Dans deux avis scientifiques rendus par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), le 24 septembre, cette agence exécutive européenne a confirmé ses précédentes positions en faveur de la mise sur le marché du maïs génétiquement modifié MON 810 de Monsanto et a ainsi jugé les moratoires appliqués par le Luxembourg et l’Italie pour en interdire la culture et la mise sur le marché sur leurs territoires "injustifiés".
Depuis mars 2009, le Luxembourg a en effet recours à la clause de sauvegarde afin d’interdire la culture de ce maïs OGM, qu’il soupçonne de poser un risque grave pour la santé humaine et animale et l'environnement. En juin 2010, le gouvernement avait fait de même contre les pommes de terre transgéniques "Amflora" avant de se joindre trois mois plus tard, aux côtés de l’Autriche au recours introduit par la Hongrie contre l’autorisation par la Commission européenne de la pomme de terre génétiquement modifiée Amflora.
La position du Luxembourg en la matière est très claire, le pays soutenant "toute démarche en faveur de zones sans organismes génétiquement modifiés (OGM) tant que les risques pouvant, le cas échéant, découler de l’utilisation de cette technologie n’auront pas été évalués et tant que les études afférentes n’auront pas abouti à des résultats certains", soulignait ainsi en 2009 le programme gouvernemental de la coalition au pouvoir.
Dans ses avis rendus sur requête de la Commission européenne, l'EFSA a cependant rejeté l’argument du risque grave invoqué par les deux pays. Selon l'agence, il n'existe"aucune preuve scientifique démontrant un risque pour la santé humaine ou animale, ou pour l'environnement et pouvant justifier des mesures d'urgence". L’EFSA juge ainsi qu’aucun élément apporté par les deux pays n’est susceptible "d'invalider ses précédentes conclusions sur la sécurité du maïs MON 810", en particulier sur les effets indésirables contre des espèces non ciblées par les OGM. Quant aux préoccupations sur la coexistence des cultures et les risques de contamination croisée, l’EFSA juge qu’elles "ne relèvent pas de [s]a compétence".
Cette invalidation est un nouvel élément dans ce dossier hautement polémique parmi les opinions publiques des Etats membres, dans la mesure où la balle concernant la procédure d’autorisation est de nouveau dans le camp de la Commission européenne.
Pour mémoire, la procédure veut que la Commission demande, sur la base d'un avis favorable de l'Autorité européenne de sécurité des aliments, l'autorisation aux Etats membres qui doivent se prononcer à la majorité qualifiée. Alors que jusqu'à présent, l'EFSA n'a jamais rendu un avis négatif, il n’a jamais non plus été dégagé au Conseil la majorité requise pour interdire ou autoriser un OGM.
En cas d'absence de majorité qualifiée, la Commission européenne a le droit de décider en lieu et place des Etats membres. Toutes les autorisations de commercialisation ont en conséquence été promulguées par la Commission. Il reste alors à ces derniers la possibilité d'invoquer une clause de sauvegarde pour empêcher la culture de l'OGM autorisé sur leur territoire, ce que le Luxembourg a fait, tout comme la France, l’Allemagne ou l’Italie.
Dans un arrêt rendu au sujet de la clause de sauvegarde invoquée par la France pour interdire la mise en culture du maïs MON 810, la CJUE avait précisé le 8 septembre 2011 la procédure et les modalités que doivent suivre les Etats pour adopter des mesures d’urgence. La Cour avait observé dans un premier temps que les autorités françaises n’avaient pas invoqué les dispositions permettant à un État membre d’être autorisé sur sa demande, par la Commission ou le Conseil, à adopter des mesures d’interdiction et ne pouvait recourir à la clause de sauvegarde prévue par la directive 2001/18/CE pour adopter des mesures suspendant puis interdisant provisoirement l’utilisation ou la mise sur le marché d’un OGM tel que le maïs MON 810.
Mais elle s’était attachée à préciser que de telles mesures peuvent, en revanche, être adoptées en vertu du règlement n° 1829/2003. L’État membre doit pour ce faire informer, "officiellement" la Commission de la nécessité de prendre des mesures d’urgence. Si la Commission ne prend pas de mesures, il doit l’informer "immédiatement" ainsi que les autres États membres de la teneur des mesures conservatoires qu’il a adoptées. La CJUE juge par ailleurs que le règlement en question impose aux États membres d’établir, outre l’urgence, l’existence d’une situation susceptible de présenter un risque important mettant en péril de façon manifeste la santé humaine, la santé animale ou l’environnement.
L’EFSA n’est elle-même d’ailleurs pas exempte de critiques. Outre la mise en cause de la qualité des études qui servent de base scientifique à ses décisions, l’EFSA avait été épinglée dans un rapport de la Cour des Comptes de l’UE publié le 11 octobre 2012. Selon la Cour, plusieurs agences ne "géraient pas les situations de conflit d’intérêts de manière appropriée". L’EFSA notamment comptait au sein de son comité scientifique ou de son conseil de surveillance de scientifiques exerçant des responsabilités au sein de certains lobbys, mais avait ensuite annoncé se conformer aux recommandations de la Cour des Comptes.