La Commission européenne a présenté le 18 décembre 2012 son rapport sur la viabilité budgétaire 2012, un document détaillé élaboré par la DG Affaires économiques et financières qui analyse la viabilité des finances publiques des Etats membres. Une analyse qui est menée à la lumière du dernier rapport sur le vieillissement et de l’impact de la crise financière, économique et budgétaire.
Pour la Commission, il est crucial d’analyser les perspectives d’évolution de la dette souveraine et les risques qui portent sur la viabilité des finances publiques à un moment où les pays de la zone euro et de l’UE doivent apporter les réponses appropriées et restaurer la confiance. Son credo est en effet que les hauts niveaux de dettes publiques et/ou les déficits budgétaires importants doivent être réglés de façon déterminée pour assurer la stabilité des finances publiques, avec le risque, si ce n’est pas fait à temps, que des ajustements politiques forts et soudains soient nécessaires à un moment donné.
Le rapport se base sur une série d’indicateurs chiffrés de la viabilité budgétaire, sur des projections en matière de dette, ainsi que sur des facteurs pouvant affecter la viabilité des finances publiques. Il identifie notamment les défis auxquels doivent faire face les différents Etat membres à la lumière d’une analyse à la fois quantitative et qualitative.
Au-delà du court terme, la détérioration des finances publiques, l’augmentation de la dette souveraine depuis 2008 et le vieillissement démographique font que la viabilité budgétaire est un vrai défi politique, note la Commission. Ainsi, malgré les politiques d’ajustement tant budgétaires que structurelles qui sont menées, les services de la Commission s’attendent à ce que la dette reste très élevée durant la décennie à venir. Et comme la pression budgétaire exercée par le vieillissement de la population va se faire sentir plus nettement au milieu des années 2020’, la dette pourrait continuer à augmenter, prévoient les auteurs du rapport.
La Commission relève toutefois que le rapport montre qu’en prenant ou poursuivant des mesures qui visent à améliorer la situation budgétaire de façon graduelle et déterminée et à atteindre les objectifs budgétaires à moyen terme que les Etats membres se sont fixés, la dette souveraine pourrait connaître une nette tendance à la baisse dans l’UE. Elle pourrait tomber en deçà du seuil des 60 % du PIB d’ici 2030. Mais pour cela, souligne la Commission, il convient de s’en tenir strictement aux règles budgétaires et prendre des mesures structurelles pour maintenir à des niveaux soutenables les dépenses sociales (entitlement spending). En renforçant la crédibilité de l’action des gouvernements, les réformes pourraient, dans une certaine mesure, redonner de la marge budgétaire à court terme, estime en effet la Commission.
Différentes déclarations faites au Luxembourg (la dernière en date, de la bouche d'Alex Bodry, remontant au débat sur le budget 2013 qui s'est tenu à la Chambre le 13 décembre dernier) sur la difficulté qu’il y aura à atteindre l’objectif budgétaire à moyen terme donnent à penser toutefois, surtout lorsqu’on constate que le Grand-Duché ne fait pas face à des risques budgétaires particuliers à court terme.
C’est ce que relève dans un premier temps la fiche synthétisant l’évaluation qui est faite de la situation budgétaire luxembourgeoise dans le rapport. En effet, l’indicateur qui permet de mesurer les risques budgétaires à un an ne montre pas de valeurs critiques. Selon les prévisions, la dette publique luxembourgeoise devrait atteindre 26,9 % en 2014, alors qu’elle était de 18,3 % en 2011, et le solde primaire structurel devrait se détériorer, passant d’un excédent de 0,6 % du PIB en 2011 à un déficit de 0,4 % en 2014. Le ratio de la dette sera donc loin du seuil de 60 % du PIB et de la moyenne de l’UE, qui sera de l’ordre de 88,8 % du PIB.
En revanche, l’analyse de la viabilité budgétaire à long terme est autrement plus critique. Comme un écho aux mises en gardes faites par la BCL notamment. A plus long terme et à politique égale, la dette pourrait atteindre 30,8 % du PIB en 2020 et 65,5 % en 2030. En se basant sur les prévisions d’automne de la Commission et sur l’augmentation des dépenses liées à l’âge, et plus spécifiquement au vieillissement, calculée dans le rapport sur le vieillissement du mois de mai dernier, il apparaît qu’à long terme le Luxembourg affiche un écart de viabilité de l’ordre de 9,7 % du PIB, un chiffre record dans l’UE, où la moyenne est de l’ordre de 2,7 %. La notion d’écart de viabilité ressort d’un indicateur qui détermine dans quelle mesure il faudrait ajuster les taxes ou les dépenses, maintenant et de manière durable, pour faire en sorte que la dette publique reste dans des limites acceptables tout au long de la période de projection.
Les analystes de la Commission expliquent que cet écart de viabilité témoigne notamment du coût très élevé du vieillissement à long terme, chiffré à plus de 8,5 % du PIB, en raison d’une augmentation du coût des pensions (+6,4 %), des soins de santé et des soins de longue durée (+2,1 %). Qui plus est, la situation budgétaire de départ (qui correspond à l'ajustement nécessaire pour stabiliser le ratio de la dette) prise en compte, à savoir fin 2014 selon les prévisions, est positive, de l’ordre de 1,2 %, ce qui reflète, expliquent les analystes, une situation plutôt défavorable. Les risques seraient amoindris si le solde structurel primaire dépassait les prévisions pour 2014 et atteignait le niveau moyen qu’il avait sur la période 1998-2012, précise la Commission qui prévoit que, dans un tel cas, le risque à moyen terme serait faible. Mais le risque à long terme n’en resterait pas moins très élevé.
Les prévisions portant sur le système de pension luxembourgeois révèlent la plus forte hausse de dépenses d’ici 2060, rappelle en effet la Commission qui se base sur les chiffres du rapport sur le vieillissement, ce qui est essentiellement lié à la détérioration du ratio de dépendance entre pensionnés et contributeurs. Résultat, le défi en termes de viabilité budgétaire est "relativement haut à long terme", constatent les auteurs du rapport.
Si la réforme du système de pension qui vient tout juste d’être votée aidera à réduire la charge financière, la Commission reste d’avis, comme elle l’avait signifié dans ses recommandations adressées au Luxembourg dans le cadre du semestre européen, qu’il faudra la compléter par des mesures additionnelles visant à réduire les départs à la retraite anticipés et à augmenter l’âge effectif de départ à la retraite, et ce y compris en adaptant l’âge légal de départ à la retraite, qui est actuellement de 65 ans, aux évolutions du niveau d’espérance de vie. Car si le bas taux d’endettement actuel et les actifs accumulés par le gouvernement permettent au système de pension luxembourgeois de continuer à s’ajuster de façon à réduire les risques de viabilité, ils ne constituent pas une garantie suffisante en termes de viabilité à long terme, relève la Commission. En 2009, la Commission estimait encore que le risque lié à l'augmentation des dépenses liées au vieillissement au Luxembourg était "compensé par une dette actuellement faible et par les actifs financiers substantiels de l'Etat".
La Commission observe toutefois que, comparé au rapport sur la viabilité budgétaire de 2009, l’écart de viabilité à long terme du Luxembourg s’est nettement réduit : il était alors de 12,5 % du PIB. C’est là le fruit d’une réduction de 4,4 % des coûts à long terme du vieillissement dont les effets ont été toutefois en partie limités en raison de la détérioration de la situation budgétaire initiale.