Principaux portails publics  |     | 

Énergie - Fiscalité
L’eurodéputée Astrid Lulling, rapporteur sur la fiscalité de l’énergie, n’a pas réussi à faire rejeter par la commission ECON le principe de proportionnalité auquel elle s’oppose vigoureusement
29-02-2012


Le 29 février 2012, les eurodéputés de la commission des Affaires économiques et monétaires (ECON) avaient à l’ordre du jour le vote d’un projet de rapport établi par Astrid Lulling (PPE) sur la fiscalité de l’énergie. L’eurodéputée luxembourgeoise avait en effet été chargée de suivre ce dossier qui continue de faire des vagues.La fiscalité de l'énergie : un domaine dans lequel la Commission européenne a présenté une proposition de directive le 13 avril 2011

La Commission européenne avait mis sur la table en avril 2011 une proposition visant à réviser la directive sur la taxation de l'énergie, adoptée en 2003, qui fixe des règles communes concernant les produits soumis à taxation, le moment de leur taxation et les exonérations autorisées. Des taux minimaux, essentiellement fondés sur la quantité d’énergie consommée, sont établis pour les combustibles, les carburants et l'électricité. Au-delà de ces taux minimaux, les États membres sont libres de déterminer leurs taux nationaux de taxation comme ils l’entendent.

La Commission propose désormais de restructurer le cadre de taxation existant de façon à corriger les déséquilibres actuels et à prendre en considération d’une part le contenu énergétique des produits et d’autre part les émissions de CO2 qu’ils entraînent. Les taxes sur l’énergie seraient donc basées sur ces deux composantes. La Commission souhaite encourager l’efficacité énergétique et la consommation de produits plus respectueux de l'environnement, ainsi qu’éviter les distorsions de concurrence sur le marché intérieur.

Astrid Lulling soutient l’approche méthodologique de la Commission visant à taxer l’énergie sur la base des émissions en CO2 d’une part et du contenu énergétique d’autre part

Dans son rapport, Astrid Lulling reconnaît que la proposition de a Commission est une contribution importante à la réalisation de la stratégie européenne "20-20-20" en matière de réduction des émissions à effet de serre.

Astrid Lulling soutient par ailleurs l’approche méthodologique de la Commission visant à taxer l’énergie sur une double base, celle de l’émission en CO2 et du contenu énergétique. "Ce système apparaît à la fois plus logique et plus cohérent que le précédent", admet-elle dans l’exposé des motifs de son rapport, reconnaissant "le bien-fondé des arguments en faveur d'une meilleure utilisation des sources d'énergie et d'un recours accru aux énergies moins polluantes".

Astrid Lulling insiste aussi sur la nécessité de tenir compte, dans ce dossier sur la fiscalité de l’énergie, non seulement des impératifs en matière de politique climatique et environnementale, mais aussi des enjeux que constituent la politique énergétique et la politique industrielle. "Il paraît primordial de trouver le bon équilibre entre des enjeux qui peuvent diverger voire s’opposer, afin de donner les bonnes impulsions au niveau de l’Union européenne", rappelle l’eurodéputée.

Astrid Lulling souligne aussi la nécessité de veiller à une meilleure cohérence entre l’ensemble des dossiers ayant trait à l’énergie qui sont abordés en ce moment par les instances communautaires. Elle établit ainsi le lien notamment avec le dossier de la directive sur l’efficacité énergétique, sur lequel son compatriote écologiste Claude Turmes est rapporteur, mais elle évoque aussi "les orientations fondamentales d’une politique énergétique européenne qui pour une bonne part reste à définir".

Astrid Lulling s’oppose franchement au principe de proportionnalité prévu dans la proposition de la Commission

Mais plusieurs aspects de la proposition n'ont pas trouvé son assentiment. C’est notamment le cas du principe de "proportionnalité", ou "clause d’alignement". prévu par la Commission. Selon la proposition de la Commission, les États membres auraient la liberté de fixer leurs propres taux, au-delà des taux minimaux imposés par l’UE, et de concevoir leur propre structure de taxation en reproduisant le rapport qui existe entre les niveaux minimaux de taxation pour les différentes sources d'énergie. Ils pourraient par exemple décider de n’augmenter que la partie de la taxe liée au contenu énergétique au-delà du taux minimal et non la partie liée au CO2, ou inversement.

"Le rapporteur ne juge pas opportun de maintenir le principe de la proportionnalité tel quel, eu égard à ses effets considérables et déstabilisants que celui-ci ne manquerait pas de provoquer", avance ainsi Astrid Lulling dans le document qu’elle a soumis au vote de ses pairs.

L’eurodéputée luxembourgeoise explique que "le respect strict de la proportionnalité par les Etats membres revient à intervenir directement sur les niveaux d’imposition appliqués aux différentes énergies dans les 27 Etats membres, alors que jusqu’au présent c’est la règle des seuils minimaux qui avait court". Astrid Lulling en conclut que la proposition actuelle constitue une intervention importante de l'Union européenne dans les politiques fiscales nationales.

Aux yeux d’Astrid Lulling, ce principe aurait par ailleurs pour effet un renchérissement très substantiel du prix du diesel dans les différents Etats membres, parce que la nouvelle méthodologie aboutit à un taux minimum de taxation du diesel plus élevé que pour celui de l'essence.

Astrid Lulling s’inquiète des conséquences qu’entraînerait sur la politique industrielle cette augmentation du prix du diesel dans de nombreux Etats membres. L’eurodéputée avance des arguments scientifiques pour plaider la cause du moteur à diesel qui "possède des avantages comparatifs conséquents par rapport au moteur à essence, notamment en matière de performance et d’efficacité énergétique". Astrid Lulling pointe aussi l’avance de compétitivité de l’UE sur cette technologie et estime qu’il ne serait "pas raisonnable de faire subir à l’industrie automobile européenne, qui est confrontée à une concurrence redoutable des pays tiers et à des problèmes structurels, un choc déstabilisant d’un tel ordre". A ses yeux, la période de transition de 10 ans qui est prévue n’en amortirait pas les effets.

Le troisième argument avancé par Astrid Lulling pour s’opposer à la proportionnalité concerne l’effet sur les prix à la consommation. Les consommateurs seraient pénalisés, tout comme l’ensemble du secteur des transports, qui serait confronté à une augmentation importante des prix de revient, avance l’eurodéputée. Mais elle s’inquiète surtout d’un "risque inflationniste" qu’induirait la hausse conséquente du prix de certains carburants.

Astrid Lulling affiche donc "une opposition vigoureuse à la proposition d’indexer automatiquement les seuils minimaux de taxation sur l’évolution des prix ou la hausse/baisse du prix du CO2". Et elle ne manque pas de s’étonner "que la Commission européenne qui est si prompte à dénoncer l’indexation automatique des salaires, là où elle subsiste encore, avec les mêmes arguments, fasse la proposition de l’introduire en matière de fiscalité de l’énergie".

Le rejet de la disposition sur la proportionnalité n’ayant rencontré la majorité, Astrid Lulling a appelé les membres de son groupe à s’abstenir sur son propre rapport

Mais lors du vote sur son rapport, le 29 février 2012, la commission ECON s’est montrée très divisée face aux arguments d’Astrid Lulling et à son opposition à l’introduction du principe de proportionnalité. L’eurodéputée a pourtant précisé qu’elle avait aussi tenu compte "des réalités au Conseil", où "seuls trois ou quatre Etats sur 27 semblent voir d'un bon œil l'avancée de la Commission, qui doit être adoptée à l'unanimité."

En fin de compte, 22 membres de la commission ont voté pour l’abandon de la proportionnalité, alors qu'une coalition des députés socialistes, libéraux et verts réunissait le même nombre de députés pour défendre son maintien. Selon le règlement du Parlement en vigueur, l'amendement de rejet n'a pas été adopté puisqu'à égalité de voix, il est présumé repoussé.

En conséquence, lors du vote final (22 voix pour, 16 voix contre et 6 abstentions), la rapporteure Astrid Lulling a demandé aux membres de son groupe de s'abstenir. "Je considère que la bataille est loin d'être perdue lors du vote en plénière. Certains députés socialistes et libéraux qui sont hostiles au renchérissement du diesel étaient absents lors du vote en Commission", a-t-elle déclaré par voie de communiqué, se disant "confiante que lorsque la majorité de mes collègues se rendront compte des enjeux induits par la proportionnalité, ils y réfléchiront à deux fois". "Je pense que le bon sens l'emportera face aux revendications chimériques qui n'ont aucune chance d'être acceptées par le Conseil", assure l’eurodéputée luxembourgeoise.