La question de la qualité des vins européens et de leur promotion était à l’ordre du jour de la plénière du Parlement européen du 24 octobre 2013. L’eurodéputée luxembourgeoise Astrid Lulling (PPE) avait préparé une question orale pour la Commission européenne sur l’avenir du secteur après la réforme "très contestée" de 2008 et dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune (PAC) post 2013.
Faute de mieux. L’eurodéputée a en effet rappelé que le Parlement européen aurait souhaité présenter un rapport sur le sujet, mais que "par omission de l’administration", celui-ci n’a pu être réalisé dans les délais. "C’est inadmissible qu’à cause d’une erreur de fonctionnaire qui n’a pas déposé la demande dans les temps, un rapport très attendu n’ait pu être fait. Cette question orale n’est pour moi qu’un pis-aller", a ainsi regretté la députée conservatrice.
Selon celle-ci, la réforme de 2008 portait la marque "ultra libérale" de la précédente commissaire en charge de l’agriculture, Mariann Fischer Boel, avec des instruments comme le plan d’arrachage, la suppression des droits de plantation et la fin des mécanismes d'intervention. "Entre 2008 et 2011, 4,6% des surfaces viticoles européennes ont été arrachées. Le potentiel de production a été réduit de 10 millions d'hectolitres par rapport à l'année de production 2008, et cet arrachage de 161 200 hectares a coûté 1,24 milliard d'euros", a détaillé Astrid Lulling.
L’eurodéputée a par ailleurs rappelé que grâce au Parlement européen, la libéralisation des droits de plantation prévue pour 2016 n’aurait pas lieu, mais que ce système serait remplacé par un système d'autorisation des plantations ce qui permettra aux producteurs qui veulent planter davantage parce qu’ils en ont les moyens de vendre plus de le faire sans pénaliser les autres.
"Sans le Parlement, ces mesures qui sauveront la viticulture n’auraient jamais vu le jour", a-t-elle insisté, notant que ce qui avait été "arraché" par les eurodéputés dans le cadre de la réforme de la PAC permettrait de garantir "la diversité et le potentiel de la viticulture européenne, ses traditions mais aussi sa contribution aux magnifiques paysages qui sont un fonds de commerce pour le tourisme européen".
"Puisque les vins sous appellation créent plus de valeur ajoutée, je suis d’avis qu’il convient de maintenir obligatoirement les dispositifs d’appellation dans les régions", a-t-elle poursuivi, notant que 63 % de la production de vins européens (soit 103 millions d'hectolitres) sont produits sous appellation d’origine protégée (AOP) et sous indication géographique protégée (IGP) et 31 % (51 millions d’hectolitres) le sont sans indication géographique.
Concernant les pratiques œnologiques, Astrid Lulling s'est fermement opposée à ce que davantage de compétences soient déléguées à la Commission sous forme d'actes délégués. "Il faut maintenir la réglementation des pratiques œnologiques dans le règlement de base et ne pas déterrer la hache de guerre entre le Nord et le Sud qui avait été enterrée en 2008".
La députée s’est néanmoins félicitée d’une "bonne nouvelle": Les subventions à hauteur de 2,8 milliards d'euros utilisées pour la promotion des vins européens sur les marchés non communautaires auraient porté leurs fruits. La quantité totale des exportations a ainsi augmenté de 22 % (de 17,9 millions d'hl à 22,8 millions) et la valeur de ces exportations a cru de 36%. Près des deux tiers ont été exportés en bouteilles, "preuve" de la compétitivité des vins haut de gamme européens selon Astrid Lulling.
Les importations ont également augmenté de 5 % mais leur valeur a diminué de 2,7 à 2,4 milliards d'euros (64 % de ces importations étaient à destination du Royaume-Uni et de l'Allemagne). "Seuls 33 % des vins communautaires, soit 49 millions d’hectolitres, sont commercialisés entre les pays de l'UE, il faut donc arriver enfin à activer les débouchés intracommunautaires au lieu de laisser ces parts aux pays tiers", a insisté Astrid Lulling.
"Nous ne voulons pas d'une nouvelle réforme du secteur du vin qui ne serait pas opportune, nous voulons étendre les mesures de promotion. Il faut laisser les viticulteurs travailler, pardonnez-moi, foutez-leur la paix", a-t-elle lancé dans un langage un peu vert.
"Non, la Commission européenne n'envisage pas une autre réforme du secteur viticole. Oui, le secteur viticole a besoin de pouvoir travailler et d'assurer la mise en œuvre de ce qui existe", lui a répliqué dans le même registre Dacian Ciolos, le commissaire européen à l'agriculture. "Vous avez demandé de leur foutre la paix, c’est ce que nous faisons. Je rappelle que ce n’est pas la Commission qui a demandé de revoir la réforme de 2008".
Selon lui, l'évaluation initiale de la réforme de 2008 est "jusqu'à présent plutôt positive". L’arrachage, comme nouvelle mesure structurelle, aurait notamment démontré son intérêt auprès des producteurs pour remplacer les mesures de distillation. Les stocks ont diminués et les exportations de l'UE vers les pays tiers ont progressé tant en volume (15% de la production de l'UE en 2012, 23 millions d'hl) qu'en valeur. "Le vin européen tire comme une locomotive d'autres secteurs de l'industrie alimentaire sur des marchés internationaux", a poursuivi le commissaire. "Nous allons utiliser ces aspects dans le nouveau programme de promotion, le nouveau règlement que nous allons bientôt vous proposer pour renforcer la promotion agroalimentaire européenne, et j'espère que le vin en bénéficiera", a-t-il ajouté.
De son côté, le Français Michel Dantin (PPE), rapporteur sur la réforme de l'OCM unique, a estimé que le secteur est "assez bien organisé", mais qu'il était nécessaire de faire un meilleur usage des outils en termes d'organisations de producteurs et d'interprofession. Il a demandé à la Commission de lancer des campagnes d'information sur "les signes de qualité".