Les ministres des Finances de l’UE se sont retrouvés le 13 mars 2012 pour un Conseil Ecofin qui s’est tenu sous présidence danoise. Luc Frieden y représentait le Luxembourg.
Les ministres se sont penchés sur le premier rapport sur le mécanisme d’alerte élaboré par la Commission dans le cadre de la procédure de déficit macroéconomique introduite par le six-pack. La Commission avait mis sur la table ce document le 14 février dernier, et elle invitait à approfondir l’analyse de la situation dans douze Etats membres, dont deux voisins immédiats du Grand-Duché, à savoir la Belgique et la France. La Commission va désormais pouvoir commencer son travail d’analyse. C’est sur la base de cette étude approfondie que le Conseil décidera quels pays recevront des "recommandations politiques", ce qui devrait se faire avant la fin de la présidence danoise. En attendant, chaque Etat membre doit tenir compte des remarques contenues dans le rapport de la Commission dans la rédaction de son plan national de réforme (PNR) et de son plan de convergence et de stabilité.
Dans le cadre de la procédure de déficit, les ministres des Finances se sont penchés, une fois de plus, sur le cas de la Hongrie.
Le Conseil a ainsi adopté une décision suspendant, à compter du 1er janvier 2013, 29 % des engagements prévus pour la Hongrie pour 2013 dans le cadre du fonds de cohésion, soit 495,2 millions d’euros. C’est la toute première fois que le Conseil à recours à une telle mesure à l’encontre d’un Etat membre.
Les ministres appellent par ailleurs la Hongrie, par le biais d’une nouvelle recommandation, à prendre des mesures de consolidation dans les prochains mois afin de porter le déficit public en deçà du seuil de 3 % du PIB en 2012. L'adoption de ces mesures fait suite à une décision prise en janvier jugeant insuffisantes les mesures prises par la Hongrie pour corriger son déficit excessif. La recommandation exige un effort budgétaire supplémentaire pour atteindre l'objectif de déficit de 2,5 % du PIB en 2012 ainsi que des mesures structurelles supplémentaires pour qu'en 2013, le déficit reste largement inférieur au seuil de 3 % du PIB, même après l'élimination des mesures ponctuelles.
Le Conseil fixe au gouvernement hongrois une date limite, le 13 septembre 2012, pour engager une action suivie d'effets et préciser les mesures nécessaires pour progresser dans la correction durable du déficit excessif. Le cas hongrois sera réexaminé lors de la réunion du 22 juin 2012 et les ministres pourront décider, si la Hongrie a pris les mesures correctives nécessaires, de lever sans délai cette suspension qui ne concerne pas les fonds attribués à des projets en cours.
Margrethe Vestager, la ministre danoise de l’Economie et de l’Intérieur, qui présidait la réunion, s’est réjouie du fait que les ministres ont appliqué ensemble les règles communes, soulignant que l’objectif de cette suspension est de motiver la Hongrie à conduire une politique budgétaire plus responsable.
Le ministre hongrois de l’Economie, György Matolcsy, a aussitôt réagi en expliquant avoir "toutes les chances" que son pays "remplisse les conditions".
La décision a fait l’objet de vives discussions, rapportent différents organes de presse. "Nous avons discuté longtemps de la proposition de la Commission", a en effet rapporté le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schäuble. Dans les débats, certains pays ont insisté pour qu’on laisse à la Hongrie du temps pour agir. L’AFP rapporte ainsi que la Lituanie a notamment demandé que la Hongrie bénéficie d'un délai de deux mois. Au final, tous les pays ont approuvé le gel des aides, seule la Pologne s'est abstenue.
Les critiques les plus vives sont venues de l’Autriche, la ministre Maria Fekter ayant établi un lien avec les décisions prises la veille au sein de l’Eurogroupe concernant l’Espagne. "Nous devons traiter tous les pays de la même façon", a-t-elle affirmé, rappelant que "nous n'avons pas adopté de sanctions contre l'Espagne". "Par rapport à la pression mise sur la Hongrie, j'ai l'impression qu'il y a deux poids, deux mesures", a-t-elle regretté. "Le même traitement et le même respect est appliqué aux pays sous procédure" de déficit excessif, a répondu Margrethe Vestager. "Nous ne sommes pas spécialement cléments envers un pays et durs envers un autre", a également réagi Amadeu Altafaj, le porte-parole du commissaire européen aux Affaires économiques, Olli Rehn, rappelant que la Hongrie devait corriger ses déficits dès 2011 et n'avait "pas fait d'efforts suffisants". A l'inverse, le délai pour l'Espagne a été fixé à 2013 et le pays s'est "fermement engagé" à le respecter, a-t-il souligné.
Un des grands sujets à l’ordre du jour de cette réunion fut la proposition de la Commission d’introduire une taxe européenne sur les transactions financières (TTF), une taxe qui pourrait rapporter, selon ses calculs, 57 milliards d’euros qui pourraient servir à remplacer progressivement les contributions des Etats membres au budget de l’UE.
La discussion, qui était publique, a permis de faire le point sur "les opportunités et les défis" impliqués par la proposition de la Commission et va servir de base pour des discussions qui vont se poursuivre à un niveau technique. "Comme je m’y attendais, les discussions ont montré qu’il continue d’y avoir une large variété d’opinions" sur le sujet, a admis Margrethe Vestager qui a annoncé que la présidence danoise reviendrait toutefois sur le sujet.
Les conclusions du Conseil indiquent que les ministres ont décidé de "poursuivre l’analyse de la proposition de la Commission tout en explorant de possibles voies alternatives lors d’une réunion informelle des ministres des Finances de l’UE à Copenhague les 30 et 31 mars 2012". Les ministres ont par ailleurs demandé à la Commission de fournir une évaluation de la contribution fiscale du secteur financier et de livrer un tableau clair des coûts associés à la réglementation financière en général. Le travail va se poursuivre au niveau des experts de sorte que le Conseil devrait pouvoir tenir un débat politique sur le sujet le 21 juin 2012.
"Nous nous battons pour une taxe sur les transactions financières au niveau de l'Union européenne", a dit Wolfgang Schäuble en marge de la réunion. A défaut, il a dit souhaiter qu'elle soit mise en œuvre au niveau de la zone euro, mais a reconnu "de sérieux doutes provenant de plusieurs pays". La Grande-Bretagne a notamment opposé un clair veto au projet, qui, pour être appliqué dans toute l’UE, doit être adopté à l’unanimité. Wolfgang Schäuble s'est dit opposé à l'introduction d'une taxe au sein "d'un petit nombre seulement de membres de la zone euro", ce qui serait à ses yeux "une solution patchwork qui n'aurait pas de sens". "Si nous ne constatons pas rapidement de nets progrès, nous nous tournerons vers d'autres solutions, car c'est mieux que de dire: tout ou rien", a déclaré le ministre allemand qui a évoqué comme alternatives un "droit de timbre" ou encore "des mesures de régulation pour combattre le trading à haute fréquence".
Luc Frieden a expliqué à ses pairs que, aussi populaire la taxe puisse-t-elle être, il juge nécessaire de poursuivre les discussions et de se pencher notamment sur les effets économiques qu’elle pourrait avoir, ainsi que sur la question de la compétitivité de l’industrie financière européenne. "Nous ne devons pas donner l’impression que les institutions financières, les banques, les fonds d’investissement, ne paient pas de taxes", a argué le ministre luxembourgeois qui appelle à discuter de façon "plus cohérente et plus globale" pour voir "si la taxation est appropriée à un niveau national".
Dans le cas de la TTF, il s’agit de transactions qui, par leur nature, sont transfrontalières, a souligné Luc Frieden qui, s’il dit comprendre un certain nombre des arguments avancés en faveur de cette taxe, plaide pour que le champ d’application géographique auquel elle devrait s’appliquer fasse l’objet d’une mûre réflexion.
Le ministre luxembourgeois a soulevé un certain nombre de questions à ce sujet : "Est-il sage d’appliquer une telle taxe dans l’UE en sachant que les Etats-Unis, la Chine, Hong Kong et Singapour n’introduiront pas une telle taxe ? Est-il sage d’introduire une telle taxe dans un nombre limité de pays européens en sachant que la plus grande place financière européenne, à savoir Londres, ne l’introduira pas ?". "J’ai tendance à donner une réponse négative à ces questions car le risque que les institutions financiers choisissent de relocaliser leurs activités dans des juridictions se trouvant en dehors du champ d’application de la TTF existe probablement", a expliqué Luc Frieden qui appelle de ses vœux une analyse plus détaillée des effets que pourrait avoir cette taxe si elle devait avoir un champ d’application géographique limité.
"Nous devrions nous concentrer sur la croissance et l’emploi dans l’UE", a poursuivi Luc Frieden qui entend déplacer le débat en ne se demandant pas seulement si l’on est pour ou contre la taxe, mais aussi en s’interrogeant sur les effets d’une telle taxe.
Pour Luc Frieden, il convient d’avoir une large discussion politique sur ces questions portant sur l’analyse économique de la compétitivité de l’industrie financière et des conséquences de la TTF sur la croissance et l’emploi. En attendant, le travail technique ne sert pas à grand-chose, estime-t-il.