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Emploi et politique sociale
Les députés européens ont adopté une résolution sur leur façon d’envisager des systèmes de retraite adéquats, sûrs et viables
21-05-2013


LParlement européen: affichage du résultat du vote sur la résolution sur les retraites, le 21 mai 2013a crise économique et les défis posés par une population vieillissante ont révélé la vulnérabilité des systèmes publics et privés de retraites, ont estimé les députés européens dans une résolution adoptée le 21 mai 2013, au terme d'un débat qui n'a cependant duré qu'un quart d'heure. Dans un texte très nuancé qui contient nombre de propositions inédites et qui constitue une réponse au Livre blanc de la Commission sur les retraites de février 2012, ils demandent aux Etats membres d'introduire ou de maintenir des systèmes diversifiés et soulignent le rôle des retraites financées par l'Etat pour permettre des conditions de vie décentes. A noter que la Commission avait dans le cadre de ses recommandations aux Etats membres, estimé en mai 2012 que la réforme du système de pension proposée par le gouvernement luxembourgeois avait une ambition limitée et ne semblait pas garantir la viabilité à long terme du système. 

Le contexte général

"Un tiers de la population de l'UE est âgée de plus de 55 ans. La durabilité des systèmes de retraites est menacée par une population vieillissante et des finances publiques restreintes. Les retraites relèvent de la responsabilité des Etats membres mais une coordination de l'UE est nécessaire, notamment dans le contexte des programmes de stabilité et de réforme", a déclaré la rapporteure démocrate-chrétienne néerlandaise Ria Oomen-Ruijten lors du débat précédant le vote, au cours duquel 502 députés ont voté pour et 138 contre la résolution, alors que 49 députés se sont abstenus.

Les députés insistent dans ce texte sur le fait qu "les retraites constituent la principale source de revenus des Européens âgés - actuellement plus de 17 % de la population de l’UE et selon les prévisions d'Eurostat, 30 % en 2060 - et qu'elles ont pour objectif de leur assurer un niveau de vie décent et de leur permettre d'être financièrement indépendant." Ils soulignent aussi qu’environ "22 % des femmes de plus de 75 ans se trouvent sous le seuil de pauvreté dans l'Union, courant ainsi un risque d'exclusion sociale, et que les femmes représentent la majeure partie de la population de plus de 75 ans".

Les députés européens mettent ensuite en avant que *même sans tenir compte de la crise économique, les tendances démographiques et l'évolution de la productivité annoncent un scénario économique marqué par une faible croissance dans la plupart des États membres de l'Union européenne et des taux de croissance économique considérablement plus faibles que ceux enregistrés au cours des précédentes décennies". Reste que la crise économique et financière en Europe a eu une effet de baisse sur les salaires et l'emploi et "conduira à augmenter le risque de pauvreté des personnes âgées", à quoi s’ajoute "que la hausse du chômage et des rendements décevants des marchés financiers ont mis à mal les régimes de retraite par répartition et les systèmes financés par capitalisation".

Les députés reprennent à leur compte la recommandation du Comité économique et social européen qui propose de relever les niveaux de pension minimum dans le but de fournir des revenus de la pension au-dessus du seuil de pauvreté. Ils insistent aussi sur le fait que "les systèmes de retraite constituent un élément essentiel des modèles sociaux européens", et que "leur objectif fondamental et non-négociable » est « de garantir un niveau de vie décent aux personnes âgées", la question demeurant pour le reste de la compétence des États membres.

Ils s’en prennent ensuite à certaines idées au sujet des systèmes de retraite : leur viabilité se situe "au-delà des seules considérations budgétaires" et ils récusent l’idée qu’ils soient considérés "comme un simple fardeau sur les finances publiques, au lieu d'être considérés comme un instrument essentiel pour lutter contre la pauvreté des personnes âgées et pour permettre une redistribution au cours de la vie de l'individu et dans la société". Une manière policée de se positionner par rapport au concept de viabilité budgétaire qui a la faveur dela Commission.

Ils mettent ensuite en avant que certains régimes de pension en vigueur aggravent les déséquilibres entre hommes et femmes, en particulier pour les femmes qui vivent seules et qu’il y a un problème à traiter : celui de l'importance du travail non rémunéré, qui n'est pas encore reconnu dans les régimes de pension nationaux.

Autre problème : le taux d'emploi des personnes âgées de 55 à 64 ans qui n'est que de 47,4 % dans l’UE, et de 40,2 % seulement pour les femmes, alors que dans certains pays de l'Union européenne, seuls 2 % de tous les postes vacants sont occupés par des personnes âgées de 55 ans ou plus. Conséquence : "des taux d'emploi à des niveaux aussi bas provoquent un écart de pension intragénérationnel entre les hommes et les femmes, ainsi qu'un fossé entre les générations, se traduisant par des disparités considérables en termes de ressources financières entre les générations".

Un dernier point important dans les considérants des députés : ils reconnaissent les fortes diférences entre les régimes de retraite dans les États membres et entre les Etats membres - assiette de financement, degré d'implication de l'administration, structure de gouvernance, type de droits à faire valoir, efficacité par rapport à leur coût, degré de mutualisation et de solidarité – et ils admettent par conséquent "qu'il n'existe pas de typologie commune dans l'Union".

Même s’ils prônent une retraite multi-piliers, les députés européens veulent que priorité soit donnée « à la sauvegarde des pensions publiques universelles qui assurent au minimum un niveau de vie digne pour toutes les personnes âgées »

Partant "d'un scénario économique marqué à long terme par une faible croissance, qui exigerait que la plupart des États membres assainissent leurs budgets et réforment leurs économies", les députés européens partagent le point de vue de la Commission "selon lequel il conviendra de constituer des pensions professionnelles complémentaires par capitalisation", mais ils restent d’avis qu’il faut accorder "la priorité à la sauvegarde des pensions publiques universelles qui assurent au minimum un niveau de vie digne pour toutes les personnes âgées". Car,  soulignent-ils, "les régimes publics de retraite du premier pilier restent la principale source de revenus pour les retraités". Ils critiquent la Commission qui "n'accorde pas, quand il s'agit de combattre la pauvreté au grand âge, l'importance qui convient au moins aux régimes publics du premier pilier, d'accès universel".

Cela étant dit, les députés estiment néanmoins que les Etats membres devraient "évaluer soigneusement la nécessité de mettre en œuvre les réformes de leurs systèmes du premier pilier, en tenant compte de l'évolution de l'espérance de vie". Ils prônent un système qui doit tenir compte de la vulnérabilité des régimes de retraite par répartition comme de ceux financés par capitalisation et recommandent d'instaurer une approche de retraite "multi-piliers". Il consisterait en une combinaison d'un système universel de retraite public par répartition et de retraites professionnelles complémentaires par capitalisation résultant d'accords collectifs établis aux niveaux de l'État, du secteur ou de l'entreprise, ou résultant d'une législation nationale, accessible à tous les travailleurs concerné, et éventuellement, d’une retraite individuelle relevant du troisième pilier et basée sur une épargne privée. Il faudrait dans ce cas prendre des mesures d'incitation équitables destinées aux travailleurs à faibles revenus, aux travailleurs indépendants et aux personnes dont le nombre d'années de contributions est incomplet du point de vue du régime de pension lié à leur emploi.

Les députés considèrent que les prestataires de pension personnelle ou professionnelle disposeront de moyens d'investissement durables et fiables à long terme pour l'économie de l'UE demande à la Commission "de ne pas compromettre ce potentiel d'investissement et de respecter les différentes caractéristiques des fonds de pension et d'autres prestataires de pension en introduisant ou en modifiant les règlements de l'UE, en particulier lors de la révision de la directive concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle".

Les députés soulignent par ailleurs "l'importance d'utiliser une méthode uniforme pour le calcul de la viabilité à long terme des finances publiques et de la part qu'y constituent les obligations en matière de retraites". Ils appellent aussi à ce qu’un consensus soit trouvé entre les gouvernements et les partenaires sociaux "afin de trouver une solution au défi des retraites". En clair, cela représente une double approche : l’augmentation dans la plupart des Etats membres du nombre d'années de contributions, et en contrepartie, de meilleures conditions de travail et d'apprentissage tout au long de la vie, "afin de permettre aux citoyens de travailler au moins jusqu'à l'âge légal de départ à la retraite, et au-delà s'ils le souhaitent".  

L’âge de départ à la retraite

La priorité devrait selon les députés consister "à adapter l'âge de départ de facto à l'âge légal de départ à la retraite" et "à éliminer progressivement les systèmes de retraite anticipée", car selon eux, "l'idée qui se cache derrière les systèmes de retraite anticipée, à savoir permettre aux travailleurs plus âgés de partir à la retraite anticipativement afin de libérer des postes pour les jeunes, s'est avérée, par expérience, fausse".

Les députés pensent qu’il faut "lier étroitement les prestations de retraite au nombre d'années travaillées et aux primes payées ("équité actuarielle"), afin de garantir que les citoyens travaillant plus et plus longtemps soient récompensés par une meilleure retraite", et ils ajoutent ici quelque chose de nouveau, "en tenant dûment compte des périodes passées en dehors du marché du travail pour la prise en charge de personnes dépendantes".

Les députés voudraient également, et cela aussi est nouveau, "bannir toute fixation d'âges pour un départ obligatoire à la retraite afin de permettre aux personnes qui le peuvent et qui le souhaitent de choisir de continuer de travailler au-delà de l'âge légal de départ à la retraite ou de programmer graduellement leur départ à la retraite".

Développer des épargnes-retraite complémentaires privées

Les eurodéputés se sont ralliés à l’idée de la Commission qu’il faut développer des retraites par capitalisation et des retraites professionnelles complémentaires. Mais alors que la Commission a exprimé sa préférence pour des systèmes individuels, le Parlement européen a exprimé sa préférence pour des "épargnes-retraite professionnelles collectives, complémentaires fondées sur la solidarité, de préférence résultant d'accords collectifs et établies aux niveaux de l'État, du secteur ou de l'entreprise, car elles créent une solidarité au sein des générations et entre elles, contrairement aux systèmes individuels". Un autre avantage de ces systèmes de retraite sectoriels collectifs professionnels que les députés soulignent est leur faible coût de gestion, du moins en comparaison avec les systèmes d'épargne-retraite individuels, ce qui permet d'augmenter considérablement les retraites. Encore faut-il que les citoyens soit correctement informés sur leurs droits à pension accumulés, de sorte qu’ils demandent aux États membres "d'informer les citoyens à temps des modifications prévues dans le régime de retraite de sorte qu'ils puissent prendre une décision en toute connaissance de cause et après mûre réflexion sur leur épargne-retraite".

Retraites des travailleurs mobiles

La forte hétérogénéité des systèmes de retraite au sein de l'UE a pour conséquence qu’il est difficile de garantir l'acquisition et la conservation de leurs droits à pension aux travailleurs mobiles. Les députés demandent à ce que les Etats membres traitent leurs droits à pension dormants comme ceux des affiliés actifs ou ceux des retraités, mais ils prônent aussi l'octroi de régimes rentables de retraite complémentaire et que la nature des régimes de retraite nationaux soit prise en compte, sachant qu’une approche de coordination des dizaines de milliers de systèmes de retraite complémentaire professionnelle, très différents, qui existent dans les États membres est d’une immense complexité, voire impossible. D’où la nécessité selon les députés "de créer et de maintenir des services de suivi efficaces, si possible sur le web, qui permettent aux citoyens de suivre leurs droits à pension liés ou non à leur emploi" et, aussi, de prendre des décisions opportunes en toute connaissance de cause concernant les épargnes-retraite complémentaires individuelles du troisième pilier.

Réexamen de la directive IRP

Les députés entendent par ailleurs placer la révision de la directive concernant les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelle (directive IRP) sous le signe de la viabilité et de la sécurité des retraites professionnelle. Ils estiment "qu'il est essentiel de faire en sorte que les systèmes européens du deuxième pilier respectent une réglementation prudentielle solide pour atteindre un niveau élevé de protection des affiliés et des bénéficiaires et de respecter les instructions du G20 selon lesquelles toutes les institutions financières doivent être soumises à une réglementation appropriée et à une surveillance adéquate". En même temps, ils exigent que "les retraites du deuxième pilier, quelles que soient les institutions prestataires, ne doivent pas être mises en péril par une réglementation de l'Union qui ne tiendrait pas compte de leurs perspectives à long terme". Ils ne veulent pas d'exigences à l'échelle européenne en matière de fonds propres ou de valorisation du bilan et désapprouvent "toute révision de la directive IRP qui irait en ce sens". L'application directe des exigences de la directive "Solvabilité II" aux institutions de retraite professionnelle ne serait pas non plus selon eux la bonne solution. La balle est avant tout dans le camp des partenaires sociaux, qui ont dans ce domaine selon les députés "une responsabilité partagée", de sorte que leurs accords contractuels "doivent être reconnus en permanence, en particulier au regard de l'équilibre entre les risques et les avantages que vise à apporter un régime de retraite professionnelle".

Protection des retraites professionnelles des salariés en cas d'insolvabilité

Comment procéder alors ? Les députés sont d'avis qu'il convient, en cas d'insolvabilité, de garantir systématiquement les droits visés à l'article 8 de la directive 2008/94/CE sur la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité de l’employeur dans les États membres. Cet article exprime une recommandation très générale : "Les États membres s’assurent que les mesures nécessaires sont prises pour protéger les intérêts des travailleurs salariés et des personnes ayant déjà quitté l’entreprise ou l’établissement de l’employeur à la date de la survenance de l’insolvabilité de celui-ci, en ce qui concerne leurs droits acquis, ou leurs droits en cours d’acquisition, à des prestations de vieillesse, y compris les prestations de survivants, au titre de régimes complémentaires de prévoyance professionnels ou interprofessionnels existant en dehors des régimes légaux nationaux de sécurité sociale." Bref, les questions liées à la protection des pensions en cas d'insolvabilité sont étroitement liées aux aspects essentiels de la révision de la directive IRP, de sorte que la Commission doit veiller, dans l'élaboration de ces deux directives, à ce qu'elles soient cohérentes et pleinement compatibles.

Épargnes-retraite complémentaires du troisième pilier

Partant du constat que "la signification, la portée et la composition du troisième pilier varie d'un État membre à l'autre, les députés regrettent « que les systèmes du troisième pilier soient le plus souvent plus coûteux, plus risqués et moins transparents que ceux du premier pilier", ce qu’il faut changer en les rendant plus stables et fiables. Mais ils soulignent aussi "que la priorité essentielle de la politique publique ne devrait pas être de subventionner les régimes du troisième pilier, mais de veiller à ce que chacun bénéficie d'une protection adéquate dans le cadre d'un premier pilier qui fonctionne bien et qui soit viable."

Égalité entre les hommes et les femmes

L'augmentation du nombre des personnes âgées qui vivent sous le seuil de pauvreté, parmi elles surtout des femmes, est jugée "alarmante" par les députés. D’où la nécessité que ce soient d’abord les systèmes de pension publics du premier pilier qui assurent "au minimum un niveau de vie digne pour tous". Mais en amont, il faut augmenter le taux d’emploi des femmes, égaliser l'âge de départ à la retraite entre les femmes et les hommes, mais aussi mener des politiques efficaces basées sur le respect du principe "à travail égal, salaire égal", finalement veiller à ce que vie professionnelle et soins aux personnes dépendantes puisent être conciliés. Les députés pensent qu’il est nécessaire "de considérer l'introduction des crédits de pension pour le travail de soins en reconnaissance du travail de soins pour les personnes dépendantes", un travail qui, soulignent-ils, "reste impayé". Ils parent aussi à une interprétation radicale des statistiques sur l’espérance de vie pour dire "que l'espérance de vie plus élevée des femmes ne doit pas être une source de discrimination pour le calcul des retraites". S’ils sont en faveur de l'individualisation des droits à pension, ils estiment "qu'il convient de préserver la sécurité de nombreuses femmes âgées qui sont dépendantes des pensions de veuves et d'autres droits dérivés".