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Fiscalité
Gusty Graas, rapporteur au Comité des Régions sur la proposition d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS), plaide pour que les impôts locaux et régionaux soient pris en compte
06-01-2012


En mars 2011, la Commission européenne proposait la mise en place d’un système commun destiné à calculer l'assiette de l'impôt des sociétés actives dans l'Union européenne. L'assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés (CCCTB, ou ACCIS) implique que les sociétés bénéficieraient d'un système de "guichet unique" pour déposer leur déclaration fiscale et qu'elles pourraient consolider tous les bénéfices et toutes les pertes enregistrés dans l'ensemble de l'Union européenne.

Une proposition reçue avec froideur au Luxembourg, où la Chambre s’est inquiétée dans un avis motivé de ses possibles "effets négatifs non négligeables sur les recettes fiscales, le PIB et l’emploi de certains Etats membres". Le Premier ministre Jean-Claude Juncker a quant à lui déclaré en mai 2011 que "le Luxembourg ne peut soutenir cette proposition sous cette forme".

Au Comité des Régions, Gusty Graas (DP), membre du Conseil communal de Bettembourg, a été rapporteur sur ce dossier. L’avis qu’il a rédigé a été adopté en plénière le 15 décembre 2011. cdr

Dans cet avis, le Comité des Régions salue l’attention accordée à la fiscalité des sociétés en tant qu’élément clef dans l’établissement du marché intérieur et considère qu’avoir à faire avec une seule administration fiscale pour calculer leur base imposable simplifierait grandement la vie des entrepreneurs, tout en réduisant les charges administratives.

Mais les représentants locaux et régionaux invitent aussi la Commission à prendre en compte l’impact qu'implique la possibilité de reporter indéfiniment les pertes fiscales sur les exercices ultérieurs et à examiner de quelle manière mettre en œuvre d'éventuelles mesures anti-abus.

Sans mettre en cause directement le principe même de la directive, les représentants locaux et régionaux estiment enfin toutefois que la proposition devrait être revue en tenant compte de la nécessité de disposer :

  • d'indicateurs quantitatifs et qualitatifs suffisants, permettant une évaluation complète des implications pour la subsidiarité d'une proposition transfrontalière de cette nature;
  • de davantage de données sur toutes les conséquences de l'ACCIS;
  • d'une analyse de l'incidence de la proposition pour les collectivités locales et régionales.

"Au Luxembourg règne plutôt la peur d’être en fin de compte perdant" dans cette histoire, estime Gusty Graas

www.wort.luDans un entretien qu’il a accordé au Luxemburger Wort daté du 20 décembre 2011, l’élu communal précise son point de vue sur cette proposition de la Commission qui n’a pas manqué de courage selon lui. "Il s’agit d’une première étape vers une harmonisation de la fiscalité au niveau européen", estime Gusty Graas qui pense que le texte n’est pourtant pas encore tout à fait au point. "Beaucoup de points restent ouverts", juge l’élu qui se dit convaincu que le projet proposé ne saurait être définitif et doit être modifié.

"La Commission peut-elle intervenir en matière fiscale ?", demande la rédaction du Wort. Pour Gusty Graas, il suffit d’observer l’évolution de l’UE au cours des dernières années pour constater qu’il convient de se demander, notamment en cette période de crise, si une harmonisation partielle des politiques fiscales et budgétaires ne serait pas bonne, notamment pour éviter les trop grandes différences qui existent. "Personnellement je suis convaincu que l’UE n’a un avenir assuré que si on avance vers un certain degré d’harmonisation", explique l’élu communal qui ne perd pas pour autant de vue la souveraineté des Etats en matière fiscale. A ses yeux, la proposition de la Commission "va dans la bonne direction", mais il convient de "fixer des limites". "Et je crois que c’est réussi", juge-t-il, en expliquant qu’il s’agit certes de déterminer une base de calcul commune, mais que le taux d’imposition continue de relever de la décision des Etats.

Une des critiques exprimées par le Comité des Régions pointe le fait que la proposition de la Commission ne tient pas compte de l’impact de la fiscalité des entreprises sur les communes, les villes et les régions. "Les impôts locaux et régionaux ne sont pas pris en compte", déplore ainsi Gusty Graas. L’élu communal cite l’exemple de la taxe professionnelle, qui existe au Luxembourg, mais pas en Allemagne par exemple. Dans le cas de cette taxe, l’Etat détermine la base de calcul, mais le taux d’imposition est fixé par la commune. Or, cet aspect est complètement absent du projet de la Commission. Conséquence qu’en tire Gusty Graas, les entreprises devraient faire face à deux systèmes, d’une part une base de calcul commune et d’autre part un système de taxes professionnelles et autres qui sont prélevées au niveau local. Gusty Graas propose donc la mise en place d’un groupe de travail qui serait chargé d’analyser cette question de façon détaillée.

"Au Luxembourg règne plutôt la peur d’être en fin de compte perdant" dans cette histoire, estime Gusty Graas qui juge "trop vague" la prise de position avec laquelle "se couvre" la Chambre des députés. Il souligne aussi que Jean-Claude Juncker s’est prononcé contre la proposition et il se fait enfin l’écho du scepticisme qu’il a rencontré dans ses discussions avec la FEDIL. "Je regrette, et cela vaut pour tous les Etats membres, que les études sur les effets de cette directive ne soient pas encore assez nombreuses, et cela vaut notamment pour son impact sur les finances locales et régionales", conclut Gusty Graas.