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Economie, finances et monnaie - Traités et Affaires institutionnelles
Selon le Conseil d’Etat, le pacte budgétaire devra être ratifié à la majorité des deux tiers, car les mécanismes qu’il prévoit interviennent dans les processus décisionnels des pouvoirs législatif et exécutif
08-01-2013


Le logo du Conseil d'EtatLe Conseil d’Etat a publié le 21 décembre 2012 son avis sur le projet de loi sur la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, le TSCG ou pacte budgétaire.

Ce traité, qui vise à renforcer la discipline budgétaire dans la zone euro grâce à la "règle relative à l'équilibre budgétaire" et au mécanisme de correction automatique, est entré en vigueur le 1er janvier 2013, à la suite de sa ratification par la Finlande, douzième pays membre de la zone euro à l’avoir ratifié et à avoir déposé son instrument de ratification le 21 décembre 2012. La Chambre des députés du Luxembourg devrait ratifier le TSCG au cours du premier semestre 2013.

Le contenu du TSCG

Le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (aussi connu sous le nom de "pacte budgétaire") est un accord international juridiquement contraignant ouvert aux pays de l'UE qui ne l'ont pas signé d'emblée.

Le traité a été élaboré après que les dirigeants de la zone euro ont décidé, en décembre 2011, que des mesures plus énergiques étaient indispensables pour renforcer la stabilité de la zone euro. Il a été signé le 2 mars 2012 par 25 pays de l'UE.

L'objectif est de l'intégrer dès que possible dans les traités UE existants. Les mesures nécessaires à cet effet devraient être prises dans les cinq prochaines années.

Limitation des déficits - la règle relative à l'équilibre budgétaire

Le nouveau traité impose que les budgets nationaux des États membres participants soient en équilibre ou en excédent. Cet objectif sera considéré comme respecté si le déficit structurel annuel des administrations publiques n'excède pas 0,5 % du PIB nominal.

En outre, le déficit doit être conforme au montant de référence spécifique minimum propre à chaque pays permettant d'assurer la viabilité à long terme. Ce montant est fixé dans le cadre du volet préventif du pacte de stabilité et de croissance. La trajectoire d'ajustement suivie pour atteindre cet objectif est évaluée chaque année dans le contexte du semestre européen.

Il n'est permis de s'écarter temporairement de cette "règle relative à l'équilibre budgétaire" que dans des circonstances économiques exceptionnelles, par exemple en cas de grave récession économique. Si la dette publique est sensiblement inférieure à la valeur de référence de 60 % du PIB, la limite pour le déficit peut être fixée à 1 % du PIB.

Mécanisme de correction automatique

Si un État membre s'écarte de la règle relative à l'équilibre budgétaire, un mécanisme de correction automatique sera déclenché. L'État membre concerné devra corriger les écarts dans un délai déterminé.

Ce mécanisme respecte selon ses auteurs pleinement les prérogatives des parlements nationaux.

Transposition des règles dans la législation nationale

Les États membres devront intégrer l'exigence de discipline budgétaire ainsi que le mécanisme de correction automatique dans leur ordre juridique interne, de préférence au niveau constitutionnel.

Le délai pour y procéder est d'un an au plus tard après l'entrée en vigueur du traité (c'est-à-dire pour le 1er janvier 2014).

Cour de justice de l'UE

Si un État membre ne transpose pas la "règle d'équilibre budgétaire" ainsi que le mécanisme de correction dans le délai prévu, la Cour de justice de l'UE sera compétente pour statuer.

L'arrêt de la Cour sera contraignant et, si l'État membre concerné ne s'y conforme pas, pourra être suivi d'une astreinte pouvant aller jusqu'à 0,1 % du PIB.

Cette astreinte devra être versée au mécanisme européen de stabilité si la monnaie du pays concerné est l'euro et, si tel n'est pas le cas, au budget général de l'UE.

Modification de la procédure concernant les déficits excessifs

La prise de décision dans le cadre de la procédure concernant les déficits excessifs sera plus automatique qu'elle ne l'est à présent, les États membres de la zone euro ayant consenti à appuyer les propositions ou recommandations d'actes du Conseil soumises par la Commission, à moins qu'une majorité qualifiée d'entre eux s'y opposent.

En outre, un État membre qui fait l'objet d'une procédure concernant les déficits excessifs devra mettre en place un "programme de partenariat budgétaire et économique".

Ce programme comprendra une description détaillée des réformes structurelles que l'État membre devra mettre en œuvre pour assurer une correction effective et durable de son déficit excessif.

Ces programmes seront soumis au Conseil et à la Commission pour approbation. Leur application fera l'objet d'un suivi selon les règles prévues dans le cadre du pacte de stabilité et de croissance.

Coordination approfondie

Les États membres parties au traité communiqueront leurs plans nationaux d'émission de dette publique à la Commission européenne et au Conseil. En outre, ils engageront des discussions et, au besoin, se concerteront à l'avance, entre eux et avec les institutions de l'UE, sur toutes les grandes réformes économiques qu'ils envisagent d'entreprendre.

Gouvernance dans la zone euro

Les chefs d'État ou de gouvernement des États membres de la zone euro se réunissent au moins deux fois par an pour un "sommet de la zone euro", avec la Commission européenne.

Ils élisent le président du sommet à la majorité simple. Le président de la Banque centrale européenne assiste aux sommets de la zone euro; en outre, le président du Parlement européen peut y être invité.

Au besoin et au moins une fois par an, les dirigeants des États non membres de la zone euro qui ont ratifié le traité participent également à ces sommets.

Coopération entre les parlements

Le Parlement européen et les parlements nationaux des États membres participant coopéreront sur les questions relatives aux politiques budgétaires et d'autres questions relevant du traité.

À cet effet, ils créeront une instance réunissant les représentants des commissions concernées du Parlement européen et des parlements nationaux. Cette instance organe décide lui-même de sa propre organisation.

L’avis du Conseil d’Etat

Pour le Conseil d’Etat, le projet de loi qui porte sur la ratification du TSCG soulève deux questions :

  1. L’adoption de la loi d’approbation du TSCG et sa ratification exigent-elles une modification préalable de la Constitution au motif que le TSCG comporterait des dispositions en contradiction avec celle-ci ?
  2. L’adoption de la loi d’approbation du TSCG implique-t-elle une dévolution d’attributions des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire à des institutions de droit international au sens de l’article 49bis de la Constitution (« L’exercice d’attributions réservées par la Constitution aux pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire peut être temporairement dévolu par traité à des institutions de droit international. ») et doit-elle dès lors intervenir, en vertu de l’article 37, à la majorité qualifiée prévue à l’article 114, alinéa 2, c’est-à-dire une majorité des deux tiers ?

Le Conseil d’Etat estime que ces questions se posent concrètement par rapport au pouvoir budgétaire de la Chambre des députés, au niveau de son obligation de respecter la règle de l’équilibre budgétaire, de l’instauration d’un mécanisme automatique de correction et d’une nouvelle institution de contrôle ainsi que de la mise en cause du principe de l’annualité du budget. Et il rappelle que "l’adoption du budget est considérée comme une des prérogatives essentielles de tout Parlement et l’instrument de contrôle le plus efficace sur le Gouvernement."

Faut-il changer la Constitution avant d’adopter le pacte budgétaire ?

Le Conseil d’Etat relève que l’introduction dans le droit de l’Union européenne de l’objectif budgétaire à moyen terme ainsi que du mécanisme de la trajectoire d’ajustement a été opérée par le règlement (CE) n° 1466/97. La fixation chiffrée de l’objectif à moyen terme spécifique à une valeur comprise entre -1 % du PIB et l’équilibre a été opérée par voie du règlement (CE) n° 1055/2005. Ces règlements sont fondés sur des dispositions relatives à l’Union économique et monétaire introduites dans ce qui était à l’époque le TCE par le Traité de Maastricht. Le renforcement de ces mécanismes par le TSCG ne modifie pas fondamentalement la situation des Etats membres.

L’article 104 de la Constitution dispose que "chaque année la Chambre arrête la loi des comptes et vote le budget". Mais d’un autre côté, les mécanismes de l’objectif budgétaire à moyen terme ainsi que de la trajectoire d’ajustement contenus dans le TSCG s’inscrivent dans une logique pluriannuelle de gestion des finances publiques. Le Conseil d’Etat estime néanmoins que "le respect par le Luxembourg de ces mécanismes et l’adoption d’instruments nationaux de réalisation des critères fixés par le TSCG ne sont toutefois pas en contradiction avec l’article 104 de la Constitution". La Chambre des députés continuera en effet à voter annuellement le budget tout en respectant les règles à portée pluriannuelle du TSCG. Par ailleurs, le mécanisme n’aboutit pas à fixer des plafonds pour les dépenses budgétaires, le seul critère déterminant étant le rapport entre les dépenses et les recettes de l’année budgétaire.

L’introduction en droit national de la règle de l’équilibre budgétaire, exigée à l’article 3, paragraphe 2 du TSCG, ne requiert pas davantage, estime le Conseil d’Etat, une modification préalable de la Constitution. L’obligation juridique du Luxembourg, comme Etat membre de l’Union européenne, de respecter la règle de l’équilibre constitue d’abord et avant tout une obligation de nature internationale. Cette obligation lie le Luxembourg, qu’elle soit ou qu’elle ne soit pas transcrite en droit national. La situation après ratification du TSCG ne sera pas juridiquement différente de celle prévalant à la date du présent avis, dès lors que les contraintes d’équilibre budgétaire n’ont pas fondamentalement changé.

Le Conseil d’Etat souligne que le TSCG oblige les Etats contractants à inscrire la règle de l’équilibre budgétaire dans le droit national, mais qu’il leur laisse le choix entre une consécration constitutionnelle ou non de cette règle. Il n’est donc pas nécessaire de faire dépendre l’adoption de la loi de ratification du TSCG d’un ancrage constitutionnel de la règle de l’équilibre budgétaire. « Le traité peut parfaitement être approuvé à l’heure actuelle », dit clairement le Conseil d’Etat. La même chose vaut pour le mécanisme automatique de correction.

La ratification du TSCG implique-t-elle un transfert de compétences au sens de l’article 49bis de la Constitution luxembourgeoise ?

Les obligations relatives à la règle d’équilibre budgétaire du TSCG s’inscrivent dans l’engagement des Etats membres de l’Union européenne de coordonner leurs politiques économiques en application des articles 120 à 126 TFUE et n’impliquent pas un transfert nouveau d’attributions souveraines par rapport à celui déjà concédé au titre du Traité de Maastricht, pense le Conseil d’Etat.

La question se pose de savoir si la même analyse vaut pour l’introduction en droit national de la règle de l’équilibre budgétaire au moyen de dispositions contraignantes, l’introduction d’un mécanisme de correction et la mise sur pied d’une institution indépendante de contrôle au niveau national. Cette disposition, estime le Conseil d’Etat, ne peut pas être analysée indépendamment de l’article 8 qui prévoit un mécanisme supranational de contrôle et de sanction par la Cour de justice de l’Union européenne.

"Le moins que l’on puisse dire est que les dispositions de l’article 3, paragraphe 2 du TSCG (qui préconisent l’introduction en droit national de la règle de l’équilibre budgétaire au moyen de dispositions contraignantes, d’un mécanisme de correction et la mise sur pied d’une institution indépendante de contrôle au niveau national, ndlr) sont loin d’être claires", regrette le Conseil d’Etat. Il critique le fait que « l’indépendance » de l’institution de contrôle est énoncée "sans qu’on sache par rapport à quels organes étatiques elle doit être garantie, le Gouvernement ou le Parlement". Et d’exposer les paradoxes inhérents au texte : Les Etats doivent mettre en place le mécanisme de correction "sur la base de principes communs proposés par la Commission européenne" (des principes qui n’ont d’ailleurs pas encore été proposés, ndlr). Mais c’est aussi à eux d’en déterminer "le rôle". Par ailleurs, le Conseil d’Etat estime qu’"en toute logique", le contrôle du mécanisme de correction par des institutions indépendantes "viendra concurrencer le pouvoir budgétaire du Parlement ", même si "le texte du TSCG prend soin de préciser que ce mécanisme de correction respecte pleinement les prérogatives des parlements nationaux".

Pour le Conseil d’Etat, la solution du problème réside dans le fait que "l’instauration du mécanisme de correction automatique et d’institutions de contrôle indépendantes n’est que la traduction en droit national des engagements internationaux pris par les Etats" Et il ajoute une différence de taille : "La différence avec le droit international classique, voire avec le droit européen, est que la sanction des engagements internationaux doit être organisée au niveau national."  Reste que "la Chambre des députés devra décider, le moment venu, si la mise en place d’un tel mécanisme exige ou non des adaptations de dispositions techniques de la Constitution."

Pour le Conseil d’Etat, l’engagement de respecter la règle de l’équilibre budgétaire, même renforcée par rapport aux critères retenus dans le Traité de Maastricht, n’implique aucun nouveau transfert de compétences par rapport à celui opéré lors de la ratification de ce dernier traité. De même, la soumission du Luxembourg à un contrôle supranational de respect des engagements pris au titre du TSCG n’implique pas, en lui-même, un tel transfert.

La mise en place du mécanisme de correction automatique et la création d’institutions de vérification, combiné avec le droit de surveillance de la Commission et le droit de contrôle, de sanction et d’astreinte conféré à la Cour de justice, soulèvent la question de savoir s’il n’y pas là un transfert d’attributions des pouvoirs nationaux à des institutions au niveau international au sens de l’article 49bis de la Constitution.

Pour le Conseil d’Etat, le mécanisme de contrôle est complexe, mais il ne constitue pas un second mécanisme de recours pour déficit excessif qui reste lui régi par le seul TFUE. Trois acteurs interviennent : la Commission qui fait rapport, les autres parties contractantes qui pourraient saisir la CJUE et la Cour de justice européenne elle-même. Comme dans les recours en manquement d’Etat du TFUE, cette dernière rend un arrêt contraignant à l’égard de l’Etat objet de la procédure. Pour le Conseil d’Etat, "le mécanisme automatique de correction et l’institution d’organes de vérification indépendants sont régis par le droit national et il ne saurait, sur ce point, être question de dévolution d’attributions à des institutions internationales". Mais, constate-t-il ensuite, "au niveau du processus d’adoption du budget, ce système empiète à l’évidence sur les pouvoirs budgétaires de la Chambre des députés, voire du Gouvernement, auteur du projet de loi sur le budget des recettes et des dépenses de l’Etat et exécutant de celui-ci."  Et cela même si "le TSCG prend soin de réserver les prérogatives des parlements nationaux". Mais pour le Conseil d’Etat, cette clause de réserve "revêt une portée plus déclaratoire que normative".

Pour le Conseil d’Etat, ces futurs mécanismes aboutissent donc bien "à une modification des attributions au niveau d’organes qui continuent structurellement à relever de l’ordre juridique national". Au niveau "substantiel", "ces nouveaux mécanismes et organes exécutent le droit européen et sont en mesure de, voire destinés à intervenir dans le processus décisionnel des pouvoirs législatif et exécutif, au titre d’une mission de droit supranational". Il en conclut que la ratification du TSCG doit intervenir "dans le respect des règles de majorité prévues à l’article 114 de la Constitution", donc à la majorité des deux tiers des députés.

L’article 4 du TSCG qui impose aux Etats accusant une dette publique accumulée supérieure à 60 % du PIB de la réduire à un rythme d’un vingtième par an et les articles du TSCG qui imposent aux Etats une obligation de coopération avec le Conseil et la Commission ne se heurtent quant à eux à aucun article de la Constitution et n’impliquent pas davantage un transfert d’attributions qui viendrait s’ajouter à celui déjà consenti lors de la création de l’Union économique et monétaire.