Dans une tribune publiée le 23 octobre 2012 par le quotidien Luxemburger Wort, l’eurodéputé vert Claude Turmes plaide pour une politique européenne des crédits à l’industrie comme moyen de soutenir les forces de l’industrie européenne et de la sortir de ses difficultés actuelles. Il reprend, en les précisant, certaines idées qu’il avait déjà développées lors de la conférence des investisseurs à long terme qui s’était tenue à Luxembourg le 8 octobre 2012.
Pour Claude Turmes, le problème central de l’industrie européenne n’est pas sa productivité, qui a augmenté de 35 % depuis 2009. Ce n’est pas non plus le manque de marchés preneurs de ses produits qui pose problème, car ses produits sont des produits de pointe, notamment dans les domaines qui ont un grand futur sur les marchés mondiaux, comme ceux de la construction efficace en énergie, de la conception de processus de production durables, et de la production de voitures et de navires à faible consommation en énergie ou de réseaux électriques intelligents. Le problème central, ce n’est même pas le niveau des salaires, mais, et c’est là la thèse de Claude Turmes, c’est l’accès aux capitaux, au crédit. Bref, l’Europe a le leadership technologique, mais, faute de capitaux, elle laisse l’avantage commercial aux autres, aux USA et à la Chine, où l’accès aux capitaux est autrement plus facile.
L’eurodéputé analyse ensuite les conséquences de cette situation. Les PME innovantes se voient coupées de l’accès aux capitaux. Les banques sont hésitantes et les gouvernements ne peuvent aider vu les règles de concurrence "trop rigides" de l’UE. Les entreprises craignent de prendre des risques. Les phases d’amortissement qu’elles prévoient ne s’étendent plus que sur un ou deux ans. Les investissements à long terme pour des lignes de production durables sont reportés. Entre 2008 et 2011, affirme Claude Turmes, les investissements dans l’industrie ont reculé de 2,5 %, ce qui est pour lui "le signe dramatique d’un retard".
Dans une telle situation, les propositions que la Commission a présentées le 10 octobre 2012 pour réindustrialiser l’Europe risquent de faire chou blanc si l’investissement à long terme n’est pas mis en avant. Pour le faciliter, il y a les banques publiques et la BEI, dont il a été décidé d’augmenter le capital de 10 milliards d’euros en juin 2012. Mais cette décision n’a pas encore été mise en œuvre, alors que si elle l’était rapidement, elle permettrait à la BEI de prêter jusqu’à 75 milliards supplémentaires dès 2013. Claude Turmes suggère par ailleurs que les moyens financiers alloués dans le cadre du budget de l’UE au programme d’infrastructures "Connecting Europe facility" ou mécanisme pour l’interconnexion de l’Europe soient utilisées comme instrument de garantie pour la BEI. Cela permettrait de faire passer son volume de crédits à allouer de 75 à 100 milliards.
Pour Claude Turmes, une telle démarche va de pair avec une allocation plus sélective, contrôlée et intelligente des moyens financiers publics. L’eurodéputé croit déceler chez les Etats membres, et donc au Conseil, où ils se réunissent, une réticence profonde à l’idée d’abandonner le contrôle sur la distribution des moyens financiers de l’UE. Lui, plaide pour une Commission qui serait un arbitre avec droit de sanctions, afin de prévenir des affectations de fonds européens qui ne seraient plus liées à leur objectif initial ou qui seraient de nature clientéliste voire mafieuse dans certains pays. Les fonds structurels de l’UE devraient selon lui à des investissements dans le futur, dans l’énergie, les infrastructures, la recherche et la formation. C’est pour lui le prix à payer pour que l’industrie européenne ait un avenir.