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Fiscalité - Marché intérieur
"Un livre est un livre", réaffirme le gouvernement luxembourgeois en réponse à une question du député Fernand Kartheiser portant sur le taux de TVA appliqué au livre électronique
22-01-2013


Le 24 octobre 2012, le Luxembourg se voyait adresser par la Commission européenne un avis motivé portant sur le taux de TVA appliqué au livre électronique qui est, au Luxembourg comme en France, le même que celui appliqué au livre, à savoir 3 %. Le député Fernand Kartheiser, qui semble interpréter cette procédure d’infraction comme "un ultimatum" de la Commission au Grand-Duché, s’est adressé aux ministres de la Culture et des Finances pour leur poser un certain nombre de questions sur le sujet.

Le député, qui se référait dans sa question parlementaire à des articles de presse plutôt qu’à la procédure d’infraction lancée par la Commission, souhaitait tout d’abord savoir s’il était vrai que la Commission souhaiterait que le Luxembourg porte le taux de TVA sur les livres numériques de 3 à 19 %.

Pour la Commission, les livres électroniques relèvent des services électroniques

Octavie Modert et Luc Frieden lui expliquent dans leur réponse commune datée du 21 janvier 2013 que la Commission ne demande pas une augmentation de la TVA per se, mais indique à la France et au Luxembourg que, selon son interprétation de la directive 2006/112/CE sur la TVA et son Règlement d’exécution (UE) n° 282/201, "il faut appliquer le taux normal de TVA aux livres électroniques". Car pour la Commission, ils relèvent des services électroniques en général. Or, rappellent les ministres, le taux normal de TVA au Grand-Duché est de 15 %.

Le député s’inquiétait du fait que certains pays cette démarche de la Commission aurait été inspirée par certains pays qui considèrent que le bas niveau de TVA sur le livre numérique avantage le Luxembourg. "La Commission européenne agit de sa propre initiative et non sur celle d'un autre État membre", le rassurent les deux ministres qui précisent que les courriers adressés par la Commission européenne aux autorités luxembourgeoises se réfèrent à l'article 258 du TFUE. Cet article stipule en son premier paragraphe que "Si la Commission estime qu'un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités, elle émet un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations".

Fernand Kartheiser s’enquérait ensuite des règles en vigueur dans l’UE qui concernent le taux de TVA appliqué aux livres, qu’ils soient ou non numériques.

Octavie Modert et Luc Frieden citent tout d’abord l’article 98 de la directive 2006/112/CE relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée :

  1. Les États membres peuvent appliquer soit un, soit deux taux réduits.
  2. Les taux réduits s'appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories figurant à l'annexe III.
  • Annexe III : Liste des livraisons de biens et des prestations de services pouvant faire l'objet des taux réduits visés à l'article 98 ... "6. la fourniture de livres, sur tout type de support physique, y compris en location dans les bibliothèques (y compris les brochures, dépliants et imprimés similaires, les albums, livres de dessin ou de coloriage pour enfants, les partitions imprimées ou en manuscrit, les cartes et les relevés hydrographiques ou autres), les journaux et périodiques, à l'exclusion du matériel consacré entièrement ou d'une manière prédominante à la publicité;".

Les deux ministres ne manquent pas de préciser que l’article 98 stipule aussi que "les taux réduits ne sont pas applicables aux services fournis par voie électronique". Et ils ajoutent que le règlement d'exécution (UE) n° 282/2011 portant mesures d'exécution de la directive 2006/112/CE précise dans son article 7 et plus particulièrement au point 3c) de l'Annexe I que les services fournis par voie électronique visés par la directive 2006/112/CE comprennent notamment le contenu numérisé de livres et autres publications électroniques.

"À identité de fonction, une distinction entre support physique et support numérique ne s’impose pas", estime le gouvernement

Octavie Modert et Luc Frieden expliquent ensuite à Fernand Kartheiser, qui soulignait le fait que le livre est un des biens culturels les plus importants, que le taux de TVA réduit appliqué aux livres existe depuis longtemps au Luxembourg. Ainsi, dans la loi modifiée du 12 février 1979 concernant la valeur ajoutée, les livres comptent déjà parmi les biens et services bénéficiant d’un taux super réduit de 3 %, à l’exception des livres publicitaires et des publications à caractère pornographique. De tels taux sont aussi prévus dans la directive concernant la TVA, notamment pour le livre, car les Etats membres étaient tous d’accord pour tenir compte de la nature spécifique du livre, et chaque pays peut donc fixer son propre taux de TVA sur les livres. Le taux super réduit de TVA que le Luxembourg applique sur le livre témoigne donc de l’importance accordée au livre dans le paysage culturel au niveau national, l’intention étant de rendre mieux accessible ce bien culturel en acceptant que le revenu en soit limité pour l’Etat, mais aussi de tenir compte du rôle fondamental que tient le livre en matière d’éducation et de formation. Le choix de ce taux super réduit est aussi une question de soutien à l’ensemble de la chaîne du livre, qui est essentielle pour la création littéraire, et il témoigne donc du fait que le livre n’est pas considéré comme un bien de consommation comme un autre.

Lorsque le député leur demande quelle est la position du gouvernement dans le dossier du taux de TVA sur le livre électronique et comment il évalue les arguments juridiques de la Commission européenne, les deux ministres répondent qu’un livre est un livre, quelle que soit sa forme, électronique ou non. Un argument avancé à de plusieurs reprises par le ministre Luc Frieden. Il en découle donc que, du point de vue du gouvernement luxembourgeois, il est normal que le taux super réduit s’applique tant aux livres électroniques qu’aux livres imprimés. Le gouvernement défend donc le principe de la neutralité du support : "à identité de fonction, une distinction entre support physique et support numérique ne s’impose pas", concluent les deux ministres.