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Agriculture, Viticulture et Développement rural - Environnement
Le Conseil Energie n’a pas pu se mettre d’accord sur des mesures de réorientation de la politique européenne en matière d’agrocarburants
12-12-2013


Günther Oettinger et Jaroslav Neverovič © Conseil de l'UELe 12 décembre 2013, le Conseil Energie s’est penché sur les mesures de réorientation de la politique européenne en matière d’agrocarburants. Ils n’ont pas réussi à se mettre d’accord sur le texte de compromis présenté par la présidence lituanienne de l’UE.

Le Luxembourg et quatre autres Etats membres (Belgique, Pays-Bas, Danemark et Italie) ont estimé que la proposition n’était pas assez ambitieuse. Ils ont notamment déploré qu’elle limite à un seuil de 7 %, qu’ils jugent trop élevé, la production d’agrocarburants dits de première génération, dont les effets bénéfiques pour l’environnement sont contestés en raison du changement d’affectation des sols indirects, dit facteur CASI. A l’inverse, deux Etats membres, la Hongrie et la Pologne, se sont opposés à un compromis qu’ils jugeaient trop ambitieux.

Le fait que le facteur CASI ne soit pas pris en compte dans la mesure du bilan des agrocarburants de première génération, alors que c’était justement le but principal de la proposition de modification des directives Qualité du carburant et Energies renouvelables ici en discussion, n’a pas davantage convaincu les cinq pays. Le texte de compromis prévoit certes l’introduction du facteur CASI dans les textes mais seulement pour susciter la création de données qui alimenteraient l’étude que la Commission européenne est chargée de faire à ce sujet.

Dans son intervention, le représentant permanent adjoint du Luxembourg auprès de l’UE, Georges Friden, a rappelé que "lors des négociations sur le Paquet Climat énergie, le Luxembourg a toujours plaidé pour la mise en œuvre d’objectifs ambitieux en matière d’énergies renouvelables, y compris dans le secteur des transports", afin de justifier son refus du texte de compromis. Ce dernier ne remplirait pas une des deux "fonctions essentielles" des énergies renouvelables, à savoir la diminution de l’impact de l’activité humaine sur la nature et le climat. "Le Luxembourg a alerté le commissaire  sur le fait que certaines productions de biocarburants ne remplissaient pas de manière satisfaisante la deuxième fonction, principalement à cause de la question de l’usage indirect des sols », a-t-il souligné, notamment en référence à la position adoptée par le ministre luxembourgeois de l’Energie, Etienne Schneider, le 22 février 2013.

Ainsi, le Luxembourg pensait que le facteur CASI n’avait pas été assez pris en compte dans la proposition initiale du 12 octobre 2012 de la Commission européenne,  mais se satisfaisait du taux limitant à 5 % la part d’énergies renouvelables dans le secteur des transports issus d’agrocarburants de première génération. Le Luxembourg a dans la continuité de cette position remis le 12 décembre en cause "la valeur ajoutée d’un seuil à 7 % en 2020 alors que les projections montrent qu’avec un scénario ‘business as usual‘ le niveau atteindrait 8 % en 2020".

Le Luxembourg a dénoncé, comme les Pays-Bas et la Belgique, le fait que le compromis ne comporte plus d’"objectif contraignant pour soutenir le développement d’agrocarburants avancés, ni d’obligation de ‘rapportage’ de l’impact en termes d’usage indirect des sols".

De même, le Luxembourg a déploré l’extension à l’objectif global de 20 % des coefficients multiplicateurs des biocarburants avancés. Ces "artifices comptables" compromettraient la réalisation effective de l’objectif de 20 % pour 2020 et feraient de ce texte "un recul" par rapport à la directive Energies renouvelables de 2009 qui a fixé cet objectif.

Espérant vivement l’adoption d’un compromis, la Commission européenne a déploré le statu quo qui se profile en raison de l’absence d’accord au Conseil. "Nous ne pouvons pas continuer pendant sept ans avec les directives actuelles. Il va falloir tourner la page. (…) Il faut les modifier pour donner à notre politique et à sa durabilité la crédibilité dont elle a besoin", a dit à l’adresse des ministres, le commissaire européen en charge de l’énergie, Günther Oettinger.

Le ministre italien de l’Energie a pour sa part encouragé le Conseil à trouver rapidement un accord, estimant que celui-ci pourrait intervenir au plus tôt au deuxième semestre 2014, lorsque son pays assumera la présidence de l’UE.

Les réactions des lobbys anti- et pro-CASI

L’European Biodiesel Board (EBB) a vu dans l’absence d’accord au Conseil une remise en cause du facteur CASI qu’il avait déjà cru déceler dans le vote de la commission Environnement du Parlement européen, qui, le 17 octobre 2013, avait refusé un mandat de négociation avec le Conseil. La situation montre que "le facteur CASI est loin d’être consensuel", a déclaré le secrétaire de ce groupement de producteurs d’agrocarburants dans le communiqué de presse, voyant s’ouvrir "l’opportunité de se reposer sur des faits solides dans ce dossier complexe".

Le Bureau européen de l’environnement (BEE) a déploré à l’inverse un "délai supplémentaire".  "Les Etats membres ont prolongé la situation actuelle nocive et le développement d’une technologie qui, dans certains cas, mène à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre en comparaison aux énergies fossiles, au détriment des investissements durables", lit-on dans son communiqué. "Les Etats membres ont permis la poursuite d’une politique mal orientée qui contribue à la déforestation, au changement climatique, à la famine et à l’accaparement", a dit une de ses responsables.