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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
Semestre européen - La CSL se livre à une analyse très critique du Programme de stabilité et de croissance, l’occasion pour Jean-Claude Reding d’appeler à ouvrir le débat démocratique sur les orientations politiques qui se dessinent
07-05-2012


Le 27 avril dernier, le gouvernement luxembourgeois adoptait la 13e actualisation de son Programme de stabilité et de croissance (PSC), un document aussitôt transmis à la Commission européenne dans le cadre du semestre européen. Le 7 mai 2012, à la veille du discours attendu de Jean-Claude Juncker sur l’état de la Nation, la Chambre des salariés (CSL) s’est empressée de convoquer la presse pour y livrer les résultats de l’analyse qu’elle a menée de ce document déterminant puisqu’il définit les orientations budgétaires pour les trois prochaines années. Une lecture pour le moins critique accompagnée d’un appel de Jean-Claude Reding, président de la CSL, à ouvrir le débat politique sur ces orientations politiques essentielles.Chambre des Salariés

Le nouveau calendrier de la procédure budgétaire, qui est lié à l’évolution de la gouvernance européenne et notamment au semestre européen, fait en effet que l’on fixe déjà en début d’année les grandes orientations du budget prévisionnel de l’année qui va suivre. Le débat d’automne est certes toujours prévu à la Chambre, mais, déplore Jean-Claude Reding, on n’en débat pas plus tôt. Il s’interroge donc sur l’organisation du débat démocratique sur cette question essentielle. "Lorsque Luc Frieden a parlé de consultations, il ne s’est agi que de discussions informelles", regrette Jean-Claude Reding qui souhaiterait savoir comment la CSL, mais aussi d’autres organisations de la société civile, pourraient être impliquées avant l’envoi du PSC et du PNR à la Commission européenne.

Sylvain Hoffmann appelle à "relativiser" les chiffres alarmistes sur lesquels se base le gouvernement

Sylvain Hoffmann, directeur adjoint de la CSL, s’est chargé de présenter, tableaux et schémas à l’appui, l’analyse menée par la CSL. Un certain nombre d’hypothèses de départ posent problème à ses yeux. "Il faut relativiser ces données", suggère-t-il en effet. Jean-Claude Reding s’est attaché pour sa part à relever, à la lumière de cette analyse, les "grands risques" induits par la politique menée par le gouvernement.

Ainsi, il a pointé l’évolution des prévisions du gouvernement par rapport au solde des administrations publiques réel sur plusieurs années : les prévisions pour les années 2005 à 2008 étaient systématiquement déficitaires, alors que le solde des comptes nationaux a finalement été soit à l’équilibre, soit excédentaire. Sylvain Hoffmann relève aussi les écarts systématiques qu’il y a entre les chiffres du solde des administrations publiques dans les différentes notifications qui en sont faites.

Autre motif invoqué pour "relativiser" les chiffres sur lesquels se base le gouvernement, "le redressement spectaculaire du déficit public en 38 jours". La CSL compare en effet les chiffres fournis par le comité de prévision en mars dernier et ceux qui sont indiqués dans le PSC. L’écart atteint près d’1 milliard d’euros pour 2013, et les dépasse même pour 2014. Certes, les mesures de consolidation budgétaire annoncées par Luc Frieden expliquent en partie cette évolution "incroyable", mais une partie de cette amélioration, et non des moindres, reste inexpliquée aux yeux de la CSL.

Une des explications à l’amélioration relevée par la CSL pourrait être liée à l’écart de plus en plus marqué qu’on peut observer entre PIB en valeur et PIB en volume. Sans compter qu’entre les chiffres avancés par le comité de prévision et l’actualisation du PSC transmise à la Commission, la CSL note aussi une différence pour ce qui est du PIB en valeur. Sylvain Hoffmann, qui a superposé l’évolution du PIB en valeur et celle du solde public sur un même tableau pour démontrer la relation évidente qu’il y a entre ces deux courbes, ne voit pas pourquoi cette relation devrait cesser avant 2015, comme le laissent pourtant présager les prévisions du comité de prévision.

Sylvain Hoffmann ajoute encore que, sans les mesures de consolidation annoncées fin avril, le Luxembourg remplirait le critère de Maastricht dans la mesure où le seuil de 3 % de déficit à ne pas dépasser concerne le solde de l’ensemble des administrations publiques, qui comptent à la fois les administrations locales, l’administration centrale et la sécurité sociale.

Les services de la CSL, qui relèvent l’impact des fonds d’investissement dans le budget de l’administration centrale, soulignent aussi que la loi sur le budget de l’Etat interdit que des recettes provenant de l’émission d’emprunts servent à autre chose qu’à des projets d’investissement, et donc aux dépenses courantes. Sylvain Hoffmann récuse par ailleurs l’analyse faite par le gouvernement selon laquelle les dépenses augmenteraient plus vite que les recettes. "C’est faux pour la période 2009-201", jugent-ils en observant la progression des dépenses et des recettes sur cette période tant pour les administrations publiques que pour l’administration centrale.

La CSL a ensuite mis l’accent sur l’épargne nette, à savoir ce qui résulte de la soustraction des dépenses courantes aux recettes courantes, avant que l’on ne calcule les dépenses en capital qui déterminent en fin de compte la capacité ou le besoin de financement. L’épargne nette est largement positive, affirme Sylvain Hoffmann en indiquant qu’elle a été en moyenne de 5,2 % du PIB entre 1995 et 2011. On peut toutefois noter que, depuis 2009, cette épargne nette est en-dessous de 3 % du PIB. Mais le Luxembourg se situe de ce point de vue dans une position tout à fait enviable par rapport à ses partenaires européens, puisque seule la Norvège affiche une épargne nette moyenne plus importante. Pour ce qui est de l’épargne nette de l’administration centrale, le Luxembourg devance tout les pays de l’UE des 15 sur la période 1995-2011.Ce qui lui a d’ailleurs permis d’avoir un taux d’investissement record sur la même période tout en conservant un solde public tout aussi "enviable". La règle d’or est respectée, insiste donc la CSL.

Sylvain Hoffmann s’est aussi penché sur la structure de la dette luxembourgeoise fin 2011. Il en ressort que si l’on soustrait au montant total les 1,5 % du PIB comptés au titre de la loi de garantie, le 1 % du PIB compté au titre des garanties apportées dans le cadre de l’EFSF, les 2,3 % du PIB qui relèvent des administrations locales et enfin les 5,4 % qui sont des participations bancaires, la dette "classique", qui sert aux investissements, ne représente plus que 8 % du PIB. Sans compter, glissent encore les analystes de la CSL, que les participations bancaires de l’Etat luxembourgeois ont rapporté en 2011 318,1 millions d’intérêts en 2011, ce qui couvre plus que largement le service de la dette. La CSL a aussi insisté sur le fait que la valeur financière nette des administrations publiques comme de l’administration centrale, à savoir les engagements soustraits aux avoirs, reste "élevée".

Enfin, Sylvain Hoffmann a dénoncé une fois de plus le "faux débat" qui règne sur la dette implicite. Un débat qui n’a pas vraiment de sens quand on parle d’un système de retraite par répartition, et non par capitalisation. La dette implicite d’un système de retraite par répartition est toujours élevée, même si ce régime est parfaitement équilibré, puisque les recettes couvrent uniquement les prestations des retraités actuels, et non ceux des retraités futurs. La dette implicite ne devrait être un motif d’inquiétude que s’il y avait un risque réel que le système prenne fin, argue la CSL.

La CSL s’inquiète des effets sociaux et économiques de mesures de consolidation jugées trop floues pour certaines d’entre elles

Les mesures de consolidation annoncées par le gouvernement fin avril, la CSL les a passées au crible. L’augmentation de l’impôt sur la solidarité va surtout toucher les ménages puisque, d’après les calculs de Sylvain Hoffmann, les 100 millions d’euros qui vont être perçus en plus vont venir à 70 % des ménages et à 30 % des entreprises. Pour ce qui est de l’idée d’introduire un impôt minimal sur les entreprises, mesure qui devrait rapporter 50 millions en 2013, la CSL s’interroge sur les modalités. Car en divisant cette somme par le nombre d’entreprises on arrive à 700 euros par entreprise, une somme sans doute infime pour de grandes entreprises, mais qui peut peser sur les plus petites d’entre elles. La CSL s’interroge aussi sur la réduction des dépenses d’investissement annoncée, voyant là une "réduction virtuelle". Enfin, la CSL s’inquiète des économies qui vont être faites sur les prestations sociales. Et pour ce qui est du report de l’ajustement des pensions, la CSL s’étonne car cette économie sera portée à l’administration de la sécurité sociale, et non de l’administration centrale dont on s’inquiète pourtant tant du déficit.

Jean-Claude Reding s’inquiète des effets sociaux de la politique qui est menée, du fait de la hausse de l’assurance maladie, mais aussi de la politique familiale menée depuis 2006, date de la désindexation des allocations familiales. Certes les chèques services ont en partie compensé, mais s’ils doivent désormais être remis en question, Jean-Claude Reding voit rouge. D’autant qu’ils vont être modifiés non pas dans le but d’une meilleure répartition des aides, mais juste pour faire des économies. Or, il n’y a pas eu d’analyse des effets de ces mesures, on n’a pas même idée du nombre de familles concernées, dénonce le président de la CSL.

Jean-Claude Reding ne se satisfait pas en effet du flou qui règne sur les motivations, les modalités ou encore les effets de ces mesures de consolidation, ce qui vaut aussi pour l’impôt sur les entreprises ou encore sur l’impôt de solidarité.

Par ailleurs, l’index n’est pas compté, relève Sylvain Hoffmann. Certes, ce n’est pas une mesure de consolidation, car l’économie que cette mesure représente pour l’Etat est moins importante que la baisse des recettes qu’elle entraîne. Quant au barème d’imposition, qui aurait dû être ajusté en 2012 au vu de l’inflation, sa non-adaptation n’apparaît pas non plus dans les mesures de consolidation annoncées. Or, ces deux mesures affectent les ménages, déplore la CSL qui souligne l’effet négatif qu’elles ont sur le moral des consommateurs. Or, quand la conjoncture est faible, la demande intérieure est essentielle pour la croissance comme le montrent les chiffres de 2011.

Jean-Claude Reding s’inquiète donc pour la croissance économique au vu du cumul des mesures qui vont peser sur la consommation des ménages. Il dénonce l’augmentation insidieuse de la charge fiscale pour nombre de contribuables, notamment certaines catégories qui jusqu’ici n’étaient pas imposables, du fait de la non-adaptation du barème. "Comment répartir justement la charge fiscale ?", demande Jean-Claude Reding en appelant un débat public sur cette question qu’il faudra bien se poser en vue de l’après 2015. Autre inquiétude soulevée par Jean-Claude Reding : va-t-on s’en tenir vraiment à un report de l’indexation, de l’accord salarial avec la fonction publique ou encore de l’ajustement des pensions, ou ne faut-il pas craindre que le report ne se transforme en disparition ?