Le 18 avril 2012, le Parlement européen réuni en plénière avait à l’ordre du jour un débat portant sur la révision de la directive sur la taxation de l’énergie, qui prévoit une taxation des carburants reflétant leur contenu énergétique et leur potentiel polluant Un dossier sur lequel Astrid Lulling a assumé le rôle important de rapporteur. Dès le début du débat sur ce dossier, l’eurodéputée avait mis en garde contre le fait que le diesel pourrait perdre son avantage fiscal sur l'essence. En quoi la rapporteure s’était inscrite en faux contre des éléments centraux de la proposition de la Commission du printemps 2011, tout en soutenant son approche méthodologique. A signaler que le Parlement européen était seulement consulté sur ce dossier, qui requiert, comme pour tout ce qui a trait à la fiscalité, un vote à l'unanimité au Conseil.
Pour la Commission, la directive actuelle sur la taxation de l'énergie, adoptée en 2003, vise avant tout à prévenir les distorsions de concurrence dans le secteur de l'énergie au sein du marché intérieur. Elle fixe des règles communes concernant les produits soumis à taxation, le moment de leur taxation et les exonérations autorisées. Des taux minimaux, essentiellement fondés sur la quantité d'énergie consommée, sont établis pour les combustibles, les carburants et l'électricité. Au-delà de ces taux minimaux, les États membres sont libres de déterminer leurs taux nationaux de taxation comme ils l'entendent.
La proposition de directive révisée changerait la structure de la taxation de l'énergie afin de soutenir l'objectif d'une économie à faible intensité de carbone qui soit également efficace sur le plan énergétique et d'éviter les problèmes sur le marché intérieur. Elle veut introduire un élément lié au CO2 dans la taxation de l'énergie pour la rendre conforme aux engagements de l'Union en matière de lutte contre le changement climatique.
Selon la proposition de la Commission, les taxes sur l'énergie seront scindées en deux parties: la première liée aux émissions de CO2 et la seconde au contenu énergétique.
Ensemble, la partie de la taxe liée au CO2 et celle liée à l'énergie formeront le taux de taxation d'un produit donné.
Les États membres auront la liberté de fixer leurs propres taux, au-delà des taux minimaux imposés par l'Union et de concevoir leur propre structure de taxation en reproduisant le rapport qui existe entre les niveaux minimaux de taxation pour les différentes sources d'énergie (principe de "proportionnalité" ou clause d'alignement). Ils pourraient par exemple décider de n'augmenter que la partie de la taxe liée au contenu énergétique au-delà du taux minimal et non la partie liée au CO2, ou inversement.
Dans son intervention devant la plénière, Astrid Lulling a développé sa position de rapporteure qu’elle avait déjà défendue devant la commission ECON fin février 2012, une position qui rejette le principe de proportionnalité. Mais sa position de rejet n’avait pas été acceptée en fin de compte par la commission ECON.
Pour Astrid Lulling, le "rapprochement fiscal" dans l’UE ne progresse que "timidement", et de ce fait, elle a déclaré qu’il était « illusoire de plaider pour le grand soir fiscal ». Au Parlement européen, il incombe selon elle de chercher un compromis acceptable pour le plus grand nombre d’Etats membres, sachant que les Etats membres ne sont pas dans leur ensemble favorables au principe de proportionnalité.
Pour l’eurodéputée, le nouveau texte sur la taxation de l’énergie est plus qu’une actualisation du texte de 2003. De façon générale, Astrid Lulling a soutenu l'approche méthodologique de la Commission visant à taxer l'énergie sur une double base, celle de l'émission en CO2 et du contenu énergétique. Ce système lui apparaît à la fois plus logique et plus cohérent que le précédent. Elle a aussi reconnu le bien-fondé des arguments en faveur d'une meilleure utilisation des sources d'énergie et d'un recours accru aux énergies moins polluantes, ce qui devrait favoriser l’émergence d’une économie à faibles émissions de carbone et la mise en œuvre des engagements de l’UE dans la lutte contre le changement climatique.
Mais, s’est-elle interrogée, peut-on réaliser ces objectifs par le biais de mesures fiscales ?
Pour elle, ce n’est pas si simple. S’il y a un large accord sur cette double approche en termes de taxation, l’autre innovation, la proportionnalité, "divise profondément", a-t-elle répété en plénière. Elle ne pense pas qu’il soit judicieux d’imposer aux États membres de respecter la "proportionnalité" entre les différents seuils minimaux fixés au niveau de l'Union européenne, parce que cela conduira notamment à une flambée des prix du diesel dans la grande majorité des États membres. En France et en Allemagne, il y aurait une augmentation de 22 % du prix du diesel. De ce fait, les prix du transport des marchandises flamberaient aussi. Finalement, cette évolution pénaliserait le secteur automobile européen qui est le leader mondial dans le développement des voitures diesel plus économiques en consommation d’énergie.
Astrid Lulling a donc soumis au vote de la plénière un amendement rejetant le principe de proportionnalité. En cas de rejet de cet amendement, elle avait a proposé un deuxième amendement, qui signalait une ligne rouge à ne pas dépasser et qui aurait permis une mise en œuvre du principe de proportionnalité très conditionnelle à partir de 2030, ce qui était basé sur des études "rassurantes" pour les acteurs du transport. Terminant par un appel à éviter "de se tirer une balle dans le pied", elle a plaidé pour que l’UE développe une "vision réaliste des choses qui ne s’oppose pas au progrès".
Lourdement attaquée pendant le débat, Astrid Lulling, qui a eu droit à un second temps de parole en fin de débat, s’en est prise au « populisme vert » et a répété son argument selon lequel à un moment où le prix du brut flambe, il ne faut pas ajouter les augmentations des taxes, qui constituent déjà deux tiers du prix payé à la pompe par les consommateurs européens. A ses contradicteurs de « prendre leurs responsabilités si les prix du diesel se mettent à monter en flèche », a-t-elle lancé à une plénière dont elle imaginait que le vote irait dans la bonne direction, d’autant plus que les sociaux-démocrates et les syndicats allemands, qui ont directement ou indirectement un poids significatif au Parlement européen, avaient signalé depuis quelques jours leur réprobation pour la proposition de la Commission.
Le commissaire Algirdas Semeta a défendu le projet de la Commission qui contribuerait à plus de cohérence en Europe et réduirait au moyen des prix la consommation de certains types d’énergie dans l’UE tout en favorisant le recours à des biocarburants et à des énergies produites à partir de biomasses durables. La proposition a aussi sa place dans le glissement progressif que la Commission veut stimuler de la taxation du travail vers la taxation de ce qui grève la compétitivité et la croissance. C’est pourquoi il pense qu’il ne faut pas non plus surestimer l’impact du projet de directive sur le prix du diesel. Pour lui, il s’agit de périodes de transition longues qui permettront à tous les acteurs de s’adapter. "Les voitures du futur dont il est question sont celles de nos petits-enfants", a-t-il déclaré.
Dans son intervention en fin de débat, il a admis que les Etats membres avaient des positions très opposées sur les grands dossiers, et notamment sur la taxation de l’énergie. Il s’est réjoui du soutien au principe de proportionnalité dans les commissions du Parlement européen, et il a émis l’espoir que le vote final serait "un signal important pour les Etats membres" qui montrerait "que nous sommes fermes sur les objectifs climatiques". Il a aussi déclaré que la Commission réfléchirait à d’éventuelles périodes de transitions plus longues.
Lors du vote, Astrid Lulling, tenace jusqu’au bout, a finalement réussi à faire passer l’essentiel de ses positions. La double approche fiscale de la Commission – sur le CO2 et sur le contenu énergétique d’un produit - a été approuvée. Mais la plénière a fait tomber la clause dite de proportionnalité qui obligeait les États membres à respecter la proportion entre les niveaux de taxation fixés au niveau européen. Par ailleurs, les États membres pourront continuer à établir une distinction entre le gazole à usage commercial et le gazole à usage privé, une distinction à laquelle la Commission voulait mettre fin.
"Les consommateurs européens ne devraient pas faire les frais des intégristes de la taxation de l'énergie! C'est une grande victoire politique pour le Groupe PPE, qui est resté ferme sur ses positions mais avant tout une victoire pour nos concitoyens " a déclaré jeudi Astrid Lulling, à l'issue du vote, par le Parlement européen réuni en séance plénière à Strasbourg, de son rapport sur la taxation de l'énergie.
"Alors que nos adversaires politiques s'apprêtaient à voter en faveur d'un mécanisme qui conduirait à une hausse substantielle des prix du diesel par rapport à l'essence, nous avons réussi à imposer nos vues! Les députés socialistes et libéraux, qui, lors du vote en commission, s'étaient ligués avec les verts sur une ligne politique exclusivement écologique faisant fi de toute autre considération, se sont finalement ralliés à la position du PPE en plénière. Notre fermeté a été payante! " s'est réjouie la députée européenne.
"Peut-on, comme cherche à le faire la Commission, contribuer par le biais de la fiscalité à réaliser les objectifs de lutte contre le changement climatique? Peut-être. Je soutiens à cet égard la nouvelle méthodologie introduite, qui consiste à taxer l'énergie sur une double base, celle de l'émission en CO2 et du contenu énergétique. Mais les choses ne sont pas aussi simples que l'on veut bien nous le faire croire, et en période de crise économique, il serait irresponsable de faire peser sur nos concitoyens et nos économies un fardeau encore plus lourd qu'il ne l'est déjà, par rapport à une concurrence qui n'en demande pas tant" a-t-elle aussi indiqué.
"Je suis contente que le Parlement européen présente finalement au Conseil qui reste seul maître à bord en matière de fiscalité un compromis équilibré" a conclu Astrid Lulling.
L’eurodéputé luxembourgeois socialiste Robert Goebbels n’a jamais eu de faible pour la révision de la directive sur la taxation de l’énergie. « Sous le prétexte bien-pensant d’une politique énergétique durable, la directive poursuite ne premier lieu l’objectif d’une taxation plus forte du diesel par rapport à l’essence. » Pour le député, cela sert d’abord les intérêts de l’industrie pétrolière, et notamment des raffineries, qui peinent selon lui à vendre l’essence. Bien que le vote du parlement ait fait chuter le principe de proportionnalité, principal facteur du renchérissement du diesel, le député a voté contre le paquet dans son ensemble. Il est d’avis que même telle qu’elle a été votée, la directive va renchérir le diesel et pousser l’inflation à la hausse, dans la mesure où 98 % des transports de marchandises routiers recourent à des moteurs diesel, et que donc toute la logistique européenne finira par être affectée. La directive risque aussi selon lui d’avoir des retombées négatives sur la politique industrielle.