Les députés de la commission AGRI du Parlement européen ont rejeté le 11 février 2014 avec une très large majorité de 37 voix contre 2 la très contestée proposition de règlement de la Commission européenne sur les semences de mai 2013.
Ils craignent que le texte donne à la Commission des pouvoirs trop larges et ne laisse pas de marge de manœuvre aux États membres pour adapter les dispositions à leurs besoins. La proposition ne répond pas aux objectifs clés, tels que la simplification des règles et la promotion de l'innovation, et n'aborde pas les questions liées aux plantes considérées comme des ressources génétiques, ajoutent-ils.
"Aujourd'hui, nous avons envoyé un signal fort à la Commission: la commission de l'agriculture n'est pas satisfaite de la proposition qui a été présentée et qui a suscité de nombreuses craintes parmi les députés. Nous craignons que la fusion de 12 directives en un seul règlement - directement applicable - n'offre pas de marge de manœuvre suffisante aux États membres pour adapter les règles proposées à leurs besoins, alors que le nombre élevé d'actes délégués donnerait à la Commission des pouvoirs excessivement larges, en particulier sur le matériel hétérogène et les marchés de niche", a déclaré le président de la commission parlementaire, Paolo De Castro (S&D, IT). Les députés de la commission de l'agriculture ont rejeté la proposition de règlement de la Commission par 37 voix contre deux.
"La proposition de la Commission européenne est arrivée trop tard et ne laisse pas suffisamment de temps au Parlement pour s'attaquer pleinement et de manière responsable à cet important texte législatif pour le secteur des semences. J'estime que, dans ce cas, le contenu est plus important que les délais. C'est pourquoi nous avons approuvé une question orale pour demander à la Commission si elle est disposée à retirer la proposition en vue de soumettre un nouveau projet amélioré au prochain Parlement européen qui sera élu en mai. En session plénière, nous nous prononcerons sur une résolution non législative qui résumera nos préoccupations et servira de bonne base à la Commission européenne pour améliorer sa proposition", a affirmé le rapporteur Sergio Paolo Francesco Silvestris (PPE, IT).
Karin Kadenbach, eurodéputée et rapporteure fictive S&D pour la commission de l’agriculture, a ajouté ce qui suit : "La complexité des règles sera un obstacle insurmontable pour les plus petits acteurs. L’extension, en particulier, du champ d'application de la loi au matériel de reproduction végétale, au-delà de la commercialisation à la production, constitue un sérieux problème. Les petits producteurs, qui actuellement ne tombent pas sous le champ d'application de la loi sur les MRV, seraient soumis du jour au lendemain à des règles bureaucratiques. Cela favorise clairement les grands producteurs, parce que de nombreux petits producteurs seraient tout simplement éjectés du métier. "
"Ce règlement est aussi discriminatoire par rapport à toutes les semences non industrielles. Les plantes non industrielles (plantes de la ‘biodiversité’) sont limitées à de petites niches bureaucratiques. Autrement dit, le règlement vise à maintenir le marché entre les mains des fournisseurs industriels de semences et de MRV."
"Nous avons besoin d’une nouvelle législation parce que la loi actuelle date des années 1960, lorsque le marché des semences et des MRV était très différent. Toutefois, je pense qu’une directive qui facilite l’accès au marché vaut mieux qu’un règlement. Cette approche encouragerait l’innovation, combattrait la concentration du marché des semences et laisserait fleurir la biodiversité."
Le député européen vert luxembourgeois Claude Turmes, qui a fait campagne depuis plusieurs mois campagne contre le règlement sur les semences à coup de conférences de presse et d’exposés, et surtout avec une pétition qui a rassemblé plus de 5 500 signatures rien qu’au Luxembourg, a salué le rejet du texte comme une "victoire d’étape".
Dans un communiqué, il rappelle à quel point "il est important de faire comprendre à tout le monde quels risques le règlement sur les semences recèle comporte pour la biodiversité et la qualité des produits alimentaires." Il menace selon lui les PME du secteur des semenciers par les procédures onéreuses en temps et argent qu’il prévoit et qui pourraient conduire à la disparition de variétés de fruits et de légumes régionales et traditionnelles. Il salue au passage les signataires de la pétition qu’il avait lancée le 24 janvier, qui se sont selon lui "prononcés contre le diktat des géants de l’agrochimie".
Après son rejet en commission AGRI, la proposition sera examinée par le Parlement en plénière. Si la plénière suit la recommandation de la commission de rejeter la proposition, le Président du Parlement européen demandera à la Commission de la retirer.
La commission de l'environnement (ENVI) du Parlement européen avait déjà adopté le 30 janvier un avis qui rejette une proposition de règlementation de la production et de la mise à disposition commerciale de semences et autre matériel de reproduction végétale (MRV).