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Déi Gréng voient dans le traité international de discipline budgétaire en discussion "un chèque en blanc pour le démontage social et une longue stagnation économique"
20-01-2012


Le député vert François Bausch et l'eurodéputé vert Claude Turmes, conférence de presse sur le pacte budgétaire, 20 janvier 2012  -bauschLe 20 janvier 2012, les Verts luxembourgeois ont fait savoir qu'ils ne soutiendraient pas dans sa forme actuelle le «traité international sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l'Union économique et monétaire», autrement dit le pacte budgétaire. Déi Gréng craignent que le conseil ECOFIN du 24 janvier 2012 suivi du sommet des chefs d'Etat européens le 30 janvier 2012 accouchent d'un nouveau traité international qui soit "un chèque en blanc pour le démontage social et une longue stagnation économique". Ils estiment que ce traité international est inadapté à la situation de crise et devrait être remplacé par un système de discipline budgétaire assorti de réformes fiscales qui permettent de soulager les Etats membres comme les citoyens les plus fragiles. Le 18 janvier, le Parlement européen a lui-même voté une motion dans laquelle les députés estiment  également que la discipline budgétaire, si elle constitue le fondement de la croissance durable, ne pourra à elle seule assurer la relance économique

"Porté vers une austérité aveugle"

 Ce nouveau traité international à vingt-six (hors Royaume-Uni) doit pousser un peu plus loin la discipline budgétaire des Etats membres de l'Union européenne et apporter des modifications juridiques pour que les règles budgétaires adoptées en décembre soient appliquées plus sûrement. Il s'inscrit à la suite du lancement du semestre européen et de l'approbation du paquet de six mesures dit six-pack. Les ministres des Finances se réuniront en conseil le 24 janvier pour améliorer le brouillon qui sera ensuite parachevé lors du sommet des chefs d'Etat le 30 janvier.

Selon l'eurodéputé vert, Claude Turmes, le texte tel qu'il se présente  "ne constitue pas la bonne approche". "Il est uniquement porté vers une austérité aveugle et ne peut pas, en l'absence d'un programme d'investissement et de redistribution  ni contribuer à un désendettement socialement supportable ni sortir l'économie européenne de l'ornière".

"Il n'existe pas d'indicateurs objectifs qui permettent de déterminer quelle partie du déficit est d'ordre structurelle"

Le reproche premier des Verts vise la volonté d'introduire une règle d'or sur le modèle constitutionnel allemand. Cet outil présenté comme un "frein à l'endettement" serait assorti de contrôles stricts des déficits. Aucun "déficit structurel" d'un budget national ne pourrait plus dépasser les 0,5 % du PIB, alors que le traité de Maastricht tolérait un taux de 3 %. En l'état, le traité prévoit également que les Etats se donnent pour objectif de réduire à l'horizon 2030 leur endettement total  à un  maximum de 60 % du PIB.

Or, ces innovations n'auraient aucune considération pour "les conséquences sociales et économiques" qu'elles vont engendrer. Est évoqué un "déficit structurel" et donc nettoyé de tout indicateur conjoncturel.  Or; "les économistes sont unis pour dire qu'il n'existe pas d'indicateurs objectifs qui permettent de déterminer quelle partie du déficit est d'ordre structurelle, laquelle ne l'est pas", soulignait Claude Turmes. 

Dans ce contexte, "comment un mécanisme de correction consécutif à un déficit pourrait-il être tiré d'une estimation aussi vague ?", s'interroge-t-il. Toutefois, la plus grande contradiction résiderait dans le fait que ce mécanisme empêcherait les Etats de produire de grands efforts pour relancer l'économie.

"Ce traité est surtout utile pour les questions de politique intérieure en France et en Allemagne"

Ce traité international à vocation constitutionnelle nécessiterait une transposition particulière dans chaque Etat membre. Au Luxembourg; il serait, selon l'analyse partagée par le Premier ministre, uniquement transposable à travers une loi spéciale. Cette dernière implique de réunir une majorité des deux tiers de la Chambre des députés pour adopter le texte au niveau national.

Les Verts se demandent de quelle manière cette loi spéciale limiterait la souveraineté budgétaire de la Chambre. De même, la question se poserait de savoir si le budget des communes sera lui aussi mis sous contrôle, puisque les déficits communaux font partie des déficits nationaux. Autant de questions auxquelles le gouvernement devrait au goût des Verts répondre avant le conseil ECOFIN et le sommet qui suivra, où là sa position sera suivie de près. 

"Dans les couloirs de Bruxelles, il est souvent dit que ce traité est surtout utile pour les questions de politique intérieure en France et en Allemagne, soulignait Claude Turmes. Nous sommes en conséquence d'avis que le gouvernement luxembourgeois aura une grande responsabilité à assumer."

Les Verts n'apporteront pas leurs voix au projet en l'état. En bref, "l'introduction d'un frein européen à l'endettement sans garde-fous économiques et sociaux fait figure de chèque en blanc pour un démantèlement social et une longue stagnation économique". Pour qu'ils y apportent leur soutien, le projet devrait inclure à côté de cette recherche d'équilibre le gouvernement y intègre avant tout des mesures socialement supportables et des investissements pour le futur.

Renforcer l'action de la BEI

Les Verts pensent au contraire qu'il faudrait des aménagements législatifs pour que les institutions européennes prennent en main la relance économique. Ainsi, ils considèrent que la Banque européenne d'investissement devrait pouvoir intervenir davantage dans les pays les plus en difficulté. Pour l'heure, au contraire, son budget a été réduit afin de lui éviter que les agences de notation ne lui retirent son triple A.

En 2009, rappelle Claude Turmes, la BEI avait pu injecter près de 100 milliards d'euros dans l'économie réelle sous forme de soutien à l'investissement. "Il avait alors était possible d'investir dans les énergies renouvelables. Cela avait d'ailleurs sauvé une partie de l'industrie automobile". Puis ce budget de la BEI a rechuté de moitié à partir de 2011. A cela s'ajoutent les règles de la banque qui ont empêché d'épuiser tous les crédits. Ceux-ci devraient être réinvestis dans un fonds pour le futur alors que France et Allemagne, au contraire, demandent leur réintégration dans les budgets nationaux.

La BEI, en tant que banque, devrait avoir accès aux prêts de la Banque centrale européenne, avec les taux avantageux. BCE. BEI et Etats membres pourraient en conséquence mettre sur pied et abreuver le fonds pour le futur qui serve à l'investissement dans le cadre de la stratégie définie pour 2020. 

Les Verts opposés au caractère intergouvernemental du nouveau traité

Les écologistes doutent par ailleurs de la base juridique de ce nouveau traité, tout particulièrement en ce qui concerne le rôle assigné à la Cour de justice de l'Union européenne. Il affaiblit aussi bien le Parlement européen, les parlements nationaux que aussi la Commission puisque ce traité serait intergouvernemental. Déi Gréng s'exaspèrent d'autant plus que ce projet de traité aux conséquences si nombreuses ne prenne pas en compte les causes essentielles de la crise actuelle; telle que "le grand hiatus économique entre les Etats membres et la régulation financière manquante".

Harmonisation fiscale et taxe sur les transactions financières

De même, le nouveau traité oublierait selon les Verts de faire porter le poids de la crise à ceux qui sont les mieux lotis. C’est pourquoi ils proposent un pacte de résorption des dettes qui permette de rendre cette étape socialement supportable. Cela impliquerait une politique fiscale plus juste, à laquelle appartiennent notamment un certain degré d'harmonisation - les Verts plaident pour l'instauration d'un taux minimum de l'impôt sur les sociétés fixé à 25 % et l'harmonisation de son assiette -, l'échange automatique d'informations sur les revenus étendus à tous les pays de l'OCDE afin de lutter contre l'évasion fiscale, mais aussi la mise en place de la taxe sur les transactions financières (TTF).

Ce dernier sujet permet à Déi Gréng de s'en prendre à la fois aux représentants de la place financière luxembourgeoise et au gouvernement national. Ainsi, le président de l'ALFI est-il accusé de recourir à "une argumentation malhonnête" lorsqu'il met en garde contre les conséquences de la TTF sur les petits épargnants et les retraités. "Il faudrait s'entendre sur la définition d'un petit épargnant", ironise Claude Turmes. La menace d'un départ des capitaux serait un argument fallacieux. Les institutions pourraient en effet partir qu'elles n'échapperaient pas à la taxe. En effet, la  proposition de directive de José Manuel Baroso contient d'ores et déjà une clause de résidence qui implique que les institutions financières sont à taxer là où réside le siège de l'acteur économique qu'elles servent. Quant aux produits dérivés libellés en euro, ils seraient aussi taxables dans la zone euro.  "La Commission a donc appris de la mauvaise expérience suédoise des années 1980", font remarquer les Verts.

Mais Claude Turmes s'en prend encore plus ouvertement au ministre des Finances, Luc Frieden, "porte-voix de différents intérêts". "Que les représentants des banques ne veuillent pas payer d'impôt peut paraître légitime. Mais que le gouvernement défende ainsi des intérêts particuliers alors qu'il est censé veiller à l'intérêt général n'est pas tolérable."

Une réforme fiscale pour plus de progressivité

Les Verts sont d'avis qu'au plan national comme au plan européen, sont trop discutées les mesures d'épargne en comparaison au temps consacré à évoquer un système fiscal qui soit juste. La réforme fiscale que défendent les Verts  au niveau national comprendrait une composante écologique qui impose la consommation des ressources, mais elle reposerait encore davantage sur un barème d'imposition progressif.

Les Verts citent le trio d'économistes Piketty, Saez et Stantcheva qui ont prouvé dans une récente étude qu'une tranche d'imposition maximale de 83 % appliquée aux revenus des 1 % les plus riches n'auraient pas d'influence sur la croissance de l'économie. "On ne parle pas des vingt dernières années durant lesquelles les recettes de l'Etat ont été constamment réduites"; fait valoir le député national Déi Gréng, François Bausch.

Le Luxembourg n'aurait d'ailleurs pas besoin d'un frein à son endettement mais bien plus de hiérarchiser ses priorités d'investissements. Au lieu de cela, le budget accuse un déficit pour le quatrième exercice consécutif