Les ministres des Affaires étrangères de l’UE se sont réunis le 20 février 2014 pour un Conseil extraordinaire qui avait été convoqué la veille, en urgence, au vu de l’évolution "dramatique" de la situation en Ukraine.
Le pays, ébranlé par une crise politique qui dure depuis que le président Ianoukovitch a refusé de signer en novembre 2013 un accord d’association longuement négocié avec l’UE, provoquant l’ire d’une opposition pro-européenne, a en effet connu une escalade dans la violence le 18 février 2014, tandis que le président Ianoukovitch annonçait des "mesures antiterroristes" le lendemain. Le 20 février, la situation se détériorait encore, avec un bilan qui atteindrait plus de soixante-dix morts, dont certains auraient été tués à balle réelle, sans compter un très grand nombre de blessés.
La violence des affrontements avaient suscité nombre de réactions appelant au dialogue entre le pouvoir, l’opposition et la société civile, à l’image de la déclaration du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, le 19 février 2014.
Lors de leur réunion, les ministres des Affaires étrangères ont fermement condamné toute forme de violence et de répression. Ils ont appelé le gouvernement ukrainien à faire preuve de retenue et à respecter les droits de l'Homme et les libertés fondamentales. Mais ils ont aussi appelé les chefs de l'opposition à se distancer de ceux responsables d'actions radicales et violentes. Les ministres ont également lancé un appel à toutes les parties à engager rapidement un dialogue constructif dans l'intérêt des aspirations démocratiques du peuple ukrainien.
Vu la détérioration de la situation en Ukraine, le Conseil a par ailleurs adopté des sanctions ciblées, prévoyant notamment un gel des avoirs et une interdiction de voyager à l’encontre des responsables de violations des droits de l'homme, d'actes de violence et de force excessive. Il s’agit là de viser "directement les personnes responsables d'actes très graves", ainsi que l’a souligné le ministre Jean Asselborn, qui représentait le Luxembourg lors de cette réunion. "Il ne faut pas donner l'impression que nous adoptons des sanctions contre l'Ukraine ou contre le peuple ukrainien", avait en effet plaidé le chef de la diplomatie luxembourgeoise auprès de ses collègues. Les ambassadeurs de l’UE doivent toutefois se tenir prêts à fournir une liste des personnes concernées à tout moment, ainsi que le souligne le Tageblatt dans son édition datée du 21 février 2014.
Les États membres de l'Union européenne ont également décidé d'une interdiction d'exportation d'équipements pouvant être utilisés à des fins répressives. Il n’a pas été jugé nécessaire de se prononcer sur un embargo sur les armes dans la mesure où l’Ukraine n’achète quasiment pas d’armes à l’UE, ainsi que l’a précisé le ministre luxembourgeois à la journaliste Marisandra Ozolins.
Les conclusions de ce Conseil extraordinaire précisent que l'ampleur de la mise en œuvre de ces sanctions se fera "en fonction des développements de la situation en Ukraine".
L’enjeu était en effet de ne pas "fermer la porte" aux négociations entamées le matin même par trois ministres des Affaires étrangères européens, a expliqué Jean Asselborn, qui a confié au Tageblatt que l’accord sur les sanctions n’était "pas le top de ce qu’on aurait pu décider". Le ministre semble en effet conscient que "ce ne sont pas des sanctions qui vont résoudre à elles seules la crise politique ukrainienne, mais plutôt un renouveau démocratique et une revitalisation de l’économie".
A l’heure où les ministres se réunissaient à Bruxelles sous la présidence de Catherine Ashton, les ministres allemand, français et polonais étaient à Kiev où ils devaient rencontrer le président, mais aussi les représentants de l’opposition. Leur mission était de mener des négociations sur la base de propositions de l’UE pour parvenir à la fin des violences, mais aussi pour parvenir à une réforme constitutionnelle, à la formation d’un nouveau gouvernement et à la tenue de nouvelles élections présidentielles et législatives.
"Nous avons cherché à articuler les sanctions sans réduire à zéro l'action de nos trois collègues", a expliqué Jean Asselborn à l’AFP. Et il estimait à l’issue du Conseil, au cours duquel les ministres étaient informés de la progression des discussions, qu’on ne leur avait pas opposé un "niet", ainsi qu’il l’a confié au Tageblatt.
Lors de son intervention au cours du Conseil, le ministre luxembourgeois a souligné qu'un risque d'anarchie latente existait en Ukraine: "En ce moment, tous nos regards sont concentrés sur Kiev. Mais il y a d'autres villes ukrainiennes qui sont en déstabilisation complète et où le gouvernement n'a plus de contrôle. Il faut être conscient qu'il y a un réel risque de désintégration territoriale!", a-t-il mis en garde.
Jean Asselborn a également souligné l'importance de ne pas uniquement mettre la pression sur le président ukrainien Ianoukovitch, ce qui était indispensable, mais aussi sur "les provocateurs parfois radicaux et violents qui sont à l'œuvre du côté de l'opposition."
Concernant les relations entre l'UE et la Russie, le chef de la diplomatie luxembourgeoise a donné à considérer que "la Russie ne peut pas avoir un intérêt à moyen ou à long terme d'avoir un État ukrainien déstabilisé à ses côtés". "L'Union européenne et la Russie ont là un intérêt commun, et il faut s'efforcer à trouver un terrain d'entente!", a-t-il plaidé alors qu’il doit rencontrer son homologue russe, Serguei Lavrov, le 25 février prochain.
La Russie avait d’ailleurs envoyé son délégué aux droits de l'homme, l’ancien diplomate Vladimir Loukine, pour apporter son concours aux négociations qui se sont poursuivies pendant une bonne partie de la nuit à Kiev.
Au matin du 21 février, une certaine confusion régnait quant à leur issue, un accord portant sur la mise en place d’un gouvernement de transition en attendant une réforme constitutionnelle en septembre et la tenue de présidentielles anticipées en décembre prochain étant évoqué sans toutefois être confirmé par toutes les parties à l’heure de la rédaction de cet article.