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Economie, finances et monnaie - Traités et Affaires institutionnelles
Une majorité de députés européens exige l’implication du Parlement européen dans l’élaboration de l’intergouvernemental "pacte budgétaire", tout en critiquant l’attitude du Royaume Uni
13-12-2011


Les députés européens réunis en plénière le 13 décembre 2011 se sont penchés sur les résultats du Conseil européen des 8 et 9 décembre, en présence du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, et du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso. Un débat qui a mis à jour les inquiétudes d’un parlement qui craint d’être exclu des processus de décision qui mèneront au "pacte budgétaire", de nature intergouvernementale, qui a été décidé par les chefs d’Etat et de gouvernement d’a priori 26 Etats membres de l’UE sur 27, le Royaume Uni s’étant pour l’instant exclu du processus anti-crise qui se met en marche.

Herman Van Rompuy : le choix d’un accord intergouvernemental a été dicté par "le seul intérêt européen"

Herman Van Rompuy a d’emblée signalé qu’un traité intergouvernemental n’était pas son option préférée. Les scénarios incluaient tant des mesures qui pouvaient être prises sans modification des traités, ou bien qui impliquaient une révision à l’unanimité du protocole 12 du traité européen par le Conseil européen, ou bien qui menaient à une modification du traité, elle aussi nécessairement unanime. Comme cela n’a pas été possible, l’option retenue a été celle d’un traité intergouvernemental entre les 17 membres de la zone euro, mais ouvert à tous les autres membres de l’UE. Ce choix a été dicté par le "seul intérêt européen" qui était à ce moment là en jeu. Herman Van Rompuy devant le Parlement européen le 13 décembre 2011 © European Union 2011 PE-EP

Ce traité sera maintenant négocié rapidement, malgré les problèmes juridiques que cela soulève, pour renforcer de manière contraignante la discipline budgétaire et la coordination économique au-delà du six-pack entré en vigueur le jour même. Pour Herman Van Rompuy, il y a des précédents au traité intergouvernemental, comme les accords de Schengen, comme les accords de Prüm sur la coopération policière ou le lancement de l’euro. Et, a-t-il insisté, "nous avons trouvé un accord pour associer le Parlement européen à ce processus".

La feuille de route est claire pour le président du Conseil européen : l’on saura dans les prochains jours, après consultation des parlements nationaux, quels Etats membres participeront au-delà des 17, et l’accord devrait être signé au début du mois de mars 2012. "L’objectif demeure d’incorporer les dispositions de cet accord dans les traités européens le plus tôt possible", a indiqué Herman Van Rompuy, qui est d’avis que les procédures liées à cet accord doivent rester intégrées dans les structures de l’UE. Les autres éléments d’une feuille de route sont la ratification du traité sur le Mécanisme européen de stabilité (ESM) qui prendra le relai de l’EFSF dès 2012 (et non à partir de 2013), l’approfondissement de l’intégration budgétaire et, enfin, l’examen législatif rapide par le Conseil et le Parlement européen des propositions de la Commission du 23 novembre 2011 basées sur l’article 136 du traité, des règlements qui visent à renforcer la coordination et la surveillance budgétaire au sein de la zone euro.

José Manuel Barroso : le nouvel accord ne devrait "pas être appelé un accord 17 +,  mais plutôt 27 - 1"

José Manuel Barroso a mis en avant dans son interventionle fait que les mesures la participation du secteur privé, qui se conformeront strictement aux principes et pratiques du FMI vont rassurer les investisseurs, que la Commission continue de penser que l’émission d’obligations européennes, un "sujet controversé", serait une bonne chose, que l’UE devra de nouveau arriver à avoir une image liée à la croissance et l’emploi, et pas seulement à la discipline et à des sanctions, même si la procédure de déficit excessif sera plus stricte avec son automaticité. Il est, José Manuel Barroso devant le Parlement européen le 13 décembre 2011 © European Union 2011 PE-EPlui aussi, d’avis qu’un accord à 27 aurait été la meilleure solution, mais, a-t-il souligné, il a été impossible d’accéder à la demande du Royaume Uni d’être exempté des obligations de régulation des marchés financiers au risque de mettre en péril l’existence du marché unique.

Les engagements pris dans le pacte budgétaire seront selon lui intégrés dans le droit européen. "Un accord intergouvernemental qui serait en conflit avec le droit européen sera refusé par la Commission et aussi par le Parlement européen", a-t-il rassuré. Il s’agit certes d’une "quadrature du cercle" qui fera "l’objet de réflexions et d’examens à venir". Pour le président de l’institution qui est censée être la gardienne des traités, l’action future se fera seulement sur base des traités européens, et il n’y aura ni structures nouvelles ni structures concurrentes, et toute nouvelle législation sera soumise au Parlement européen. Et de conclure que la participation du Parlement n’est pas un problème, et que de toute manière, le nouvel accord ne devrait "pas être appelé un accord 17 +,  mais plutôt 27 -1".

Joseph Daul (PPE) veut remettre en cause le "chèque britannique"

Joseph Daul, le chef de file PPE, a félicité dans son intervention les 26 Etats membres d’avoir fait preuve de responsabilité face au pouvoir des marchés. Il a regretté que l’accord projeté soit de nature intergouvernementale et non communautaire, ce qui pose selon lui des problèmes juridiques et politiques. Le PPE, qui est le groupe politiJospeh Daul intervenant devant le Parlement européen réuni en plénière le 13 décembre 2011 © European Union 2011 PE-EPque le plus fort au Parlement européen, a exigé par la voix de Joseph Daul que les nouvelles dispositions impliquent toutes les institutions communautaires, et comme il préfère que la cohésion l’emporte sur les rapports de force, il voudrait que la méthode communautaire y soit appliquée. 

Abordant le comportement du Royaume Uni, Joseph Daul a déclaré que l’isolement britannique montre que le Royaume Uni considère l’UE uniquement comme une zone de libre échange, sans aucune considération de solidarité. A cause de cela, Joseph Daul est d’avis qu’un changement d’attitude est nécessaire et il a annoncé sous une salve d’applaudissements que "le chèque britannique doit être remis en cause". "Les deniers européens doivent servir à autre chose qu'à récompenser des attitudes nationalistes et égoïstes. La solidarité n'est pas une rue à sens unique. Il est temps de faire comprendre cela à la coalition gouvernementale  dirigée par David Cameron", a lancé Joseph Daul, pour qui David Cameron ne doit pas se voir accordées des dérogations sur les règles de régulation financières.  

Martin Schulz (S&D) : "ce n’est pas la confiance des marchés qu’il faut retrouver, mais celle des citoyens"

Martin Schulz, le chef de file des socialistes européens, a salué la décision des Européens, à l'exception des Britanniques, de "ne pas se laisser mettre sous pression de la City, là où sont les spéculateurs". Mais il a été très Martin Schulz en plénière le 13 décembre 2011 © European Union 2011 PE-EPcritique envers les résultats d'un Conseil européen qui n’a pas amené selon lui "la stabilité dans les marchés", pas plus qu’il n’a contribué depuis le début de la crise à la stabilité et la croissance ou au financement des Etats en crise. Il a aussi critiqué le fait que l’EFSF ne reçoive pas de licence bancaire et que l’ESM sera mis en œuvre avant 2013.

Dès le début, les socialistes européens ont été opposés à une modification du traité, "parce qu’alors tous les chantages commencent". Avec leur décision, les 26 ont juste lancé un signal qu’ils refusent tout chantage. Comme Joseph Daul, Martin Schulz exige une implication forte du Parlement européen dans les tractations en cours. Martin Schulz s’est aussi plaint que la Commission invoque toujours la confiance des marchés. "Quels marchés ? Ces marchés qui ne cherchent qu’à maximiser le capital ?", a-t-il demandé, concluant que "ce n’est pas la confiance des marchés qu’il faut retrouver, mais celle des citoyens". Pour le socialiste, un tel travail relève du Parlement européen qui présentera d'ailleurs ses propres propositions pour l’économie et la croissance.

Guy Verhofstadt (ALDE) : "j'imagine que David Cameron va bientôt s'apercevoir qu'il a fait la gaffe de sa vie"

Le chef de file des libéraux de l’ALDE, Guy Verhofstadt s’est félicité de la volonté du Conseil européen de mettre fin à l’impunité de la transgression des règles de stabilité et de faire en sorte que les investisseurs privés devrontGuy Verhofstadt en plénière le 13 décembre 2011 © European Union 2011 PE-EP d’une manière ou d’une autre eux aussi assumer les conséquences de la crise. Mais, à ses yeux, l’accord n’est pas suffisant sur la question de la solidarité dans l’UE. Il faut s’attaquer à cette crise dans son ensemble, pense le leader libéral, pour qui le Conseil européen "n’est pas compétent et pas à la hauteur". "C’est le Parlement européen qui doit le faire de concert avec la Commission", estime-t-il plutôt.

"J'imagine que David Cameron va bientôt s'apercevoir qu'il a fait la gaffe de sa vie", a lancé le chef de file de l’ALDE en abordant la question de l’attitude britannique. "Si vraiment Cameron voulait des garanties supplémentaires pour la City, encore aurait-il fallu qu'il s'assoie à la table des négociations. Car, en politique, il y a une règle d'or : vous ne quittez la table des négociations que si vous êtes sûr de ne pas vous retrouver seul", a-t-il dit. Et il a ajouté en ironisant: "Quand vous êtes invités à une table, ça peut être comme invité ou sinon,  c'est que vous faites partie du menu."

Rebecca Harms (Verts/ALE) : "le sommet du déni de réalité"

Rebecca Harms, qui s’exprimait au nom des Verts européens, a fortement attaqué un sommet qui n’a selon elle pas vraiment parlé de la crise et qui a été "le sommet du déni de réalité". Déni de réalité de la part des Britanniques, mais Rebecca Harms au Parlement européen le 13 décembre 2011 © European Union 2011 PE-EPaussi de la part d’Angela Merkel qui ne voit selon elle que l’austérité comme voie pour sortir de la crise. La solidarité européenne, où est-elle après le refus d’accorder une licence bancaire à l’EFSF, après le refus du recours à des euro-obligations ou une reprise collective des dettes des pays à problèmes, s’est demandé l’eurodéputée. "Où est la croissance dont la Commission parle depuis des années ?", a-t-elle poursuivi. Soulignant que les créanciers sont dispensés de participer à l’effort collectif sur les dettes, elle s’est demandé où est la justice sociale dans ce cas, alors que nous sommes obligés de reprendre ensemble les charges et que ceux qui sont à l’origine de la crise y gagnent et ne participent à rien.

Pour elle, le Conseil européen "n’est pas une réponse à la crise, mais une déclaration de guerre à la démocratie européenne". L’accord intergouvernemental ne sera qu’un pis-aller, de sorte qu’il appartient au Parlement européen de faire des avancées sur les questions de l’économie et de la croissance sans que les traités ne soient modifiés. Une vraie union économique et solidaire nécessitera une telle modification, mais pas la lutte contre la crise. 

Pour les conservateurs, la zone euro est "divisée en deux groupes : ceux qui paieront et ceux qui seront payés"

"Cameron a défendu les intérêts de son pays, même si certains tentent de faire de lui un bouc émissaire", a répondu le Tchèque Jan Zahradil, président du groupe Conservateur et Réformiste au sein duquel siègent les élus conservateurs britanniques. "Le sommet n'a pas été un succès. L'Europe est plus divisée que jamais", a-t-il affirmé. "A l'intérieur même de la zone euro, les 17 sont divisés en deux groupes : ceux qui paieront et ceux qui seront payés", a dit le député eurosceptique. "Et ce sont principalement les plus riches, l'Allemagne, l'Autriche, les Pays-Bas et la Finlande, qui paieront pour les autres. Je suis vraiment désolé pour les  contribuables de ces pays", a-t-il ajouté, non sans cynisme. Pour lui, l’UE se délite et dérive vers une sorte de structure intergouvernementale.

Lothar Bisky, porte-parole de la Gauche unie européenne, a lui aussi tiré des conclusions négatives d’un Conseil européen qui "ne nous permettra pas de sortir de crise", parce qu’il est "impossible de restaurer la confiance des marchés" avec des gouvernements qui n’ont pas de capacité d’action dans ce sens. Pour Lothar Bisky, "les banques doivent être soumises au contrôle des Etats" et les marchés doivent aussi être contrôlés.

Nigel Farage (EFD), chef de file des europhobes britanniques et partisan d'une sortie de la Grande-Bretagne de l'UE, s'est en revanche félicité du clash survenu lors du sommet des dirigeants européen. "Le Royaume-Uni va pouvoir quitter l'UE et regagner son influence dans le monde", s'est-il félicité. "Nous avons maintenant la dynamique pour aller au référendum et récupérer notre liberté", a-t-il lancé. Il a ensuite quitté l'hémicycle.

Charles Goerens a mis en garde contre un découragement des courants politiques pro-européens du Royaume Uni

L’eurodéputé libéral luxembourgeois Charles Goerens est également intervenu dans le débat pour exprimer sa déception sur l'attitude de David Cameron. Pour lui, "cela ne devrait cependant pas masquer le fait que nombre de citoyens britanniques sont en désaccord avec leur Premier ministre", dont des collègues libéraux et travaillistes. Charles Goerens est d’avis que la tonalité du débat au Parlement européen "n'a pas contribué à nous solidariser avec les courants politiques pro-européens du Royaume-Uni". Il a aussi dit son inquiétude devant "la façon dont les gouvernements de deux Etats membres de l'Union européenne essaient d'imposer leur volonté aux autres", soulignant que cela "n'est peut-être pas le meilleur moyen de cimenter la cohésion de l'Union européenne à long terme et de respecter l'autorité du Président du Conseil européen".

Pour Herman Van Rompuy, l’annus horribilis 2010-2011 sera un jour considéré comme un "annus mirabilis’"

Dans sa réponse aux députés européens, Herman Van Rompuy s'est dit "optimiste" et a exprimé l'espoir que, "lorsque cette crise sera derrière nous, on verra ce qu'on aura réalisé dans l'année 2010 et 2011 et ce que l'on vit maintenant comme un ‘annus horribilis’ sera un jour considéré comme un ‘annus mirabilis’". "On dira de ces années difficiles qu'elles ont permis de créer la base pour que cette crise ne se reproduise jamais plus et qu'on a changé profondément l'Union", a-t-il ajouté. Et en faisant allusion à l’attitude du Royaume Uni, il a expliqué ne pas vouloir polémiquer sur ce sujet dans l’espoir qu’un jour "nous serons à nouveau à 27 pour que tout le monde se mette d'accord sur ce sur quoi nous n'avons pas pu nous mettre d'accord il y a quelques jours". Le président du Conseil européen espère qu'à cette occasion les Etats membres puissent "convenir un vrai changement de traité dans lequel on intégrera les acquis de l’accord intergouvernemental".

En attendant, la lutte contre la crise exige que soit signé un accord intergouvernemental qui est "un deuxième choix", même si "on fera tout pour que ce soit un pas en avant". Il a de nouveau rassuré les députés sur le fait que "ce traité intergouvernemental devra respecter les traités existants, les acquis du marché unique et qu’il n'introduira pas de discrimination". "Le Parlement européen sera associé au processus de confection de ce traité intergouvernemental", a-t-il assuré aux parlementaires.