques. Et les agences de notation contribuent à ce jeu. Les spéculateurs recherchent de ce fait constamment de nouvelles victimes. Après la Grèce, le Portugal ou l’Irlande, ce sont maintenant l’Italie et la France qui sont visées. Cela coûte des milliards aux contribuables. De nombreuses gens n’acceptent plus cela, et cela déclenche des mouvements d’indignés dans le monde entier, y compris au Luxembourg, que le député somme de prendre au sérieux.
Ben Fayot est conscient des nombreuses réticences sur la place financière luxembourgeoise contre la régularisation du secteur financier. Mais pour lui, le Luxembourg doit pouvoir contribuer à ce mouvement. Ainsi, le Luxembourg doit soutenir le commissaire Barnier, freiné jusqu’au sein même de la Commission, qui veut encore plus réglementer les agences de notation.
Comme Lydie Polfer, Ben Fayot est, partant de sa longue expérience en la matière, sceptique à l’égard de nouveaux changements au traité. Le changement de l’art. 136 dans le cadre de la gestion de la crise des dettes souveraines ne lui pose pas de problème. Mais sur d’autres points, ce sera difficile, met-il en garde, comme il met en garde contre le manque de légitimité démocratique qu’entraîne la gestion actuelle de la crise. C’est pourquoi il souhaite au niveau national encore plus de coopération entre la Chambre et le gouvernement au niveau des processus législatifs européens, et ce malgré les réticences qui existent encore.
En guise de conclusion, il a regretté que la Commission Barroso ne se défende pas plus contre l’émergence de la méthode intergouvernementale dans l’UE. Il a déploré aussi la faiblesse de Catherine Ashton, qui nuit à l’image de l’UE, ou encore le manque d’unité sur de grands dossiers et problèmes. Sans compter le fait que certains pays, dont le Royaume Uni, ne veulent pas faire avancer la construction européenne et misent sur le repli et la régression sur les acquis communautaires. La Croatie devrait bientôt devenir le 28e pays. Pour Ben Fayot, qui redoute une UE faiblement intégrée, "toutes les coopérations avec l’UE ne doivent pas déboucher sur l’adhésion, sinon elle faiblira".
Comme pour d’autres orateurs, l’année 2011 a été selon Félix Braz une année dramatique et révolutionnaire, marquée de surcroît par de grandes catastrophes, comme celle de Fukushima. Pour le porte-parole des Verts au cours de ce débat, le Luxembourg ne fait plus partie de l’avant-garde européenne en termes d’environnement, et le pays freine même selon lui sur les questions d’émissions de CO2.
Quant au printemps arabe, le Luxembourg et tous les pays européens devraient réfléchir sur leurs relations passées avec les pays où il y a eu des renversements du régime. Il invite à méditer par exemple sur leurs exportations d’armes, une chose qui ne devrait plus se faire vers des pays qui risquent d’employer ces armes contre leur propre population. Félix Braz aurait aussi préféré un ton plus critique par rapport à ce qui arrive actuellement dans les pays arabes. En Egypte, l’armée est de plus en plus présente et jamais depuis 30 ans les tribunaux militaires n’ont siégé autant. Or l’UE est absente sur cette question. En Libye, la violence, les règlements de compte et la justice expéditive continuent. Pour la Syrie, il faudrait un accord au Conseil de sécurité pour que les dirigeants syriens soient déférés au TPI de La Haye.
Les Verts ont par ailleurs apporté leur soutien à Jean Asselborn pour son appréciation du rôle positif de la Turquie, même si tout ne va pas sur place. La Turquie est pour Félix Braz un grand apport pour l’UE, même si elle s’émancipe dans sa région sur fond d’hésitations de l’UE à son égard.
Pour les Verts, la méthode communautaire est en régression dans le cadre de la gestion de la crise financière, et de ce fait, elle est en danger. Le "rôle discret de Barroso" a renforcé cette tendance. Cela ne veut pas dire que la France et l’Allemagne n’ont pas fait ce qu’il fallait faire. Mais il faut un retour à la méthode communautaire tel que prôné par Jean Asselborn, qui a le soutien des Verts sur cette question.
Félix Braz s’est montré très en retrait par rapport aux critiques exprimées à l’égard des agences de notation, qui ne sont pour lui que des messagers. Pour lui, la crise financière a renforcé la crise des dettes souveraines, mais la crise des dettes existait silencieusement déjà avant la crise financière. C’est ce contexte qui a aménagé leur place aux agences de notation. "Pourquoi casser le thermomètre pour se dédouaner comme politique ?", a demandé le député. Reste que les Verts sont d’accord pour réformer la réglementation sur les agences de notation, tout en trouvant que les propositions de la Commission ne sont pas suffisantes. La même chose vaut pour leur soutien à l’idée de la TTF.
Le député ADR Fernand Kartheiser a dénoncé dans son intervention le "discours europhorique" dominant, un discours irréaliste selon lui. Son parti, l’ADR, "voit l’UE de manière plus réaliste", dit-il. Dans son attaque en règle contre l’UE actuelle, le député de droite a dénoncé les aménagements sur la crise qui se passent en dehors des traités, ce par peur des référendums. Il a critiqué une UE qui va selon lui au-delà de ses compétences, comme quand elle commente le système de pensions luxembourgeois, mais aussi le laxisme du Conseil européen, qui aurait entraîné la crise dont le Premier ministre Juncker serait donc aussi responsable.
Si des réformes impopulaires sont nécessaires, le Luxembourg n’a pas besoin de la pression "de l’étranger et de la Commission" pour les envisager, pense le député, pour qui la Commission "ne tient pas compte des intérêts du Luxembourg". C’est pourquoi elle ne doit pas être dotée de nouvelles ressources propres et qu’en temps d’économies, son budget et son personnel doivent être gelés.
Quant à la crise, la Grèce et d’autres dans son cas devraient pouvoir quitter l’euro selon l’ancien ambassadeur du Luxembourg à Athènes. Il vaudrait "mieux recapitaliser les banques que payer sans fin pour ces pays". De toute façon, l’idée de l’intégration européenne n’est pas un dogme et elle "date d’une rhétorique surannée des années 60". Pour l’ADR, les mesures actuelles contre la crise ne prendront pas. Elles signifient de fait une mise en tutelle des pays les plus pauvres. On se dirige pour lui vers une UE à vitesses variables, mais qui sort du cadre de l’intégration traditionnelle.
Inacceptable est pour lui le fait que la Commission a fait des prescriptions sur la gestion de leurs frontières à certains pays dans le cadre de Schengen. La souveraineté des Etats membres sur leurs frontières est pour Fernand Kartheiser intangible. La libéralisation des visas pour les pays des Balkans est pour lui incompréhensible, alors que leurs déficits administratifs et judiciaires sont évidents. Tout cela mène pour lui à des abus, et le gouvernement reviendra, parie-t-il, sur sa position favorable à la libéralisation des visas .
Vint ensuite une attaque en règle contre la Turquie, dont la menace militaire et le laxisme aux frontières qui crée l’afflux de centaines de milliers de réfugiés vers la Grèce contribue selon Fernand Kartheiser à augmenter les charges de cet Etat membre en crise. La Turquie est selon lui "un allié important, mais son influence est négative sur l’UE", notamment avec ses attaques contre Chypre et avec la manière dont elle empêche la prise décision dans l’OTAN. Elle se comporte comme "un Empire ottoman renaissant à l’extérieur et à l’intérieur comme un Etat totalitaire qui jugule les libertés". Elle veut être plus une puissance dans la Méditerranée qu’un partenaire de l’UE. Veut-elle vraiment adhérer à l’UE, demande le député, pour qui une telle adhésion serait "une catastrophe" pour l’UE, car la Turquie "risquerait de dicter à l’UE sa politique et cela serait la fin de l’identité européenne judéo-chrétienne et basée sur les Lumières". Pour Fernand Kartheiser, la Turquie doit mettre fin à sa "politique de la canonnière" contre Chypre, mais aussi à son négationnisme du génocide arménien. L’ADR se place selon son porte-parole "du côté des victimes, de la vérité et de la démocratie européenne".
Au Proche Orient, l’ADR est contre une reconnaissance de la Palestine, parce que celle-ci ne satisfait pas à tous les critères de ce qui définit un Etat, notamment l’existence de frontières clairement tracées et reconnues. Un exemple négatif est pour lui d’ores et déjà la reconnaissance du Kosovo. Il est à ses yeux illusoire d’aller ainsi vers la paix: "La paix se négocie et ne s’impose pas avec le changements du statut d’une des parties, même si le gouvernement israélien actuel de Netanyahou est loin d’être exemplaire."
Serge Urbany (déi Lénk) a jugé que la liberté, la démocratie et l’égalité avaient de moins en moins cours dans l’UE. Le capitalisme actuel vit des dettes, a-t-il constaté. En 2008 comme dans la crise des dettes souveraines, ce sont les banques qui sont en cause. Récession, moins d’impôts, plus d’endettement, trop d’argent mal investi, voilà les maux dont souffre l’UE à ses yeux. Le système anti-crise de l’UE favorise toujours les banques, ne serait-ce qu’avec des banques centrales qui prêtent aux banques à des taux bas, et ces dernières qui prêtent ensuite à des taux élevés. L’effet de levier de l’EFSF, ce sera cela, analyse Serge Urbany. Pour le député de la Gauche, la dictature des marchés financiers s’est déjà établie en Grèce. Et de citer le sociologue Alain Joxe, qui rappelle que la démocratie grecque a débuté il y a 2600 ans avec l’interdiction de la réduction en esclavage pour cause de dettes : "La commission de surveillance de l’Union Européenne s’imagine déjà jouant le Résident Général d’un nouveau système d’asservissement : une mise en esclavage pour dette du peuple grec."
La députée socialiste Lydie Err a quant à elle posé plus de questions sur la crise qu’elle n’a apporté de réponses. L’euro a-t-il quelque chose à voir avec l’Europe ? Comment la recapitalisation des banques se fera-t-elle ? Qu’en est-il des conséquences pour les gens et leur futur ? N’y a-t-il pas de risque de dictature des marchés avec des gouvernements comme celui de Papademos en Grèce et de Monti en Italie, ou avec la nomination de Mario Draghi à la tête de la BCE ? Pour elle, la politique et les marchés vont d’autres chemins, mais les marchés se mêlent au politique sans sanction démocratique. Actuellement, les transferts sociaux compensent nombre d’inégalités : qu’en sera-t-il si ces transferts sociaux sont touchés par des mesures d’austérité ? Quelles solutions pour la sortie de crise ? Un gouvernement économique et une union monétaire, basés sur la légitimité des gouvernements et des citoyens ? Lydie Err n’a pas d’illusions à ce sujet, même si elle admet que l’EFSF est un pas dans la bonne direction qui pourrait favoriser la relance et qu’une sortie de l’euro de l’un ou l’autre pays serait clairement une fausse solution. Elle a regretté que le commissaire Michel Barnier n’ait pas pu aller jusqu’au bout de ses idées sur la réglementation des agences de notation, tant en ce qui concerne la création d’une agence de notation européenne que la suspension de la notation d’un Etat membre en difficultés.
Lydie Err a ensuite exprimé ses divergences avec le ministre Asselborn. Moins optimiste sur la Tunisie, elle a mis en garde contre les régressions possibles des droits de la femme en Tunisie. Elle est par ailleurs devenue de plus en plus sceptique sur l’adhésion de la Turquie après avoir scruté les développements concrets de la politique du gouvernement à l’égard des Kurdes en Turquie et son agressivité vis-à-vis de Chypre. Et pour ce qui est de la Palestine, si la solution des deux Etats n’est pas possible, elle pense qu’une confédération entre Israéliens et Palestiniens pourrait être envisagée.
Dans sa réponse aux députés, le ministre Asselborn était d’accord avec le député Norbert Haupert que le SEAE était en quelque sorte "le radar de l’UE dans le monde", mais que les positions de la politique étrangère européenne devaient à chaque fois être négociées. L’UE pourrait prendre la place des Etats-Unis au Proche Orient seulement si elle parlait d’une seule voix. "Nous en sommes loin. L’Allemagne, la Hollande et parfois les Tchèques bloquent, parce qu’ils confondent les intérêts de l’Etat d’Israël avec ceux du gouvernement actuel", a conclu le ministre. Sur la Turquie, il a expliqué que chaque progrès là-bas était dû à la présence et aux pressions de l’UE. Il ne fallait donc pas claquer la porte, malgré les menaces de ne pas coopérer en cas de présidence chypriote du Conseil.
Il est vrai, comme l’a déclaré le député Ben Fayot, qu’avec la crise, l’UE est devenue encore plus une communauté de destin. Et dans cette communauté de destin, "nous sommes dans une situation où le pays le plus fort de l’UE demande des changements au traité aussi pour des raisons de politique intérieure." Et de raconter comment "les ambassadeurs de l’UE sont convoqués à Berlin à tour de rôle". "Dans la cas actuel, on ira au-delà de la modification de l’art. 136" et il y aura une conférence intergouvernementale (CIG) et une convention, a-t-il expliqué. Pour Jean Asselborn, "’UE doit réussir cela à 27, sinon nous serons 17 et sur le rail de la gestion par la méthode intergouvernementale." La Chambre et le gouvernement doivent donc se préparer à cela. Jean Asselborn a ensuite regretté les limites de la proposition de la Commission sur les agences de notation, mais mis ses espoirs dans les délibérations au Parlement européen. Il a réitéré le soutien du gouvernement à une TTF au niveau des 27 Etats membres et pour que cette taxe devienne une ressource propre de l’UE.
Il a conclu par une riposte à l’ADR, à qui elle a reproché de dénigrer le travail de Jean-Claude Juncker comme contraire aux intérêts du Luxembourg. "C’est blessant pour des gens qui s’engagent autant pour une vraie solution de la crise."