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Agriculture, Viticulture et Développement rural - Énergie - Environnement
Les ONG du Luxembourg militent pour la réforme de la législation européenne sur les agrocarburants
08-02-2013


cerealkiller-logoSelon la directive européenne sur les énergies renouvelables qui date de 2009, les Etats membres doivent couvrir d’ici 2020 10 % de la consommation d’énergie dans le secteur des transports par des énergies renouvelables. Pour y parvenir, estiment les ONG luxembourgeoises regroupées dans la plate-forme "Cerealkillers.lu", "les Etats membres ont prévu un recours presque exclusif aux agrocarburants produits à partir de plantes alimentaires afin de les mélanger au diesel et à l’essence." En effet, dans une réponse à une question parlementaire publiée début octobre 2012, les ministres Etienne Schneider et Claude Wiseler avaient déclaré que la directive de 2009 prévoit des objectifs intermédiaires à atteindre en 2013 et 2014, de sorte que pour s’y tenir, le Luxembourg ne peut réduire l’utilisation d'agrocarburants, au risque de contrevenir dans le cas contraire aux dispositions de la directive. Pour les ONG, une telle logique "a de graves conséquences pour l’homme et son environnement, dont l’aggravation de la faim, la diminution de la biodiversité, la violation des droits humains et – contre toutes attentes – un impact négatif sur la protection du climat."

Pour atteindre les objectifs européens, il faudra selon les ONG luxembourgeoises recourir à une expansion des terres agricoles et plantations cultivées de manière intensive d‘une surface équivalente à 27 fois la taille du Luxembourg. Ils citent une étude intitulée "Les changements indirects d’affectation des terres attendus associé à l’utilisation massive d‘agrocarburants" publiée par l’Institute for European Environmental Policies IEEP en novembre 2011, qui dit que le recours aux agrocarburants tel qu´il est prévu par les Etats membres de l´UE serait responsable de l´émission de jusqu´à 56 millions de tonnes de CO2 supplémentaires, soit l´équivalent de ce qu'émettraient 26 millions de voitures supplémentaires sur les routes européennes d´ici 2020.

La Commission a modifié son approche en 2012, mais suscite toujours des critiques

Ces ONG ne sont pas les seules à penser que le chemin choisi pour couvrir d’ici 2020 10 % de la consommation d’énergie dans le secteur des transports par des énergies renouvelables s’est très vite avéré problématique. Ainsi, la Commission européenne a publié le 17 octobre 2012 une proposition visant à restreindre la conversion de terres en cultures destinées à la production d'agrocarburants et, comme elle l’a dit, "à accroître les effets bénéfiques pour le climat des biocarburants utilisés dans l'Union européenne". Selon cette proposition, l'utilisation d'agrocarburants produits à partir de denrées alimentaires pour atteindre l'objectif de 10 % d'énergies renouvelables fixé par la directive sur les énergies renouvelables devrait être limitée à 5 %.

En ce même octobre 2012, alors que la Commission modifiait son approche, les ONG du Luxembourg ont lancé une pétition pour inviter le gouvernement luxembourgeois à faire pression en faveur d’une réforme de la législation européenne sur les agrocarburants tandis que la Centrale paysanne, à l’instar du COPA-COGECA dénonçait un revirement politique de la Commission "totalement irresponsable" qui menace l’investissement dans la bio-économie. Par ailleurs, le cercle des ONG de développement épinglait en novembre 2012 les incohérences liées à l’approche de la Commission.

Entretemps, les ONG luxembourgeoises ont développé à l’encontre de la proposition de la Commission, qu’elles jugent elles "totalement inadéquate", un argumentaire critique. Un de leurs principaux points de critique est "l’omission de critères importants pour évaluer la durabilité des agrocarburants". Elles demandent ainsi l’introduction des facteurs dits CASI (changement d´affectation du sol indirect) dans le calcul du bilan CO2 des agrocarburants. "Ceci permettrait d’éviter que des agrocarburants dont la production dégage plus de CO2 que l’utilisation de combustibles classiques, seront utilisés comme un substitut au diesel et à l’essence", écrivent les ONG sur le site cerealkillers.lu.

Les ONG pensent que la proposition de la Commission européenne de plafonner à 5 % la quantité maximale d’agrocarburants produits à partir des denrées alimentaires et comptabilisable dans le cadre de l´objectif "renouvelable" du secteur des transports comme insuffisante afin de réduire leurs impacts négatifs par rapport au changement climatique et à la sécurité alimentaire. Pour cette raison, les ONG demandent l’élaboration d’un scénario de sortie de l’utilisation d’agrocarburants non durables afin de prévenir de nouveaux dommages environnementaux et sociaux.

Selon les ONG, Etienne Schneider et Marco Schank "partagent les préoccupations des ONG sur les agrocarburants et se sont engagés à porter leurs demandes dans les prochaines négociations à l’échelle de l’UE"

La proposition de la Commission sera discutée le 22 février 2013 par les ministres européens de l’Energie et le 21 mars 2013 par les ministres européens de l’Environnement. C’est dans ce contexte que des représentants de la plate-forme Cerealkiller ont rencontré le ministre en charge de l’Energie, Etienne Schneider, et le ministre délégué au Développement durable, Marco Schank, pour un échange de vues au cours duquel ils ont présenté leurs nombreuses critiques à la proposition de la Commission. Selon les représentants de la plateforme Cerealkiller, les deux ministres "partagent les préoccupations des ONG relatives aux agrocarburants et se sont engagés à porter leurs demandes dans les prochaines négociations à l’échelle de l’UE". Le ministre Etienne Schneider est également cité dans le sens "qu’il continuera à supporter la réalisation de l’objectif de 20 % d’énergies renouvelables".

Dans un second temps, les ONG ont appelé les deux ministres à mettre au centre des débats sur une politique européenne des transports durable les mesures alternatives présentées par une étude réalisée par l’institut de recherche néerlandais CE Delft, présentée le 8 février 2013 à Luxembourg par son auteur principale, Bettina Kampman. Ceci permettrait selon les ONG "de faire d‘importantes économies de CO2 d’ici 2020, et en même temps, de favoriser le développement de secteurs industriels innovateurs et de nouveaux emplois".

Que dit l’étude de CE Delft ?

L’étude intitulée "Sustainable Alternatives for Land-based Biofuels in the European Union" propose des alternatives durables aux agrocarburants. Selon l’étude, l´Europe peut atteindre ses objectifs relatifs aux énergies renouvelables dans le secteur des transports sans avoir recours aux agrocarburants très contestées.

L´étude démontre selon les ONG "que les objectifs européens en matière d’énergies renouvelables et dans le cadre de la directive sur la qualité des carburants, ne peuvent être atteints que par un changement fondamental de la politique des transports". Elle recommande l’introduction immédiate des critères de durabilité stricts lors du calcul des bilans de CO2 des agrocarburants et favorise la priorisation de l’efficacité énergétique dans le domaine de l’automobile, l’expansion accélérée de la mobilité électrique et l’utilisation d’agrocarburants durables produits à partir de déchets et de résidus.

Il faut d’abord des économies d’énergie de 15 % d’ici 2020 dans le secteur des transports. Cela devrait passer par l’amélioration de l’efficacité énergétique des véhicules et le transfert modal de la route vers le rail. La directive sur les énergies renouvelables et la directive sur la qualité des carburants devraient tenir compte des émissions liées au changement d´affectation du sol indirect dans le calcul des bilans CO2 des agrocarburants, bref tenir compte des facteurs CASI.  L’utilisation des agrocarburants devrait être fortement plafonnée et une stratégie de sortie d´ici 2020 de l’utilisation des agrocarburants produits à partir des matières premières agricoles et forestières devrait être envisagée. Il faudrait ensuite augmenter la consommation d’électricité à partir de sources d’énergie renouvelables dans les transports routiers et ferroviaires à hauteur de 1 % de la demande totale en 2020. 3 % d’agrocarburants durables devraient être produits d’ici 2020 à partir de déchets et de résidus, par exemple du bio-méthane à partir de déchets agricoles et de l‘agro-diesel fabriqué à partir de déchets de graisses. Dans la production de carburants à partir de sources fossiles il faudrait viser une réduction significative des émissions de gaz à effet de serre liées au torchage et à la ventilation.

Au niveau de la Chambre

A noter que le 17 janvier 2013, le groupe politique des Verts à la Chambre des députés a demandé que se tienne dans le même contexte une réunion jointe de la Commission de l’Economie, du Commerce et de l’Economie solidaire et de la Commission du Développement durable qui traiterait de la révision de la directive UE concernant les biocarburants en vue des réunions du Conseil Energie et de l'Environnement de février et de mars 2013. Les thèmes à aborder seraient pour les Verts entre autres le volume de biocarburants et de bioliquides pour le secteur des transports à l'horizon 2020 et l'introduction de critères plus stricts en matière de "changement d’affectation des sols indirect" (CASI). Ils ont également demandé à ce que les ministres compétents et les ONG impliqués sur la question soient entendus.