Le discours prononcé par le ministre de l’Economie et du Commerce extérieur lors de la cérémonie d’ouverture de la Foire de Printemps 2013, le 4 mai 2013, a été un discours-programme sur la place économique du Luxembourg dans l’Europe et dans le monde.
Le diagnostic du ministre est dur: "Nous sommes arrivés en Europe et aussi au Luxembourg à un point de stagnation et il nous appartient de décider en commun quel chemin nous voulons prendre." Et se référant aux prévisions de croissance de la Commission européenne de la veille, il explique : "La situation au Luxembourg n’est guère favorable, tout comme celle de la zone Euro, voire de l’Union européenne, qui sont aujourd’hui à la traîne au niveau mondial." Un PIB en croissance d’ 1 % seulement en 2013, une légère croissance de 0,3 % seulement en 2012, une légère récession dans la zone euro de - 0,4 %, un taux de chômage autour de 6,6 %, un taux d’inflation néanmoins en-dessous des 2 % comme seul point positif, l’industrie en perte de vitesse et les demandes de chômage partiel reparties à la hausse, voilà de quoi broyer du noir. Mais, insiste le ministre, "depuis un certain temps, nous sommes loin de la situation de crise que nous avons connue fin 2008 et 2009», bien que la situation économique internationale continue d’être "morose".
S’y ajoute que "le dialogue social est très conflictuel" et qu’au cours des derniers mois et semaines, "de plus en plus de négociations de conventions collectives ont fini devant le conciliateur." Etienne Schneider a donc appelé les partenaires sociaux à concilier le dialogue social, "l’une des bases du succès du modèle luxembourgeois" avec les exigences d’une période "de croissance faible et de coûts de production soumis à une pression à la baisse" afin de trouver des solutions, "quitte à parfois devoir reculer pour mieux rebondir".
Le ministre a ensuite mis en avant le fait que l’Etat luxembourgeois "continue toujours à investir" : "1,7 milliard d'euros pour la seule année 2013, ce qui équivaut à 3,7 % du PIB, c’est un effort extrêmement élevé dans la comparaison européenne." Au Luxembourg, où "nous n’avons pas cédé aux sirènes néolibérales de la privatisation des services publics", les entreprises publiques ou les entreprises à participation étatique, investissent elles aussi dans les infrastructures d’avenir. "Petite économie ouverte qui dépend de la conjoncture de la zone euro", le Luxembourg devra également "miser résolument sur une stratégie de croissance économique européenne en marquant une pause dans les politiques d’austérité forcenée, surtout dans les pays du Sud et de la périphérie de la zone euro."
Etienne Schneider a ensuite commenté la baisse des taux d’intérêts décidée le 2 mai par la BCE. "C’est un signal positif que beaucoup attendaient. Cette baisse devrait permettre de baisser le cours de l’Euro par rapport au dollar et ainsi faciliter les exportations des entreprises européennes. Sachant que l’Allemagne exporte 60 % de sa production industrielle et que l’Allemagne est un marché de première importance pour le Luxembourg, j’espère qu’une certaine dévaluation de l’Euro peut aussi, par ricochet, avoir un effet positif sur notre économie." Autre exigence suite à cette baisse : "Il faudra maintenant veiller à ce que cette baisse soit transmise aux consommateurs, en particulier dans le cadre des crédits hypothécaires, et bénéficier ainsi au pouvoir d’achat de ces consommateurs. J’espère aussi que l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises puisse se retrouver amélioré. Financer l’économie réelle est une priorité absolue pour relancer la croissance. Il faudra surveiller étroitement l’évolution de l’accès au crédit et trouver les moyens pour agir en cas de difficultés."
Etienne Schneider est au Conseil un partisan déclaré d’une stratégie industrielle et commerciale européenne, et il soutient la Commission européenne qui "commence enfin à réagir et vouloir mettre en place une politique industrielle européenne, et en se fixant un objectif ambitieux: porter de 16 % à 20 % la part de l’industrie dans le PIB au niveau communautaire." Il a entre autres été question d’une politique de soutien de l’industrie sidérurgique : moyens financiers, programmes de recherche et d’innovation, stimulation de la demande dans le domaine de la construction et de l’automobile, comment réagir contre le dumping au niveau international.
Selon Etienne Schneider, "Bruxelles" est en train de bouger" sur certain sujets, quand il est question "d’appliquer de nouvelles restrictions à l’encontre des partenaires commerciaux qui ont recours à des subventions plus ou moins cachées et autres pratiques de dumping". Lui-même est en faveur de taxes européennes à l’importation pour que l’UE protège son industrie, à l’instar de ce que font les USA. "L’Europe ne pouvait pas rester inactive et voir disparaître son industrie", lance-t-il, tout en se défendant de prôner une politique protectionniste. Ce qu’il souhaite est que "nos industries européennes puissent être concurrentes sur un pied d’égalité avec des pays tiers." Et de préciser sa pensée : "Si nous ne voulons pas alléger nos standards sociaux et environnementaux imposés aux entreprises, ce que je peux parfaitement comprendre, nous devrions au moins penser à demander aux importateurs, aux entreprises qui importent vers l’Union européenne, de respecter des standards minimaux et donner ainsi une chance de survie à notre industrie dans un marché globalisé."
Pour que le Luxembourg puisse mieux réagir et anticiper les défis futurs, Etienne Schneider et le ministre des Finances, Luc Frieden, ont saisi la Chambre des députés où se déroulera le 16 mai 2013 un débat de consultation sur la croissance économique et la compétitivité. Car Etienne Schneider met en garde depuis quelques semaines : "Sans croissance, nous ne pourrons pas financer à terme le système social. Or, nous sommes aujourd’hui à un niveau qui commence seulement à égaler le PIB de l’année 2008 ! Il faut donc qu’on agisse !"
Tout le gouvernement et tous les acteurs concernés devront selon lui y mettre du leur. Et d’annoncer qu’il voudra "aborder au cours du débat une panoplie de mesures qui à [s]on avis pourraient nous permettre de redonner les impulsions que l’économie attend" : déblocage de grands projets d’investissement immobiliers pour faire redémarrer les activités de construction avec le soutien de la nouvelle cellule de facilitation relative aux autorisations dans les domaines de l’environnement et de l’urbanisme mise en place récemment par le Premier ministre ; modifications concrètes pour moderniser et accélérer les procédures ; standardisation du traitement des demandes soumises de façon récurrente en matière de commodo-incommodo ; maîtrise du coût de l’énergie, un facteur devenu important pour le "Standort" du Luxembourg ; faciliter l’accueil des investisseurs étrangers au Luxembourg ; faire connaître le pays auprès des "experts, chercheurs et autres managers de haut vol que nous souhaitons attirer au Luxembourg" ; traiter les problèmes de la reprise d’entreprises ; promouvoir l’apprentissage et la formation d’artisans pour pouvoir assurer une main-d’œuvre qualifiée pour les entreprises ; discuter des moyens pour favoriser les "business angels" et autres investisseurs prêts à s’engager dans des "start-up".