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Bart Samyn (IndustriAll European) : "Pour la première fois, même la Commission reconnaît qu'en dehors de l'Europe, 65 % de la sidérurgie est réglée par du protectionnisme."
27-09-2012


samyn-bart femInvité par le syndicat Sidérurgie et mines de l'OGB-L, le 22 septembre 2012, à tenir conférence, Bart Samyn, secrétaire général adjoint de la Fédération syndicale européenne IndustriAll, a accordé une interview au journal Le Quotidien, parue dans son édition du 27 septembre 2012. Il y est question de l'avenir de la sidérurgie en Europe, objet actuellement d'échanges au sein du groupe de travail sur l'avenir de la sidérurgie réunissant syndicats, entreprises et experts, mis en place en juillet 2012  par le Commissaire européen chargé de l'industrie et de l'entreprenariat, Antonio Tajani.

IndustriAll European est le fruit de la fusion, en mai 2012, de trois fédérations européennes du secteur de l'industrie : la Fédération européenne des métallurgistes (FEM), la Fédération européenne des syndicats des mines, de la chimie et de l'énergie (FESMCE) et la Fédération européenne du textile, de l'habillement et du cuir (FETHC). Elle représente 8 millions de personnes.

Les employeurs investissent-ils vraiment ?

Des consultations menées au sein du groupe de travail doit naître un rapport au printemps 2013. "L'idée c'est de mettre sur pied certains éléments qui doivent permettre à la sidérurgie de survivre en Europe." Sur la manière d'y parvenir, les opinions divergent encore. Le cadre des discussions est notamment délimité par l'exigence environnementale d'une part et le besoin de compétitivité de l'autre. 

Toutefois, IndustriAll entend conduire le débat sur la compétitivité sur la question de la protection de l'industrie. Or, confie Bart Samyn, "pour la première fois, même la Commission reconnaît qu'en dehors de l'Europe, 65 % de la sidérurgie est réglée par du protectionnisme." "Que la Commission le mette elle-même sur le papier, c'est pour nous une première".

Mais de ce constat apparemment partagé de l'absence d'une concurrence libre et non faussée, les partenaires ne tirent pas les mêmes conséquences : "L'idée que [la Commission] avance consiste en premier lieu à négocier avec les autres pays pour avoir un véritable libre échange sur le marché", fait savoir le syndicaliste. "Nous avons clairement dit que si cela ne fonctionnait pas, il faudrait mettre sur la table des mesures visant à protéger l'Europe.'

Celle des trois principales idées syndicales qui pour l'instant aurait eu la plus grande attention du Commissaire et de laquelle, Bart Samyn en est convaincu, "les employeurs vont être furieux" consiste à la réalisation un audit des investissements, afin de vérifier si les employeurs, en affirmant qu'ils poursuivent ces derniers, disent vrai. "Nous avons des doutes à ce niveau. En plus, il faut savoir qu'il y a beaucoup d'argent aussi bien gouvernemental que de la Commission qui est débloqué en faveur des entreprises pour le développement de nouveaux produits et de nouvelles technologies. Donc, il devrait également y avoir un contrôle", explique Bart Samyn.

Remettre la CECA au goût du jour

Le syndicaliste poursuit l'énumération des propositions d'IndustriAll en demandant la réactivation d'une communauté européenne de l'acier, dix ans après la fin de l'existence de la Communauté économique du charbon et de l'acier (CECA). "Même si ça ne fonctionnait pas à 100 %, même selon notre goût, la CECA a quand même régulé le marché en Europe pendant 50 ans". Au sein de cette structure, on pourrait se mettre d'accord "sur un certain tonnage d'acier par pays qui garantirait ainsi la survie de la sidérurgie dans les pays où elle existe". Dans le cas contraire, "le tonnage dépend uniquement des entreprises."

"Dans le sens d'un certain protectionnisme européen"

La troisième grande idée de la Fédération "va dans le sens d'un certain protectionnisme européen". La première étape consisterait à créer un label "made in Europe", pour l'acier qui y est fabriqué. C'est, pour commencer, "quelque chose qui ne coûte rien du tout, mais qui peut par contre avoir un effet psychologique". "C'est un début mais qui peut ouvrir certaines portes", vers d'autres mesures de protection en somme, explique le syndicaliste.

Interrogé sur la possibilité de stopper la désindustrialisation sans revenir sur les acquis sociaux, Bart Samyn explique que l'Europe ne pourra "jamais concurrencer des pays comme l'Inde, le Mexique ou la Chine", en termes de coûts salariaux. Chercher la solution "dans un industrialisme qui ne mise que sur les grandes quantités" mais incapable de concurrencer, serait illusoire. Pour cause, "les autres pays pourront toujours produire moins cher que nous à la tonne". Ainsi, "le futur pour la sidérurgie en Europe se trouve dans les produits haut de gamme avec beaucoup de plus-value".

"Il y a des nouveaux développements qui sont en train de se faire et pour lesquels il y a une véritable demande. Ce sont des produits nouveaux qu'il faut développer en Europe et pour lesquels il faut trouver une niche. Et à ce niveau-là, on est encore les meilleurs pour l'instant", fait savoir Bart Samyn.

L'élément environnemental pourrait être l'allié du développement du marché pour une gamme plus large, destinée à l'automobile par exemple. "Si l'Europe ne dispose plus d'une sidérurgie propre et que l'on doit par conséquent tout importer, cela ajoute au problème des émissions de CO2. Non seulement, l'acier sera fabriqué dans les pays qui n'ont pas les mêmes normes environnementales que nous, mais en plus il y aura le transport. "

"Même M. Tajani semble réfléchir à la création d'un éventuel bureau européen sur le contrôle des investissements inspiré du modèle américain."

Les produits haut de gamme bénéficient de l'avance européenne dans le domaine de la recherche et de la compétence de ses salariés. Et Bart Samyn fait savoir que cet avantage là est capable de compenser la modernisation moindre des usines. "Certaines installations en Chine par exemple sont plus modernes et plus efficaces que les nôtres. Mais la qualité qu'on obtient en Europe reste quand même nettement meilleure et c'est largement grâce aux salariés."

"Nous avons des atouts et nous devons avant tout éviter que nos savoir-faire soient transférés vers des pays qui n'ont pas investi là-dedans", observe encore Bart Samyn. "Et à ce niveau, même M. Tajani semble réfléchir à la création d'un éventuel bureau européen sur le contrôle des investissements inspiré du modèle américain", confie-t-il au Quotidien.