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Par souci de transparence, l'EFSA publie les données qu'elle a utilisées pour procéder à l'évaluation du maïs transgénique NK603
14-01-2013


Le logo de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA)Le 14 janvier 2013, l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a publié, sur son site internet, toutes les données scientifiques sur le maïs transgénique NK603 de Monsanto. Cette décision est "une initiative majeure destinée à faciliter l'accès aux données pour renforcer la transparence dans l'évaluation des risques", selon les termes employés dans son communiqué de presse.

Cette décision n’est pas sans lien avec la controverse qui fait rage depuis la publication, le 19 septembre 2012, d'une étude menée par le professeur français, Eric Seralini, et son équipe du Comité de recherche et d'information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN). Observant la toxicité à long terme de ce maïs transgénique sur les rats, l'étude constatait que la consommation du maïs transgénique NK603, conçu par Monsanto pour résister aux herbicides, avait provoqué chez des rats de laboratoire de graves problèmes de santé et un taux de mortalité précoce. La nouveauté de cette étude résidait dans la durée du suivi, de deux ans, bien plus longue que les trois mois requis pour les études présentées par les industriels dans le cadre des demandes d’autorisation d’OGM.

Les réunions du comité scientifique et des groupes scientifiques de l'EFSA sont d'ores et déjà ouvertes à des observateurs externes

L'EFSA fait savoir que sa décision s'inscrit dans le cadre d'un "engagement continu (…) envers l'ouverture" et fait suite aux recommandations contenues dans une évaluation indépendante sur les performances de l'Autorité visant l'amélioration de la transparence dans ses processus décisionnels.

L'EFSA explique qu'elle a prévu un programme d'action qui se penchera "sur la façon et la mesure dans laquelle les données techniques utilisées dans les évaluations des risques pourraient être mises plus largement à la disposition de la communauté scientifique et des parties intéressées au sens large". "Grâce à ce programme, l'EFSA aidera les scientifiques issus de différents domaines d'expertise à développer la recherche de manière à enrichir, en fin de compte, le corpus de documentation scientifique et offrir ainsi de nouvelles perspectives précieuses pouvant être intégrées dans l'évaluation des risques. Cela renforcera encore les conclusions des évaluations destinées à protéger la santé publique et permettra aussi de consolider la confiance à l’égard des travaux de l’Autorité», a par ailleurs déclaré le directeur exécutif de l'agence, Catherine Geslain-Lanéelle.

Parmi les mesures inclues dans ce programme figurent notamment un avis du comité scientifique sur la transparence dans l'évaluation des risques ou encore la publication de la liste complète des études scientifiques et des données inédites sur l'aspartame utilisée lors de l’élaboration du projet d’avis actuellement présenté par l’Autorité. L'EFSA fait aussi savoir qu'elle a d'ores et déjà ouvert les réunions de son comité scientifique et de ses groupes scientifiques à des observateurs externes "de manière à promouvoir une meilleure compréhension de la façon dont l'évaluation scientifique des risques est réalisée".

Pour le Professeur Gilles-Eric Séralini, c'est une "demi-victoire, une première transparence"

En publiant ces données d'évaluation, l'EFSA accède aussi à une requête de Gilles-Eric Séralini. Début octobre, missionnée par la Commission européenne, l'EFSA avait déclaré que l'étude alarmante de son équipe était "d'une qualité scientifique insuffisante pour être considérée valide pour l'évaluation des risques" et invité ses auteurs à partager des informations supplémentaires, essentielles pour comprendre plus complètement l'étude. Gilles-Eric Séralini avait alors décliné cette invitation et s'en était ainsi justifié auprès de l'AFP : "Il est absolument scandaleux que l'EFSA garde secrètes les données qui lui ont permis d'évaluer" cet OGM et ce pesticide. "De toute façon, on ne leur donnera rien à eux. On mettra ça sur un site public quand eux l'auront fait".

Dans son évaluation finale publiée le 28 novembre 2012, l'EFSA avait confirmé son avis selon lequel les conclusions des auteurs ne pouvaient pas être considérées comme étant scientifiquement fondées. Elle citait également les évaluations réalisées par les organismes compétents de six États membres de l'UE. Ce après quoi le professeur de l'université de Caen avait dénoncé "une faute professionnelle grave" de la part de l'EFSA. "Ne pas avoir au moins un soupçon après l'étude que nous avons faite de la façon la plus détaillée au monde relève de la malhonnêteté intellectuelle", avait-il dit.

Début janvier 2013, le CRIIGEN a attaqué de nouveau la validité de l'expertise finale de l'EFSA. En effet, sur leur site internet, les chercheurs ont souligné que ces "critiques négatives émanaient d'une quarantaine de scientifiques ou regroupements (associations, agences de validation des produits...) dont les conflits d'intérêts ont été établis pour une grande majorité d'entre eux, que ce soit directement avec la société Monsanto, ou bien avec les personnes ayant favorisé les autorisations des produits de la firme en question, ou du même type de produits". Or, "la plupart de ces personnes ne sont pas de la spécialité, ou ne publient pas dans le domaine de la toxicologie des pesticides ou de l'évaluation des OGM".

Ils se réjouissaient par ailleurs que leur étude ait été une des plus consultées au monde depuis septembre 2012, qu'elle ait reçue le soutien de plus de 300 scientifiques et que "non seulement elle a été maintenue dans sa publication par une des meilleures revues de toxicologie au monde, malgré des pressions incessantes, mais aussi les réponses détaillées à toutes les critiques viennent d'être publiées par le même éditeur".

En plus d'annoncer la publication prochaine de nouvelles données expérimentales sur le Roundup, les chercheurs affirmaient qu'ils allaient prendre des mesures judiciaires pour "faire toute la transparence sur les données toxicologiques cachées et laxistes qui ont permis, via les agences sanitaires, d'obtenir les autorisations de commercialisation". Déclarant vouloir montrer l'exemple, ils annonçaient avoir déposé leurs données d'évaluation brutes auprès d'un huissier de justice et avoir l'intention de les rendre publiques "dès que les agences ou Monsanto auront fait de même pour les leurs, et que les gouvernements y auront consenti". Ce seraient les conditions nécessaires pour que "s’opère une véritable expertise contradictoire et transparente, et non plus une pseudo-expertise biaisée par des groupes de pressions plus soucieux de leurs intérêts que de la santé publique".

Gilles-Eric Séralini a expliqué cette démarche lors d'une conférence de presse tenue au Parlement européen le 15 janvier 2013. "Ce n'est pas parce que les instances officielles dénigrent notre étude que ses résultats sont scientifiquement invalidés", a-t-il d'abord rappelé. Au lendemain de la publication par l'EFSA des données ayant servi à l'évaluation de la toxicité du maïs NK603, il n'a pas triomphé mais plutôt jugé qu'il s'agissait là d'une "demi-victoire, une première transparence". Il a espéré que l'EFSA entreprendra la même démarche pour les données sur l'herbicide Roundup, suspectant qu'aucun test sanguin n'a été pratiqué sur les animaux qui consomment ce produit à faible dose."Nous voulons qu'il y ait une contre-expertise et que les données (...), puisqu'ils en sont si sûrs, soient rendues publiques. Après, nous, on rend tout public", a dit le Professeur Séralini.

"Je demande qu'on réévalue les études qui ont permis la mise sur le marché, avec les mêmes critères que ceux qui ont permis de juger celle de Séralini", a pour sa part déclaré l'eurodéputée française et cofondatrice du CRIIGEN, Corine Lepage, laquelle dénonce également un "deux poids, deux mesures au détriment de la santé des gens".