La veille de la rencontre, le 13 février 2014, des chefs de gouvernement de la Belgique, des Pays-Bas et du Grand-duché de Luxembourg, pour un "sommet social" à Bruxelles, les grands syndicats des trois pays, dont le LCGB, et l’OGBL pour le Luxembourg, attirent l’attention de leurs chefs de gouvernement "sur une série de revendications syndicales face à diverses initiatives inquiétantes prises récemment par la Commission européenne" et leur demandent d’en tenir compte dans leurs discussions.
En ce qui concerne le dumping social, "les syndicats se réjouissent d’apprendre que l’initiative de ce sommet social sera notamment de chercher des solutions aux problèmes concernant la directive sur les travailleurs détachés". Les trois pays ont en effet l’intention de mettre en œuvre de manière anticipée certaines mesures de la directive Détachement révisée. Les syndicats disent "soutenir toutes les initiatives prises en vue de lutter contre le dumping social", mais aussi "toutes les mesures qui visent à mieux coordonner les actions de contrôle sans lesquelles ni la directive Détachement, ni la directive 'mise en œuvre' ne pourront atteindre l’objectif d’en finir avec l’exploitation des travailleurs et le dumping social."
Les syndicats estiment néanmoins que le compromis du Conseil EPSCO du 9 décembre 2013 "n’est malheureusement pas une avancée assez significative dans la lutte contre le dumping social", même s’il va "dans le bon sens en ce qui concerne les mesures de contrôle en laissant la possibilité aux Etats de les imposer". Ils estiment qu’une "concurrence déloyale entre les travailleurs nationaux et détachés est toujours possible". Ils revendiquent la mise en place d’un "Europol social", c’est- à-dire un corps de fonctionnaires habilités à poursuivre les abus en matière de détachement au-delà des frontières nationales d’un Etat-membre. Il ne leur suffit pas que les services d’inspection soient mentionnés dans le compromis, ils veulent "la mise en place de procédures concrètes les obligeant à collaborer et à s’organiser pour qu’ils puissent effectuer leur travail avec une connaissance suffisante des législations applicables et avec des moyens coordonnés en vue de lutter efficacement contre la concurrence déloyale."
Une autre revendication importante est l’application du principe "A travail égal, salaire égal" entre tous les travailleurs occupés sur un même lieu de travail, quelle que soit leur nationalité. Ils veulent par ailleurs "une liste ouverte de mesures de contrôle et un mécanisme de responsabilité solidaire obligatoire pour l’ensemble de la chaîne de sous-traitance et pour l’ensemble des secteurs."
Ils rappellent "les bonnes pratiques en vigueur au sein des Etats membres du Benelux" qui devraient servir d’exemple dans toute l’UE, parce que, avec plus de 30 000 Belges qui travaillent aux Pays-Bas et plus de 7000 Néerlandais qui viennent travailler en Belgique, avec 35 000 Belges qui travaillent au Luxembourg et plusieurs centaines de Luxembourgeois qui travaillent en Belgique, ils sont "un bon laboratoire en ce qui concerne ces questions".
Les syndicats du Benelux demandent également à leurs trois gouvernements de "lutter vigoureusement contre l’utilisation abusive des constructions légales existantes et des relations de travail flexibles, notamment par le travail avec des faux-indépendants sans personnel et par des constructions internationales, avec utilisation ou non de travailleurs étrangers." Ce type de constructions ne peut être empêché "que par des accords et par une collaboration au niveau européen et de façon bilatérale, avec plusieurs Etats-membres européens." Pour ce faire, les syndicats revendiquent :
La communication "Refit, Regulatory Fitness and Performance", lancée le 2 octobre 2013 par la Commission, et qui vise à simplifier la vie des entreprises en supprimant une série de charges administratives appelle de fortes critiques de la part des syndicats européens, dont la CES.
Dans la logique de ces critiques, les syndicats du Benelux estiment qu’une "évaluation de l’impact des nouvelles réglementations sur les PME ou les grandes entreprises ne peut entraîner de régression des droits des travailleurs" et "ne peut faire obstacle ni à un renforcement de ces droits ni à l’amélioration de leur protection sur le lieu de travail pour faire face tant aux anciens qu’aux nouveaux risques." Or, estiment-ils, "les conséquences sociales de Refit sont désastreuses".
Les syndicats citent à titre d’exemple le fait qu’en matière de santé et sécurité au travail, il n’y aura plus de nouvelle initiative. Ils reprochent à la Commission qu’elle "refuse de ratifier les accords conclus entre partenaires sociaux européens sur la sécurité et la santé pour les coiffeurs (victimes de cancers professionnels) et les pêcheurs alors que ceux-ci étaient pourtant ratifiés par les partenaires sociaux du secteur." Ils jugent également qu’au nom de la simplification administrative, "cette initiative détricote la règlementation sociale jugée trop lourde pour les entreprises" et qu’il s’agit là "d’une attaque directe contre les droits sociaux fondamentaux des travailleurs", voire d’un "véritable danger pour le modèle social européen", et de surcroît en contradiction avec le Traité de Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE).
Conclusion : Les syndicats demandent aux chefs de gouvernement du Benelux "de se distancier de cette initiative et d’interpeller la Commission sur les missions sociales que lui confie le TFUE", car "à défaut, le divorce entre ces citoyens et les institutions de l’Union ne fera que s’accroître".
Investir pour des emplois de qualitéLes syndicats du Benelux plaident également pour une limitation de la flexibilité du travail et un encadrement plus strict des contrats temporaires et à durée déterminée successifs, qui devraient "déboucher sur des emplois à durée indéterminée". Ils demandent "des garanties en matière de santé et sécurité au travail" et refusent que les emplois précaires ou bon marché se substituent à l’emploi de qualité. Jugeant que "les politiques économiques qui sont mises en œuvre visent plus à rassurer les marchés financiers qu’à garantir le progrès social", ils veulent qu’au-delà de la gouvernance économique, l'on agisse "pour mettre en place une véritable gouvernance sociale européenne".
Et de rappeler l’existence d’un "ambitieux programme d’investissement intitulé Une nouvelle voie pour l’Europe" élaboré par la CES qui "prévoit des investissements à long terme avec un objectif d’investissement annuel de 2% du PIB européen pendant 10 ans". Ces investissements iraient "dans les industries et les services durables, en particulier les PME, dans la formation et l’éducation, la recherche-développement, les infrastructures de transport modernes, la réindustrialisation de l’UE, des services privés performants et des services publics de qualité."
Les syndicats revendiquent finalement "de nouvelles mesures fortes et contraignantes pour combattre l’évasion, l’évitement ou la fraude fiscale" et la suppression des paradis fiscaux. Egalement dans leur mire sont la corruption, le travail au noir et la spéculation. Pour eux, "la fiscalité en Europe doit être redistributive et progressive" et "l’assiette fiscale et le taux d’impôt sur les sociétés ( …) harmonisés, éventuellement par l’introduction d’un taux minimum de 25% qui est le taux moyen actuel"