Les ministres des Transports de l’UE avaient trouvé un accord le 12 décembre 2011 sur la position du Conseil en première lecture au sujet du projet de directive établissant un espace ferroviaire unique. Un accord trouvé malgré l’opposition de l’Autriche et du Luxembourg, et sur lequel l’Estonie s’était abstenue.
Le 8 mars 2012, le Conseil, qui était réuni dans sa formation JAI, a adopté formellement cette position, sans débat, et ce alors que les premières discussions d’ordre technique ont d’ores et déjà été ouvertes avec le Parlement européen, l'objectif étant de parvenir à un accord sur la version définitive du texte qui devra être adopté par les deux institutions en deuxième lecture.
En toute logique, Autriche et Luxembourg ont voté contre, tandis que l’Estonie s’est abstenue.
Dans une déclaration sur son vote contre la position du Conseil, l’Autriche précise que, "sur le principe", elle approuve l'initiative visant à procéder à une refonte du premier paquet ferroviaire, l'objectif étant de simplifier le cadre réglementaire dans le secteur ferroviaire européen. Si, pour l’Autriche, la compétitivité du transport ferroviaire, solution de substitution respectueuse de l'environnement par rapport au transport routier, revêt une importance considérable, le pays estime qu’il convient de ne fixer au niveau européen que les grands principes le concernant et de laisser le soin aux États d'organiser leur secteur ferroviaire dans le cadre des objectifs européens. "Toute obligation de séparer des entités au-delà de celle d'avoir des comptes et des bilans distincts entraîne une augmentation disproportionnée des charges financières et organisationnelles et constitue une interférence tout aussi disproportionnée dans la liberté des entreprises de ce secteur en termes de prise de décisions économiques, ce que l'Autriche ne peut accepter", indique la déclaration autrichienne.
Le projet de directive concerné est une refonte visant à fusionner et à modifier les trois directives du "premier paquet ferroviaire" concernant respectivement le développement de chemins de fer européens, les licences des entreprises ferroviaires et la gestion de l'infrastructure ferroviaire (directives nº 12, 13 et 14 de 2001). Ce "paquet" de 2001 a permis d'ouvrir progressivement le secteur ferroviaire à la concurrence à l'échelon européen. La refonte a pour objectif de simplifier, de clarifier et d'actualiser le cadre réglementaire applicable au secteur ferroviaire européen en vue de stimuler la concurrence, de renforcer la surveillance du marché et d'améliorer les conditions d'investissement dans le secteur.
S'il est d'accord quant à l'objectif de la proposition de refonte, le Conseil estime que certaines des dispositions qu'elle comprend vont trop loin, ne sont pas assez précises ou sont trop complexes. En conséquence, il a apporté des modifications à la proposition de la Commission et notamment à des éléments clés de celle-ci, à savoir : les conditions d'accès des entreprises ferroviaires aux installations de services ; le financement des infrastructures ferroviaires et la perception de redevances pour leur utilisation ; les fonctions de l'organisme de contrôle assurant la surveillance du marché ferroviaire.
Le service de presse du Conseil a résumé les points principaux de la position du Conseil, qui est détaillée dans l’exposé des motifs, et qui diffère sur nombre de points non seulement de la proposition de la Commission, mais aussi de la position adoptée par le Parlement européen à l’automne 2011.
Les conditions d'accès
L'exigence d'indépendance juridique des exploitants des installations de service par rapport aux entreprises ferroviaires qui utilisent les installations, proposée par la Commission, est remplacée par une exigence d'indépendance sur les plans organisationnel et décisionnel applicable aux installations de service essentielles, les autres installations étant simplement tenues de se conformer à la séparation des comptes. En outre, l'exigence d'indépendance ne doit pas être interprétée comme imposant l'établissement d'une entité séparée.
Le Conseil a assorti de trois conditions l'obligation d'annoncer publiquement qu'une installation non utilisée est disponible au leasing : il faut que l'installation n'ait pas été utilisée pendant trois ans au moins (la proposition de la Commission prévoyait deux ans); les entreprises ferroviaires doivent avoir manifesté leur intérêt, sur la base de besoins avérés; l'obligation ne s'applique pas aux installations pour lesquelles un processus de reconversion est en cours.
La tarification
Le Conseil est d'accord avec le principe de redevances égales aux coûts directs encourus par le gestionnaire de l'infrastructure, mais il a supprimé une liste d'éléments que la Commission se proposait d'exclure du calcul des coûts directs. En outre, le Conseil a prévu de permettre aux États membres de s'adapter progressivement à la méthode de calcul commune.
Les États membres ne devraient pas être obligés d'imputer le coût des effets du bruit comme le propose la Commission, ladite imputation devrait être facultative, afin d'éviter des coûts trop lourds pour les gestionnaires de l'infrastructure. En outre, il devrait être possible de tenir compte, dans le calcul du coût des effets du bruit, de la taille de la population concernée et de la composition des trains.
La réduction temporaire de la redevance d'utilisation de l'infrastructure qui serait accordée pour les trains équipés du système européen de contrôle des trains (ETCS) devrait être facultative et non obligatoire, comme le souhaitent la Commission et le Parlement européen.
Le financement de l'infrastructure
Le Conseil a introduit la possibilité de mettre en œuvre par des actes réglementaires, et non pas uniquement par contrat comme le propose la Commission, les mesures d'incitation qui sont destinées à encourager les gestionnaires de l'infrastructure à réduire les coûts de fourniture de l'infrastructure et le niveau des redevances d'accès.
Contrairement à la Commission et au Parlement européen, le Conseil estime que la stratégie de développement qui doit être publiée par les gestionnaires de l'infrastructure ne doit avoir qu'une valeur indicative et qu'il n'y a pas lieu d'introduire un délai fixe pour garantir l'équilibre des comptes des gestionnaires.
Le Conseil ne peut pas accepter les amendements du Parlement européen visant à prolonger la durée des stratégies de développement, à obliger les États membres à fournir un financement public et à réduire le délai pour ce qui est de garantir l'équilibre des comptes.
L'organisme de contrôle
D'une manière générale, le Conseil accepte de renforcer l'indépendance et d'étendre les compétences des organismes de contrôle, ainsi que de renforcer la coopération entre ceux-ci. Cependant, il a revu les exigences d'indépendance proposées pour le personnel des organismes et préservé les compétences des autorités nationales de concurrence ; il n'a pas accepté l'obligation faite aux gestionnaires de l'infrastructure de publier des comptes réglementaires détaillés. Le Conseil ne peut pas accepter les amendements du Parlement européen qui visent à étendre encore les compétences des organismes de contrôle et à mettre en place un réseau formel d'organismes de contrôle, et qui appellent à créer un organisme de contrôle européen.
La séparation entre la gestion et l'utilisation de l'infrastructure
Tandis que le Parlement européen suggère d'introduire, en matière de séparation, des exigences spécifiques concernant les services des technologies de l'information et la politique du personnel et invite la Commission à présenter, d'ici 2012, une nouvelle proposition législative assurant une séparation totale entre les gestionnaires de l'infrastructure et les entreprises ferroviaires, le Conseil n'est pas favorable à l'introduction d'exigences supplémentaires en la matière et estime que la question d'une séparation totale ne devrait pas être abordée dans le cadre de la présente directive.
S'agissant de l'adoption des modalités de mise en œuvre, le Conseil a limité les parties de la proposition pour lesquelles la Commission devrait être habilitée à agir de manière autonome par des actes délégués. Par ailleurs, pour certaines parties du texte, le Conseil a introduit la procédure des "actes d'exécution" associant des experts des États membres et de la Commission. Le Parlement européen souhaite aussi limiter le recours aux actes délégués, mais il s'oppose au recours aux actes d'exécution.
En outre, le Conseil n'a pas pris en considération les amendements du Parlement européen qui conduiraient à introduire des modifications de fond dans des dispositions du paquet ferroviaire qui, dans la proposition de refonte de la Commission, restent inchangées ; de tels amendements ne respectent pas les limites de la refonte juridique qui ont été définies par un accord interinstitutionnel.