Le 6 décembre 2012 à Bruxelles se tenait le Conseil Emploi, Politique sociale, Santé et Consommateurs (EPSCO). Les ministres y ont d'abord débattu de l'Examen annuel de la croissance pour 2013 présenté par la Commission le 28 novembre 2012.
En amont du Conseil européen des 13 et 14 décembre 2012 qui doit décider d'un renforcement de l'Union économique et monétaire (UEM), plusieurs ministres ont lancé une mise en garde contre le délaissement de la dimension sociale dans la gouvernance économique. Le ministre luxembourgeois du Travail, Nicolas Schmit, était de ceux-là. Il a défendu la nécessité de la "création d'u pilier social dans la gouvernance économique", comme le rapporte la correspondante du Tageblatt à Bruxelles, Marisandra Orzolins, dans un article paru le 7 décembre 2012.
Nicolas Schmit juge l'analyse de Herman Van Rompuy exposée dans le texte qu’il a dévoilé le même jour sur l’UEM "impitoyable". Certes, le document mentionne la "protection du modèle européen de la cohésion sociale", mais il ne s'attarde pas plus sur ce point. Il manque au texte "les valeurs sociales de l'Europe". Et cette lacune serait d'autant plus regrettable qu'elle entraînerait une "chute libre" de la sympathie des citoyens envers l'Europe.
Le chômage global qui atteint des niveaux record, le chômage croissant des jeunes, l'augmentation de la pauvreté et de l'exclusion sociale sont des problèmes qui devraient être combattus avec les objectifs de la stratégie Europe 2020, pense Nicolas Schmit. Or, c'est le contraire qui se passerait. "La crédibilité de l'Europe est en jeu sur sa capacité à changer de cap", a ainsi déclaré le ministre au Tageblatt. L'UE a besoin de réformes pour consolider ses finances, mais aussi d'une "croissance intelligente pour la création d'emplois décents".
Les collègues sociaux-démocrates français, belge et autrichien de Nicolas Schmit, mais aussi la ministre allemande démocrate-chrétienne, Ursula von der Leyen, défendent les mêmes positions. Les cinq Etats membres envisagent de formaliser leur position dans une missive à adressée au président du Conseil européen, Herman Van Rompuy.
Nicolas Schmit souhaite par ailleurs porter le débat au Luxembourg, qu'il juge "trop silencieux" à ce sujet. Il a fait part au Tageblatt de sa volonté d'évoquer ce point au conseil de gouvernement du 7 décembre 2012 et de "défendre l'Europe sociale comme pilier de la gouvernance économique dans l'UE et en particulier dans la zone euro".
Durant le Conseil EPSCO, Nicolas Schmit aura toutefois salué les propositions "courageuses" du Commissaire, László Andor sur l'introduction d'une garantie Jeunes.
Le Conseil s'est aussi penché sur une proposition qui intéresse directement le Luxembourg, à savoir la modification de la directive sur le détachement, datant de 1996. Cette initiative s'inscrit dans le cadre des 12 propositions prioritaires avancées par l'Acte pour le marché unique. La proposition de la Commission doit notamment combattre les abus "de compagnies boîte aux lettres, artificiellement établies à l'étranger pour profiter de niveaux inférieurs de protection du travail et de sécurité sociale", lit-on dans le communiqué de presse publié à l'issue du Conseil.
Dans le cadre des questions au gouvernement, le 4 décembre 2012, à la Chambre des députés, Nicolas Schmit avait évoqué l'imminence de ce débat au Conseil et son souhait que le directive soit modifiée dans le sens d'une responsabilisation des entreprises générales faisant appel à des sous-traitants dans le domaine de la construction afin d'éviter le dumping social.
Cette idée d'un système de responsabilité solidaire des entrepreneurs et de leurs sous-traitants était l'un des deux aspects de la directive abordés par ce Conseil. Des Etats membres veulent supprimer cette possibilité de la proposition, "expliquant que seul un petit nombre de pays a un tel système de responsabilité solidaire des commettants et des entrepreneurs et que son introduction à l'échelle européenne pourrait instaurer des barrières pour la fourniture transfrontalière de services", lit-on dans le communiqué de la présidence. Face au Tageblatt, Nicolas Schmit a souligné la volonté de nombreuses délégations de supprimer cette disposition. Toutefois, la possibilité de laisser chaque Etat membre la liberté d'introduire ce type de responsabilité a été aussi envisagée.
Le deuxième point de la directive à l'ordre du jour concerne l'élargissement de la liste des contrôles nationaux possibles. Le Luxembourg défend notamment l'idée d'une "liste ouverte" de possibilités de contrôles offertes aux Etats membres, comme la proposition de la Commission européenne l'entrevoit et comme les partenaires sociaux européens du secteur de la construction le revendiquent. Toutefois, d'autres Etats européens veulent au contraire limiter cette liste de contrôles possibles.
Dans le cadre du Programme d'action de Pékin fixé en 1995, le Conseil a adopté ses conclusions sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes. Il y est souligné que "la violence envers les femmes est une manifestation des rapports de force historiquement inégaux entre les hommes et les femmes; elle est à la fois la cause et la conséquence de l'inégalité entre les sexes".
"Le Conseil souligne que la violence contre les femmes doit être condamnée comme une violation des droits de l'homme", lit-on dans le communiqué de presse. "La coutume, la tradition, la culture, la vie privée, la religion ou le prétendu 'honneur'" ne sauraient la justifier.
Le Conseil appelle ainsi à une "action plus déterminée" dans la mise en place de services d'aide aux victimes de violences domestiques. Il insiste notamment sur le rôle central du système éducatif et l'importance de la prise en compte du rôle des hommes dans toutes les mesures prises pour combattre le phénomène.
Le Conseil suggère par ailleurs la création d'un service d'aide européen pour les victimes de violence à l'égard des femmes et la désignation de l'année 2015 comme l'année européenne de la tolérance zéro à l'égard de la violence faite aux femmes.
Le Conseil a également discuté du Fonds européen d'ajustement à la globalisation que la Commission propose d'élargir aux licenciements fondés sur "des perturbations économiques sérieuses dues à une crise inattendue" ou encore aux cultivateurs qui doivent "ajuster ou changer leur activité en raison des accords internationaux sur le commerce agricole". Plusieurs délégations contestent une telle extension du système, tandis que certains Etats membres ont suggéré de ne pas reconduire cet instrument dans le Cadre financier pluriannuel 2014-20.
Une même tentation d'abandonner se manifeste chez quelques Etats membres pour ce qui est de la proposition de directive sur l'égalité de traitement qui veut rendre hors la loi toute discrimination sur la base de la croyance ou de la religion, de l'âge et de l'orientation sexuelles, dans des domaines qui ne sont pas ceux du marché du travail. Cette proposition date déjà de 2008 et plusieurs Etats membres ont suggéré son abandon au vu de la lenteur de l'avancée des travaux, tandis que d'autres pensent qu'elle empiète sur la compétence des Etats.