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Budget de l'Union européenne
Cadre financier pluriannuel - Le Parlement européen entame un bras de fer avec le Conseil
13-06-2012


Le 13 juin 2012, le Parlement européen débattait du cadre financier pluriannuel (CFP) 2014-2020 en amont du sommet européen des 28 et 29 juin 2012, où les chefs d'Etat et de gouvernementNicolai Wammen - © European Union 2012 - European Parliament commenceront à le négocier.

Le Parlement européen avait déjà adopté une résolution le 8 juin 2011, avant que, trois semaines plus tard, la Commission européenne ne publie son document "Un budget pour la stratégie Europe 2020". Les eurodéputés avaient alors demandé l'augmentation du CFP d'au moins 5 % par rapport à la période précédente tandis que le Conseil européen avait fait savoir que celui-ci devait "[refléter] les efforts d'assainissement déployés par les États membres pour ramener le déficit et la dette sur une trajectoire plus viable".

La présidence danoise a fait de l'avancée des négociations sur le CFP une de ses "grandes priorités". Elle avait en conséquence lancé les premières discussions du Conseil européen peu de temps après avoir endossé la présidence. Les tractations sur la "boîte de négociation" se sont notamment poursuivies lors des Conseils Affaires générales des 24 avril et du 29 mai 2012.

Ses efforts visent à préparer le terrain pour "une première négociation sérieuse" lors du sommet de juin, espérant ainsi que l'ensemble des éléments y soient déjà discutés à cette occasion, a expliqué Nicolai Wammen au début de la séance du Parlement européen. Le but est d'atteindre un accord durant la présidence chypriote avant la fin de l'année 2012.

Le ministre danois a fait savoir que le cadre de négociation que la présidence danoise soumettra au sommet européen formulera une proposition concernant la structure du budget. Mais il a garanti qu'elle n'en proposera pas la réduction. Le cadre de négociation comporte cinq rubriques : "Croissance intelligente et inclusive" ; "Croissance durable: ressources naturelles" ; "Sécurité et citoyenneté" ; "L'Europe dans le monde" et "Administration".

José Manuel Barroso : "Un montant qui ne va certainement pas faire s'écrouler les dépenses publiques"

José Manuel Barroso - © European Union 2012 - European ParliamentFace aux eurodéputés, le président de la Commission, José Manuel Barroso, a pour sa part souligné que le CFP était "une partie de la réponse" européenne à la crise. Il s'agit d'un "élément clé pour renforcer l'union économique et monétaire et relancer la croissance durablement".

Il a par ailleurs souligné que "même quand les gouvernements prennent les bonnes décisions, font les bonnes réformes, l'impact peut être négatif en raison d'avatars qu'il ne contrôle pas". Face à ce "problème systémique", il faut donc "s'orienter en fonction d'un cap". Les débats sur le CFP s'inscrivent ainsi dans la lignée de l'engagement en faveur d'une "union économique et monétaire à part entière" et pour "une croissance durable et génératrice d'emploi" que la Commission européenne demande au Conseil.

Dans ce contexte, José Manuel Barroso a estimé qu'il était important que le budget soit discuté maintenant. Il s'agit notamment de démontrer à l'extérieur que "l'Europe est prête à investir dans son avenir".

Tout appel à un gel voire une réduction du budget serait une erreur à ses yeux. "Certains voient le CFP comme une extravagance, qu'il faut réduire, une source de croissance à rapatrier. Or, c'est un budget d'investissement et de croissance. Il faut laisser de côté ce mythe selon lequel ce budget est fait pour Bruxelles. Il est fait pour nos régions, villes et territoires ruraux. Il est destiné à nos citoyens, travailleurs, employés, entreprises, scientifiques, agriculteurs, innovateurs, chômeurs, à l'avenir", a-t-il déclaré.

Ce budget a "un impact majeur sur la croissance". Il est également "parfaitement à l'unisson avec les dépenses publiques". Il ne constitue que 1 % du PIB européen et représente moins de 2,5 % de toutes les dépenses publiques dans l'UE. De même, son impact sur le déficit national est limité. Il n'entamerait le PIB qu'à hauteur de 0,084 %. C'est, estime José Manuel Barroso, un " montant qui ne va certainement pas faire s'écrouler les dépenses publiques" mais est au contraire "un élément essentiel d'un agenda de croissance à long terme".

Lors du Conseil Affaires générales du 27 janvier 2012, le Luxembourg avait considéré que la proposition de la Commission constituait un "budget de solidarité avec les États membres et les régions les plus pauvres qui permet de faire face aux grands défis communs". Toutefois, une coalition d'Etats, composée de "contributeurs nets" (Autriche, Finlande, France, Pays-Bas, Suède et Royaume-Uni) et emmenée par l'Allemagne, désirerait par contre le gel du budget de l'UE, et souhaiterait une réduction de 100 milliards du millier de dollars prévu dans le projet de la Commission.

José Manuel Barroso a terminé son intervention de vingt minutes en soulignant qu'il y avait "besoin d'un engagement clair en faveur d'un renforcement de cette union européenne", via notamment l'union bancaire, jugée comme une "union naturelle" et la coordination d'une politique fiscale.

La résolution du Parlement européen

Le Parlement européen a adopté à une très large majorité - 541 voix pour, 100 contre et 36 abstentions - une résolution en sept points.

Pour "un budget européen robuste"

Les parlementaires y affirment tout d'abord l'importance de ce budget : "Le budget de l'Union est un budget d'investissement qui possède un fort effet de levier, étant donné que 94 % de ses crédits sont consacrés à la stimulation de la croissance économique et de l'emploi ainsi qu'au renforcement du rôle de l'Union en tant qu'acteur mondial." Ainsi, "il doit jouer un rôle stratégique, parallèlement aux mesures de consolidation budgétaire imposées actuellement aux budgets nationaux."

Les eurodéputés réaffirment ensuite l'actualité de la première résolution qu'ils avaient votée au sujet du cadre financier pluriannuel, le 8 juin 2011. Le Parlement européen affirme ainsi que ce document doit être considéré "comme étant sa position pour les négociations". Le Parlement demande "un budget européen robuste" qui permette de poursuivre les objectifs définis dans la stratégie Europe 2020. Il affirme donc "son opposition à toute proposition qui ne permettrait pas à l'Union de remplir son rôle et d'honorer les engagements politiques qu'elle a déjà pris ou d'assumer de nouvelles responsabilités".

Créer de nouvelles ressources propres

Les eurodéputés réclament également, dans le troisième point, une réforme des ressources propres, sans quoi ils ne donneront pas leur accord au cadre financier pluriannuel. Ils affirment qu'elle pourrait faire passer de 75 à 40 % d'ici 2020, la part des contributions des Etats membres (basées sur le Revenu national brut) dans le budget européen. Il s'agirait de créer de nouvelles sources financières par la création d'une Taxe sur les transactions financières ou encore un impôt sur la valeur ajoutée. Ce serait d'ailleurs un moyen de soulager les budgets nationaux dans leur œuvre de consolidation budgétaire.

Chacune des principaux groupes de l'Assemblée est d'accord avec ces principes. Ainsi, les libéraux ont-ils déclaré, à travers les mots de Guy Verhofstadt, "qu'il n'y aura pas d'accord possible si l'UE ne reçoit pas de ressources propres". L'écologiste Daniel Cohn-Bendit considère que c'est une condition indispensable pour que le Parlement européen ait "une souveraineté budgétaire". Pour Hannes Swoboda, chef de la fraction des socialistes et démocrates, toute réduction du budget serait "insensée".

La fin des rabais

Au nom "de la transparence, de l'équité et de la durabilité", la résolution plaide aussi pour l'abandon des quelques 44 rabais, dont ceux baptisés mécanismes de correction, qui sont accordés aux pays sous différentes formes, dont le plus célèbre, celui accordé à la Grande-Bretagne.

Vers plus de flexibilité

Au nom de cette même transparence, les eurodéputés demandent dans le quatrième point de leur résolution que tous les programmes et politiques de l'Union soient réunis sous ce seul CFP. Par ailleurs, pour faire face à de nouveaux défis dans un monde en pleine mutation, les eurodéputés sont d'avis que le budget européen devrait à l'avenir faire preuve de davantage de flexibilité. La ventilation des moyens financiers devrait être modifié à la fois à l'intérieur des rubriques et entre les rubriques.

L'article publié sur le site du Parlement européen cite en exemple des désavantages de l'architecture actuelle, la difficulté à "trouver des financements pour la recherche sur la fusion nucléaire ITER, une nouvelle priorité qui a surgi au milieu du cadre financier pluriannuel actuel".

Fixer les priorités avant de négocier les montants

Le Parlement européen ne s'exprime pas dans la résolution sur le montant à allouer à chaque rubrique. Toutefois, il souligne le fait que "les négociations sur les propositions législatives relatives aux programmes pluriannuels seront menées conformément à la procédure législative ordinaire et finalisées une fois un accord sur leurs enveloppes financières conclu". Dans le cas contraire, il recourra aux "pouvoirs que lui confèrent la procédure d'approbation et la procédure législative ordinaire".

Ensuite, "les objectifs et les politiques du CFP devraient être approuvés avant que des montants leur soient alloués, et que le Parlement et le Conseil devraient mener de véritables négociations sur tous les aspects liés au CFP avant de fixer le montant des enveloppes et de procéder aux derniers ajustements de l'ensemble du CFP".

Frank Engel s'impatiente

A noter que les eurodéputés luxembourgeois ne sont pas intervenus durant la séance plénière. Au micro de RTL, le CSV Frank Engel a défendu l'augmentation voire la démultiplication du budget euroépeen. " Il serait grand temps que le Parlement dise au Conseil qu'il n'attend pas de lui qu'il soutienne les pleurnicheries de certaines en toute impotence, et que nous aimerions bien savoir, d'où l'argent doit venir", a-t-il notamment dit.