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Droits fondamentaux, lutte contre la discrimination - Traités et Affaires institutionnelles
Pour Jean Asselborn, "la Hongrie fait tache dans l’UE"
06-01-2012


L’Europe s’inquiète de plus en plus de ce qui se passe en Hongrie, Etat membre de l’UE, où le gouvernement de Viktor Orban s’est attaqué à la liberté de la presse avec une loi sur les médias, à l’indépendance de la justice avec une loi qui enverra à la retraite plusieurs centaines de juges et permettra à une seule autorité contrôlée par le gouvernement de nommer les nouveaux juges, à l’indépendance aussi de la banque centrale, et il a finalement fait voter une Constitution très idéologique qui enferme la Hongrie dans un carcan national, religieux et une idée unique de la famille, peu conforme avec l’habitus des sociétés ouvertes du reste de l’UE et occidentales en général.

Entretemps, l’actuelle Cour suprême hongroise, en sursis, a jugé la loi sur les médias anticonstitutionnelle, et le gouvernement hongrois se refuse à appliquer le jugement. Des manifestations importantes ont eu lieu à Budapest. Les médias européens s’émeuvent et craignent la mise en place d’un régime autoritaire dans un pays de l’Union. Même le gouvernement allemand, dirigé par une chancelière chrétienne-démocrate, a appelé le gouvernement hongrois du FIDESZ, affilié comme la CDU au Parti populaire européen (PPE), à la retenue dans l’usage qu’il pourrait faire de sa majorité de deux tiers.    

Que fait la Commission ?

La Commission, gardienne des traités européens, s’était contentée début 2011 d’intervenir sur la nouvelle loi sur les médias en invoquant avant tout des arguments techniques basés sur les principes du marché unique et des directives. Lorsqu’elle a abordé en décembre 2011 les questions de réforme constitutionnelle, du système judiciaire et du statut de la banque centrale hongroise, elle adopté un autre ton, et invoqué plus directement les traités et les valeurs européennes qui sont à la source de leurs dispositions. Ses échanges épistolaires avec le gouvernement hongrois, sommé de se justifier, sont de moins en moins confidentiels.    

Que se passe-t-il au Parlement européen ?

Au Parlement européen, où la situation a déjà été l’objet de débats et de questions en plénière, les socialistes, les Verts et les libéraux ont demandé qu’une procédure pour non-respect des traités européens soit entamée contre la Hongrie. Les socialistes , les Verts  et les libéraux de l’ALDE  invoquent l’article 7 du traité européen (voir en annexe de l'article), sachant que l’UE est fondée  selon l’article 2 du traité "sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme, y compris des droits des personnes appartenant à des minorités" et que "ces valeurs sont communes aux États membres dans une société caractérisée par le pluralisme, la non-discrimination, la tolérance, la justice, la solidarité et l'égalité entre les femmes et les hommes."  Tous interpellent directement le PPE, dont le FIDESZ fait partie, à agir de son côté.

Jean Asselborn veut que le Conseil évoque les développements en Hongrie

Le Conseil, qui réunit les gouvernements des Etats membres de l’UE, a été par contre silencieux sur les développements en Hongrie. Cela n’a pas été le cas du ministre des Affaires étrangères luxembourgeois, doyen du Conseil pour y siéger depuis septembre 2004, qui s’est prononcé sans ambigüités en décembre 2010, en janvier, mai et décembre 2011, mettant en garde contre la mise en place d’un régime autoritaire à Budapest, et qui a, le 5 janvier 2012, renouvelé dans un entretien avec le quotidien Tageblatt son appréciation de la Hongrie sous Viktor Orban.

tageblatt"La Hongrie fait tache dans l’UE », estime le chef de la diplomatie luxembourgeoise qui dit s’être senti très seul parmi ses pairs quand il a commencé, parmi les premiers à ce faire en 2010, à s’exprimer sur la loi sur les médias. A l’époque, seul son homologue tchèque Karl zu Schwarzenberg le soutenait. Le Conseil européen et le groupe PPE du Parlement se sont tus, se plaint-il. La critique contre la politique de Viktor Orban a été disqualifiée comme des propos exagérés tenus par la gauche. Là aussi, le Luxembourg avait fait exception, puisque Jean-Claude Juncker avait déclaré dès le 3 janvier 2011 qu’il était juste de s’opposer à la loi hongroise, soutenant Jean Asselborn dans sa démarche, et avait estimé que Viktor Orban, "qui est de la même famille politique que la mienne mais avec lequel je n’ai jamais entretenu des relations sans frictions, est allé trop loin dans ses efforts visant à contenir l’usage excessif de l’application de la liberté de la presse".

Jean Asselborn pense que si l’UE n’entreprend rien sur la Hongrie, elle risque de perdre sa crédibilité morale dans le monde. L’Etat de droit est selon lui miné par les mesures du gouvernement FIDESZ. Un gouvernement ultérieur n’aura pas les moyens de changer la Constitution, tant les dispositions pour l’amender ont verrouillé un système qui prévoit entre autres une taxation maximale des entreprises de 16 %. Ce qui se passe actuellement en Ukraine, où l’on traduit l’opposition en justice, risque également d’arriver en Hongrie. Or, en ce qui concerne l’Ukraine, l’UE n’a pas hésité à geler l’accord d’association que la lie à l’Ukraine. Bref, "la Commission, qui est la gardienne des traités, doit frapper". Une suspension du versement de fonds européens devrait être envisagée et le Conseil devrait évoquer la question en janvier, conclut Jean Asselborn, qui regrette le silence du PPE.

En annexe et pour rappel l’article 7 (ex-article 7 TUE) du traité sur l'Union européenne

1. Sur proposition motivée d'un tiers des États membres, du Parlement européen ou de la Commission européenne, le Conseil, statuant à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres après approbation du Parlement européen, peut constater qu'il existe un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs visées à l'article 2. Avant de procéder à cette constatation, le Conseil entend l'État membre en question et peut lui adresser des recommandations, en statuant selon la même procédure.

Le Conseil vérifie régulièrement si les motifs qui ont conduit à une telle constatation restent valables.

2. Le Conseil européen, statuant à l'unanimité sur proposition d'un tiers des États membres ou de la Commission européenne et après approbation du Parlement européen, peut constater l'existence d'une violation grave et persistante par un État membre des valeurs visées à l'article 2, après avoir invité cet État membre à présenter toute observation en la matière.

3. Lorsque la constatation visée au paragraphe 2 a été faite, le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut décider de suspendre certains des droits découlant de l'application des traités à l'État membre en question, y compris les droits de vote du représentant du gouvernement de cet État membre au sein du Conseil. Ce faisant, le Conseil tient compte des conséquences éventuelles d'une telle suspension sur les droits et obligations des personnes physiques et morales.

Les obligations qui incombent à l'État membre en question au titre des traités restent en tout état de cause contraignantes pour cet État.

4. Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut décider par la suite de modifier les mesures qu'il a prises au titre du paragraphe 3 ou d'y mettre fin pour répondre à des changements de la situation qui l'a conduit à imposer ces mesures.

5. Les modalités de vote qui, aux fins du présent article, s'appliquent au Parlement européen, au Conseil européen et au Conseil sont fixées à l'article 354 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.