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Aides pour études supérieures – Pour François Biltgen, l’arrêt de la CJUE sur la loi néerlandaise vient renforcer la position du Luxembourg
18-06-2012


Le 14 juin 2012, le Cour de Justice rendait un arrêt concernant le système de bourse néerlandais. Un arrêt aussitôt commenté par les syndicats luxembourgeois, qui voyaient là "démontée" l’argumentation du gouvernement luxembourgeois dans le dossier sur les aides financières pour études supérieures. Mais du point de vue du ministre François Biltgen, qui avait convoqué la presse pour faire le point sur ce dossier le 18 juin 2012, le récent arrêt de la CJUE dans l’affaire C-542/09 conforte au contraire le Luxembourg dans la position qu’il défend.François Biltgen devant la presse le 18 juin 2012

Sur ce dossier, la Cour de Justice a été saisie par le tribunal administratif d’une question préjudicielle. Par ailleurs, la Commission, saisie de plusieurs plaintes introduites par les syndicats, pourrait décider de lancer une procédure en manquement contre le Luxembourg dans la foulée de la procédure d’infraction qui est en cours.

Si l’arrêt du 14 juin 2012 conforte, selon François Biltgen, la position luxembourgeoise, c’est notamment parce qu’il reconnaît le principe d’une clause de résidence, tant qu’elle reste appropriée en vue de l’objectif de promotion de la mobilité des étudiants. De ce point de vue, se félicite François Biltgen, la Cour va dans son arrêt plus loin que ne l’avait fait l’avocate générale dans ses conclusions de février 2012.

Le cas luxembourgeois diffère en de nombreux points de l’affaire néerlandaise

Dans le cas néerlandais toutefois, la condition de résidence dite "3 sur 6" va, selon la Cour, au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif de mobilité. Or du point de vue de François Biltgen, le cas luxembourgeois diffère de celui des Pays-Bas, et le système luxembourgeois d’aides financières basé sur une condition de simple résidence sans durée quelconque et s’adressant à tout étudiant de l’enseignement supérieur quel que soit son âge est conforme aux principes de droits dégagés par la CJUE.

Au Luxembourg en effet, a rappelé le ministre, les aides financières pour études supérieures ont pour objectif de mettre l’étudiant majeur en mesure de poursuivre des études supérieures et d’exercer son libre choix quant au lieu des études et quant au domaine d’études. L’aide financière pour études supérieures constitue ainsi un investissement dans le potentiel intellectuel du pays et vise un accroissement du nombre de diplômés de l’enseignement supérieur, et ce au vu du marché de l’emploi. L’aide est accordée quel que soit l’âge de l’étudiant et elle s’inscrit de cette manière dans une optique d’apprentissage tout au long de la vie.

François Biltgen a insisté sur le fait que l’aide financière est une mesure de la politique d’enseignement supérieur luxembourgeois et s’adresse ainsi aux étudiants ayant leur résidence principale au Luxembourg, de sorte que l’attribution de l’aide financière pour études supérieures est conditionnée par un lien réel d’intégration entre le citoyen et le Grand-Duché de Luxembourg. Tel est  le cas depuis la création du système des aides financières, donc bien avant la loi modificative de 2010 et tel est aussi le cas dans les autres États membres de l’Union européenne. Pour François Biltgen, la contestation de la condition de résidence est donc un problème juridique antérieur à la loi d’août 2010 qui est contestée par les syndicats.

Au Luxembourg, la mobilité est l'axe principal de la politique de l'enseignement supérieur

Alors qu’aux Pays-Bas la mobilité des étudiants est un accessoire de la politique de l’enseignement supérieur, au Luxembourg la mobilité constitue le principal axe de sa politique, a argué François Biltgen. Nous luttons pour plus de mobilité dans le cadre du processus de Bologne, a-t-il rappelé, soulignant aussi que la réussite économique du Luxembourg était liée au fait que ses élites avaient fait été formées à l’étranger. Par ailleurs, a-t-il souligné, contrairement aux Pays-Bas, le Luxembourg ne dispose pas d’une offre complète en matière d’études universitaires, sans compter que le Luxembourg ne disposait pas d’université avant 2003.

Autre différence mise en avant par le ministre luxembourgeois, le fait qu’aux Pays-Bas, l’aide financière pour études supérieures est accordée aux étudiants jusqu’à l’âge de 29 ans, alors qu’au Luxembourg il n’y a pas de limite d’âge.

En outre, il s’est avéré qu’aux Pays-Bas la clause des "3 de 6" concernait avant tout les descendants de travailleurs immigrés résidant aux Pays-Bas, ce qui n’est pas le cas au Luxembourg. La clause de résidence néerlandaise visait surtout à éviter le problème posé par des demandes introduites pour des enfants d’immigrants qui ne vivent aux Pays-Bas. Au Luxembourg au contraire, les aides pour études financières bénéficient aux enfants d’immigrants, et nombreux sont d’ailleurs les jeunes Portugais qui partent étudier au Portugal avec une bourse luxembourgeoise pour, bien souvent, revenir travailler au Luxembourg, a raconté le ministre.

La clause de résidence prévue par la loi luxembourgeoise est, selon le gouvernement, propre à garantir la réalisation de l’objectif visant à augmenter le nombre de diplômés nécessaires au développement de l’économie

Du point de vue du gouvernement luxembourgeois, la clause de résidence telle qu’elle est prévue par la loi luxembourgeoise est une mesure qui est propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi.

L’objectif poursuivi par le gouvernement luxembourgeois est d’augmenter le nombre de diplômés pour soutenir le développement de l’économie qui a désormais besoin de plus de cinquante pour cent de diplômés de l’enseignement supérieur et qui ne peut pas assurer sa viabilité à long terme en misant uniquement sur l’immigration et l’apport des frontaliers. Le ministre a d’ailleurs mis en avant le fait que 71 % des bénéficiaires des bourses d’études qui ont étudié à l’étranger reviennent travailler au Luxembourg. La législation luxembourgeoise permet également d’atteindre l’objectif visant à augmenter le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur fixé dans le cadre de la stratégie Europe 2020.

Du point de vue de François Biltgen, augmenter le nombre de bénéficiaires au-delà des résidents constituerait une charge déraisonnable pour le budget de l’État qui serait plus que doublé. Or, le souci d’éviter une charge financière excessive est combiné avec l’objectif "social", à savoir l’augmentation du nombre de diplômés en vue de leur intégration sur le marché de l’emploi.

La clause de résidence, qui est une "mesure proportionnée" selon François Biltgen, existait avant la loi modificative de 2010, relève le ministre

Par ailleurs, argue François Biltgen, la condition de résidence est une mesure proportionnée dans la mesure où, contrairement à celle en vigueur aux Pays-Bas, elle se contente d’un séjour d’une durée quelconque au moment où l’étudiant fait sa demande. Dans d’autres pays, il y a même une double clause de résidence, a argué François Biltgen, citant l’exemple de pays voisins où pour bénéficier d’une aide pour études supérieures, il faut non seulement y vivre, mais aussi y étudier. Les bourses n’y sont pas "portables", contrairement à celles offertes par le Luxembourg ou les Pays-Bas dans le cas de la loi pour lequel ils sont condamnés.

A ceux qui plaident pour un retour en arrière, François Biltgen rétorque que la clause de résidence existait avant la loi modificative de 2010. Une condamnation remettrait donc en question le système des aides financières dans son entièreté, et le principe de la portabilité de l’aide risquerait donc d’être remis en question. Il n’y a donc pas d’alternative, à moins de trouver une nouvelle orientation politique, conclut le ministre.

 François Biltgen a, plus généralement, pointé les craintes exprimées dans nombre de pays qu’une application trop stricte des principes de libre circulation sur le marché intérieur ne risque de mettre en échec les finalités de l’enseignement supérieur, qu’il s’agisse de l’accès aux études ou qu’il s’agisse de l’accès aux bourses d’études. Des éléments de politique du marché intérieur risquent de porter atteinte au principe même de la mobilité des étudiants alors que le principe de subsidiarité en ce qui concerne l’organisation du système d’enseignement supérieur est érodé, a-t-il expliqué, citant les exemples autrichien et belge qui font face à un afflux d’étudiants allemands et respectivement français dans des cursus médicaux, au point que la formation d’un nombre suffisant de médecins prêts à exercer dans leur pays s’en trouve menacée. Le Luxembourg avait demandé de porter ce point d’une possible contradiction entre les principes communautaires de la libre circulation et les finalités des politiques nationales d’enseignement supérieures à l’ordre du jour du Conseil éducation du 11 mai 2012. Le ministre Biltgen avait déjà fait état du soutien qu’il avait rencontré.

Dans son argumentation, le ministre inscrit systématiquement la loi sur les aides pour études supérieures dans le cadre de la politique d’enseignement supérieur. Pourtant, la Cour affirme aussi, dans son arrêt concernant la loi néerlandaise, qu’une aide accordée pour l’entretien et la formation afin de poursuivre des études universitaires sanctionnées par une qualification professionnelle constitue un avantage social. Un aspect d’ailleurs mis en avant par les syndicats dans les plaintes qu’ils ont déposées, car ils n’ont jamais perdu de vue que l’introduction du nouveau régime d’aides pour études supérieures est allé de pair avec la suppression des allocations familiales pour les enfants majeurs dont bénéficiaient jusqu’en 2010 tous les travailleurs, résidents ou frontaliers, pendant les études de leurs enfants. Une dimension qui semble à première vue éludée dans l’argumentation du ministre qui insiste avant tout sur le fait que, dans le nouveau système, les étudiants sont considérés en tant qu’adultes responsables et indépendants.