La Commission européenne a proposé le 5 décembre 2012 des mesures pour aider les États membres à lutter contre les niveaux inacceptables de chômage et d’exclusion sociale des jeunes en assurant à ceux-ci des offres d’emploi, d’enseignement ou de formation.
"Le taux élevé de chômage des jeunes a des conséquences dramatiques pour nos économies, nos sociétés et surtout pour les jeunes. C’est pourquoi nous devons investir dans les jeunes Européens dès maintenant, a déclaré le commissaire européen chargé de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion, László Andor. Ce train de mesures aiderait les États membres à faire en sorte que les jeunes réussissent leur entrée dans le monde du travail. Le coût de l’inaction serait catastrophique."
Donnant suite aux demandes du Conseil européen et du Parlement européen, la Commission a inclus dans son "Paquet emploi jeunes" une proposition de recommandation aux États membres concernant l’introduction d’une Garantie pour la jeunesse. Celle-ci vise à ce que tous les jeunes jusqu’à l’âge de 25 ans se voient proposer une offre de qualité portant sur un emploi, un complément de formation, un apprentissage ou un stage dans les quatre mois suivant leur sortie de l’enseignement formelle ou la perte de leur emploi.
La recommandation proposée appelle les États membres à établir des partenariats solides avec des parties prenantes, à assurer l’intervention à un stade précoce des services de l’emploi et d’autres partenaires qui soutiennent les jeunes, à prendre des mesures d’aide à l’insertion professionnelle, à tirer pleinement parti du Fonds social européen et des autres fonds structurels à cette fin, à évaluer et à améliorer constamment les dispositifs de Garantie pour la jeunesse et à les mettre en œuvre dans les meilleurs délais.
La Commission soutiendra les États membres, à l’aide des fonds de l’UE, dont le Fonds social européen, en encourageant les échanges de bonnes pratiques entre États membres, en suivant la mise en œuvre des Garanties pour la jeunesse dans le contexte du semestre européen et en menant des campagnes de sensibilisation.
Pour faciliter le passage de l’école au monde du travail, le Paquet comporte également un document de consultation des partenaires sociaux européens sur un cadre de qualité pour les stages, le but étant que les jeunes puissent acquérir une expérience de travail de qualité dans des conditions sûres.
En outre, une Alliance européenne pour l’apprentissage est annoncée, qui a pour objectif d’améliorer l’offre et la qualité des apprentissages disponibles en diffusant les dispositifs qui ont fait leurs preuves dans ce domaine dans tous les États membres, et des pistes sont ébauchées pour réduire les obstacles à la mobilité des jeunes.
Quelque 5,5 millions de jeunes présents sur le marché du travail (soit plus d’un sur cinq) n’arrivent pas à trouver un emploi et 7,5 millions de jeunes âgés de 15 à 24 ans ne travaillent pas et ne suivent ni études ni formation (on les désigne par l’acronyme anglais "NEET"). L’impossibilité pour les jeunes de trouver du travail entraîne un coût économique qui, selon les estimations d'Eurofound, s'élève à plus de 150 milliards d’euros par an, soit 1,2 % du PIB de l’Union européenne. Pour des pays tels que la Bulgarie, Chypre, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Italie, la Lettonie et la Pologne, ce coût est supérieur ou égal à 2 % de leur PIB. Les coûts budgétaires de la Garantie pour la jeunesse proposée par le Paquet seront largement compensés par le fait que ces coûts économiques seront évités aujourd’hui et demain.
Le taux de chômage des jeunes a franchi la barre des 25 % dans 13 États membres; il dépasse les 55 % en Grèce et en Espagne, et s’établit à environ 30% ou plus en Italie, en Irlande, en Bulgarie, à Chypre, en Lettonie, en Hongrie et en Slovaquie. Plus de 30 % des chômeurs de moins de 25 ans sont sans emploi depuis plus de 12 mois: ils étaient 1,6 million en 2011, contre 0,9 million en 2008. Au Luxembourg, le taux de chômage des jeunes s’est élevé selon Eurostat à 18,6 % en octobre 2012, contre 17,6 % un an auparavant.
Le taux d’emploi global des jeunes a chuté de près de cinq points de pourcentage au cours des quatre dernières années, soit un recul trois fois plus important que celui des adultes. Les chances pour un jeune chômeur de trouver un emploi sont faibles: seules 29,7 % des personnes âgées de 15 à 24 ans et au chômage en 2010 ont trouvé un emploi en 2011, ce qui représente une chute de près de 10 % en trois ans.
Les jeunes sont les plus menacés sur le marché européen de l’emploi, et leur risque de marginalisation ne cesse de croître. Cette situation a des conséquences dans l’immédiat, mais aussi à moyen et long terme. La crise du marché de l’emploi, qui va en s’aggravant, risque de laisser des traces pour une grande partie d’une génération entière de jeunes, avec des effets délétères actuels et futurs sur l’emploi, la productivité et la cohésion sociale.
Les mesures proposées dans le "Paquet emploi jeunes" s’appuient sur l’action de l’"Initiative sur les perspectives d'emploi des jeunes", lancée en décembre 2011. Avec l’aide des équipes d’action de la Commission, les huit États membres ayant les taux de chômage des jeunes les plus élevés réaffectent les fonds structurels de l’UE en vue de stimuler l’emploi des jeunes, d’élaborer des plans pour l’emploi des jeunes et de renforcer les programmes d’enseignement et de formation.
Pour lutter contre le chômage des jeunes, la Commission s’appuie aussi sur d’autres instruments d’action, tels que les recommandations spécifiques par pays. En juillet 2012, presque tous les États membres de l’UE ont reçu des recommandations visant à améliorer la situation des jeunes, dont le Luxembourg. Adoptées par le Conseil des ministres de l’UE sur la base des propositions de la Commission, les recommandations par pays sont un instrument de coordination destiné à renforcer la gouvernance ainsi que la coordination des politiques économiques au niveau de l’UE dans le contexte de la stratégie Europe 2020.
En décembre 2012, la Commission recommande maintenant à tous les Etats membres "de poursuivre les efforts visant à réduire le chômage des jeunes en renforçant l’implication des parties prenantes et en renforçant les mesures d’éducation et de formation, et ce notamment pour ceux qui ont de bas niveaux d’éducation. L’objectif est de faire en sorte que les compétences et qualifications des jeunes répondent mieux à la demande sur le marché du travail."
L’examen annuel de la croissance pour 2013 marque le début du semestre européen 2013. Là aussi, il est souligné que les États membres devraient déployer davantage d’efforts pour lutter contre le chômage, améliorer l’employabilité et soutenir l’insertion professionnelle ou le retour à l’emploi des jeunes.
En ce qui concerne le Luxembourg, la Commission avait observé des progrès dans la lutte contre le chômage des jeunes, mais aussi souligné la nécessité d’une stratégie cohérente, d’une plus forte collaboration avec les municipalités, d’une meilleure utilisation des services de l’emploi et de plus grands investissements dans l’éducation et la formation. Elle avait souligné le caractère structurel du chômage des jeunes et demandé des politiques actives du marché du travail. Car au Luxembourg, le taux de chômage des jeunes est plus de trois fois supérieur au taux de chômage général qui tourne autour de 6 %, alors que dans les pays qui ont un taux de chômage similaire, le taux de chômage des jeunes ne dépasse pas le double du taux général.
La Commission avait toutefois observé que le ratio du chômage des jeunes, à savoir la part de chômeurs dans la population âgée de 15 à 24 ans - en septembre 2012, 2078 jeunes entre 15 et 24 ans étaient touchés par le chômage - est très bas au Luxembourg du fait de la faible proportion de jeunes actifs.
La Commission avait ensuite noté que des mesures pertinentes et crédibles avaient été prises pour lutter contre le chômage des jeunes, mais elle constate aussi que les jeunes gens continuent de manquer de soutien leur facilitant l’intégration sur le marché de l’emploi. Au regard des performances relativement faibles du système d’éducation luxembourgeois, la Commission avait ensuite estimé que certains élèves pourraient gagner à se concentrer sur un nombre limité de langues afin de pouvoir terminer leurs études et de se concentrer sur les sciences ou la formation professionnelle.
En marge du Conseil EPSCO qui se tenait le 6 décembre à Bruxelles, le ministre du Travail et de l'Emploi, Nicolas Schmit, qui avait lui même promu l'idée de garantie pour les jeunes, a salué les "propositions courageuses" du commissaire Laszlo Andor. Pour lui, le commissaire a repris les propositions élaborées en juin 2012 par un groupe de travail des socialistes européens qu'il avait lui-même dirigé.
L’eurodéputé Claude Turmes a de son côté revendiqué pour les Verts européens la paternité de l’idée de garantie pour la jeunesse et salue la recommandation de la Commission comme un progrès. Mais il met en avant la responsabilité politique et financière des Etats membres sur ce dossier, car les compétences de la Commission sont ici réduites. Claude Turmes estime le coût de l’introduction d’une Garantie pour la jeunesse à 21 milliards d’euros pour toute l’UE. Il recommande que les Etats membres recourent pour le cofinancement de leurs mesures aux fonds structurels et aux fonds sociaux, dont le FSE, qui devrait, selon les Verts, se focaliser sur la question du chômage des jeunes. En même temps, il demande à la Commission d’inclure la Garantie des jeunes dans leurs recommandations pays par pays et d’exiger qu’ils justifient le cas échéant leur inaction sur le dossier du chômage des jeunes.
Claude Turmes souligne, pour conclure, que le gouvernement luxembourgeois a d’ores et déjà annoncé l'introduction d'une garantie pour les jeunes. Mais il rappelle aussi les recommandations adressées en juillet 2012 au Luxembourg sur la nécessité d’une stratégie cohérente et sur une meilleure coopération entre les municipalités et l’Etat.
Le département des jeunes de l’OGBL a réagi aux propositions de la Commission et se demande "quand la situation de l’emploi des jeunes s’améliorera au Luxembourg".
Les contrats d’insertion pour jeunes chômeurs (CIE, CA) ont récemment été prolongés par le gouvernement. Mais la décision a été prise sur base d’une étude du Ceps/Instead-Studie qui, selon les jeunes de l’OGBL, "ne se base que sur du matériel statistique brut sans prendre en considération l’aspect qualitatif", à leur "grand mécontentement", car cela permettrait selon eux d’éluder une "vaste discussion politique sur l’emploi des jeunes et des générations futures".
Le Département des jeunes de l’OGBL est par ailleurs "préoccupé par l’évolution générale qui fait des contrats à durée déterminée et des emplois précaires une règle pour les jeunes". Sont-ce "des tremplins vers des emplois fixes" ou bien s’agit-t-il d’asservir les jeunes salariés "en les bloquant dans des périodes d’emploi à durée déterminée alternant avec des phases de chômage"?
Le Département des jeunes de l’OGBL demande ainsi au ministre du Travail et de l’Emploi "de dresser enfin un bilan complet de la situation des jeunes sur le marché de l’emploi et d’élaborer, sur base de celui-ci, un plan d’action national pour l’emploi des jeunes. Son objectif : que le gouvernement veille davantage à la création d’emplois de meilleure qualité afin d’éviter que les jeunes ne tombent dans la précarité générée par une succession d’emplois temporaires.
Quant à la garantie d’emploi, d’apprentissage ou de stage pour les jeunes, recommandée par la Commission, les jeunes de l’OGBL soulignent qu’elle "ne prévoit pas de sanctions car il ne s’agit que d’une recommandation" et que "l’UE n’a pas encore précisé le genre d’emploi à garantir". Ils craignent que "les jeunes soient envoyés d’une mesure à l’autre sans que leur situation n’évolue réellement".