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Economie, finances et monnaie - Emploi et politique sociale
Déi Lénk lancent un appel à changer de cap à la veille d’un sommet informel des chefs d’Etat et de gouvernement
22-05-2012


Le 22 mai 2012, à la veille d’un dîner informel des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE convoqué par Herman Van Rompuy, Déi Lénk ont convoqué la presse pour lancer un nouvel appel à changer de cap en Europe. André Hoffmann, Fabienne Lentz et Murray Smith

André Hoffmann, Fabienne Lentz et Murray Smith ont ainsi dénoncé les politiques d’austérité qui conduisent l’UE à la récession et menacent l’Etat social. Leur appel, ils le lancent tant au gouvernement et au parlement qu’à la société civile parce qu’ils craignent qu’il ne soit sinon trop tard pour l’UE, qui risque une perte de légitimité démocratique plus grande encore.

Mais ils saluent pourtant quelques signes encourageants, comme l’appel à "refonder l’Europe" lancé par des intellectuels allemands en mars dernier. Leur mot d’ordre n’est pas loin de celui des représentants de la gauche luxembourgeoise : maîtriser la crise par la solidarité et la démocratie.

André Hoffmann salue aussi le "vent nouveau" qui souffle en Grèce et en France après les élections, mais il ne perd pas de vue non plus le renforcement de l’extrême droite dans ces deux pays. Il n’est pas question de se faire d’illusions non plus quant à la promesse de croissance somme toute modérée faite par le nouveau président français, André Hoffmannmais les militants de la gauche luxembourgeoise appellent cependant tous ceux qui ont leur mot à dire à prendre leurs responsabilités. Car l’austérité n’est pas une solution à leurs yeux.

André Hoffmann met toutefois en garde : il n’est pas question de compléter les traités par une déclaration vague en faveur d’une croissance non définie. Car la croissance dont il est beaucoup question en ce moment dans la bouche des décideurs européens, elle va de pair avec l’idée d’une compétitivité qui n’est autre qu’une politique néolibérale que refusent les représentants de la gauche. La croissance qu’ils appellent de leurs vœux doit au contraire être durable tant sur le plan social qu’écologique et pour cela, il lui faudra être sélective, privilégier les besoins sociaux et la réduction des inégalités, mais aussi privilégier les investissements nécessaires à la reconversion écologique de l’économie.

Un catalogue de mesures au service d’une croissance durable sur le plan social et écologique

Déi Lénk proposent toute une série de mesures dont certaines pourraient être mises en œuvre dans l’immédiat. Il s’agit dans un premier temps de mettre fin à une politique d’austérité qui n’a pas de sens, mais aussi de mener une harmonisation fiscale qui serait le pilier d’une Europe sociale et impliquerait à la fois une meilleure répartition des richesses et la fin du dumping social qui existe à l’heure actuelle au sein de l’UE. 

Il faudrait aussi, estiment les représentants de la gauche, nationaliser les banques qui ont un rôle fondamental dans l’économie nationale : il serait ainsi possible d’avoir un contrôle démocratique sur leurs activités et leur orientation.

Pour ce qui est de la dette, ils appellent à mener une analyse générale de la dette publique pour identifier ce qui pourrait relever de la dette illégitime.Fabienne Lentz

Au niveau européen, Fabienne Lentz plaide aussi pour une réduction du temps de travail, une mesure qui doit aller de pair avec une ré-industrialisation du continent. Déi Lénk appellent aussi de leurs vœux un salaire minimum européen proportionnel, ainsi que la mise en place d’une taxe sur les transactions financières.

Enfin, ils plaident pour une réforme des statuts de la BCE qui lui permettrait soit de prêter directement aux Etats, soit de le faire via la BEI.

Autre proposition, que le parti de la Gauche européenne présentera prochainement sous la forme d’une initiative citoyenne, créer un Fonds européen de développement social et solidaire, sorte de banque publique européenne destinée à faciliter les investissements publics en faveur du développement social et écologique.

Le parti de la Gauche plaide aussi pour une rénovation démocratique, le déficit démocratique étant une des raisons de la crise à leurs yeux. Ainsi, si Habermas dénonce un fédéralisme exécutif non-démocratique en Europe, André Hoffmann va plus loin encore, s’indignant contre un nouveau "despotisme fédéraliste". La tendance penche vers le fédéralisme, mais avec un déficit démocratique qui inquiète l’ancien député luxembourgeois. "Nous sommes pour une Europe fédérale où le pouvoir devrait être décentralisé", lui a fait écho Fabienne Lentz en appelant de ses vœux une Europe des régions et un Parlement européen doté de compétences plus grandes.

Syriza est une force pro-européenne, a rappelé Murray Smith

L’explosion de la dette souveraine dans certains pays de la zone euro, qui est au cœur de la crise, ne s’explique pas par une explosion des dépenses sociales, mais plutôt par l’aide financière octroyée aux banques en 2008-2009, a expliqué, dans un commentaire consacré à la situation en Grèce, Murray Smith. Certes, le problème de la dette publique grecque est antérieur à la crise, précise-t-il, soulignant toutefois qu’il s’explique surtout par le fait que nombre de contribuables grecs ne s’acquittent pas de l’impôt. Sans compter qu’une partie de la dette a servi à acheter des avions de chasse et autres équipements du genre, payés par le gouvernement grec avec de l’argent Murray Smithemprunté essentiellement aux banques françaises.

Le plan d’aide à la Grèce signé en février 2012 prévoit de nouvelles mesures d’austérité ainsi que des réformes structurelles qui sont autant d’attaques contre le niveau de vie et les droits sociaux. Et il s’agit là du 8e plan d’austérité en trois ans, remarque le militant de la gauche. Les mouvements de résistance n’ont pas manqué depuis et les élections législatives ont été marquées par une percée de la gauche radicale, et notamment de la Syriza, alliance qui regroupe des représentants de l’extrême gauche comme d’anciens députés du PASOK qui se sont opposés au plan d’austérité. Une coalition qui est membre du parti de la Gauche européenne et qui est une force pro-européenne. Il n’est pas question de quitter la zone euro ou l’UE, a souligné Murray Smith qui regrette que Syriza soit devenu "le parti à abattre". Les nouvelles élections programmées le 17 juin 2012 sont présentées comme des élections "pour ou contre l’euro", et déi Lénk dénoncent ce chantage qui n’est d’ailleurs pas pour plaire à d’autres hommes politiques, comme Jean-Claude Juncker.

Ce qu’Alexis Tsipras prévoit si son parti devait arriver à constituer un gouvernement à l’issue de ces élections, ce serait d’annuler les mesures d’austérité et celles qui vont à l’encontre des droits des salariés, de réformer les institutions politiques, mais aussi de mener une enquête sur les banques grecques en commençant avant tout par publier l’audit du secteur bancaire grec mené par Blackrock à ce jour jamais publié et enfin de conduire un audit international de la dette grecque avec un moratoire en attendant les résultats. Il s’agit de traquer dans la dette publique grecque ce qui pourrait relever de la "dette illégitime", une notion qui existe dans le droit international.

Bref, si un gouvernement de la gauche radicale devait sortir des urnes, il en finirait avec l’austérité, mais resterait dans la zone euro. Car, souligne Murray Smith, il n’existe pas de mécanisme de sortie, et encore moins par la contrainte. Sans compter que les conséquences d’un tel pas sont incalculables. Pour l’Eurosystème par exemple, dans la mesure où les banques centrales de la zone euro se prêtent de l’argent de façon toujours plus importante depuis le début de la crise. Les effets de contagion, sur l’Espagne par exemple, sont eux aussi difficiles à mesurer.