Le 9 février 2012, les négociateurs du Conseil et du Parlement européen sont parvenus, au terme de longues négociations, à trouver un accord de compromis sur le règlement visant à réguler les échanges commerciaux de produits dérivés négociés de gré à gré et à rendre le marché de produits dérivés plus sûr et plus transparent. Un règlement qui met en application les engagements pris par les dirigeants du G20 à Pittsburgh en septembre 2009.
La Commission avait mis sur la table une proposition de règlement dès le mois de septembre 2010 et le Parlement européen avait pris position en juillet 2011 de façon à laisser la porte ouverte à des négociations avec le Conseil.
Le 4 octobre 2011, un accord sur "une approche générale" avait pu être trouvé au Conseil Ecofin. Les négociations s’étaient ensuite poursuivies et la présidence danoise avait mis sur la table une proposition de compromis devant servir de base à un mandat pour les négociations avec le Parlement européen dans le cadre du trilogue. Cette position tenant compte des discussions menées avec le Parlement européen a pu être adoptée par les ministres des Finances le 24 janvier 2012, et ouvrir ainsi la voie à l’accord finalement trouvé le 9 février 2012.
Le texte devra maintenant être voté en plénière au Parlement européen et être formellement adopté par le Conseil.
Werner Langen (PPE), rapporteur, a salué l'accord, le qualifiant de "grand pas en avant vers un marché de produits dérivés négociés de gré à gré plus transparent et sûr". Il a déclaré qu'il était ravi que "le Conseil ait accepté que l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) joue un rôle prépondérant", et qu'il espérait pouvoir rallier une large majorité lors du vote en plénière.
"Avec cet accord, nous faisons un grand pas en faveur de la stabilité financière et nous réduisons considérablement le risque d’une crise financière à l’avenir", s’est félicité le commissaire en charge des services financiers, Michel Barnier qui s’est réjoui du fait que l’UE a pu remplir dans les temps ses engagements pris au G20.
Quant aux ministres danois Ole Sohn et Margrether Vestager, ils ont eux aussi salué cet accord sur un règlement qui "réduit le risque de contagion d’une crise liée à une institution financière infectant le reste d’un système financier via le marché des produits dérivés".
Tout en se félicitant de l'accord obtenu, l'eurodéputé Pascal Canfin, négociateur pour le groupe des Verts, a regretté sa timidité. "Les pouvoirs de l'ESMA sont bien trop limités (...) la position britannique l'a emporté en imposant un veto national au détriment d'une supervision européenne", a-t-il relevé.
Compensation obligatoire uniquement pour les produits dérivés négociés de gré à gré
Le règlement établit que les contrats de produits dérivés négociés de gré à gré devraient être compensés par le biais de contreparties centrales, réduisant ainsi le risque de crédit de la contrepartie, en d'autres termes le risque qu'une partie au contrat manque à ses obligations.
Rapport obligatoire pour l'ensemble des produits dérivés
L'ensemble des contrats de produits dérivés (et non seulement les produits dérivés négociés de gré à gré, ce dont se félicitent les eurodéputés qui ont suivi le dossier) seront déclarés auprès de centres de données centraux, également connus sous le nom de référentiels centraux. Ces référentiels seront tenus de publier des positions agrégées par catégorie de dérivés, permettant ainsi aux acteurs du marché d'avoir une vision plus claire du marché des dérivés de gré à gré.
L'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), nouvellement créée, sera chargée de la surveillance des référentiels centraux et d'accorder ou de retirer leur enregistrement.
Rôle prépondérant de l'AEMF
L’autorisation des contreparties centrales a compté parmi les sujets sensibles lors des négociations.
Les négociateurs du Parlement ont finalement obtenu que le collège et l'AEMF jouent un rôle plus important, ce qui facilitera le blocage d'une autorisation. Le Parlement est également parvenu à introduire une médiation obligatoire, assurée par l'AEMF, en cas de différends, entre les autorités nationales, sur l'autorisation des contreparties centrales.
Limiter le champ d'application, limiter les exemptions
Les députés ont également obtenu un régime "souple" pour les systèmes de pension en termes d'obligation de compensation. Ce régime s'appliquera pendant une période trois ans et pourra être prolongé de deux années plus une, après justification adéquate.
Reconnaissance des contreparties centrales de pays tiers
Les contreparties centrales de pays tiers seront uniquement reconnues en Europe si le régime juridique du pays tiers concerné prévoit un système de reconnaissance efficace et équivalent. Toutefois, cette disposition ne crée par de précédent pour d'autres mesures législatives sur la supervision et la surveillance des infrastructures de marchés financiers.
Révision après trois ans
Le Conseil et la Commission ont également approuvé une proposition du Parlement demandant que la mise en œuvre de la législation soit évaluée par la Commission. L'efficacité du dispositif de surveillance pour les contreparties centrales, notamment l'efficacité des collèges d’autorités de surveillance, les modalités de vote respectives, et le rôle de l'AEMF, en particulier lors du processus d'autorisation des contreparties centrales, feraient partie de l'évaluation.
La Commission présentera un rapport, accompagné de propositions du Parlement et du Conseil si nécessaire, au plus tard trois ans après l'entrée en vigueur du règlement.