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Énergie - Environnement
Claude Turmes a parlé de l’Europe au défi de l’environnement dans le cadre du cycle de conférences "Regards croisés" organisé par des communautés et associations catholiques
06-02-2014


turmes-conference-jesuites-140206Invité le 6 février 2014 par la Communauté jésuite de Luxembourg et ses amis, La Vie Nouvelle Luxembourg ASBL, le "Jesuit European Social Center" (JESC) de Bruxelles, l’"Antenne Kirchberg" de la paroisse européenne à Luxembourg, et la Commission "Justice et Paix" à parler de la politique environnementale de l’UE, l’eurodéputé vert luxembourgeois Claude Turmes a essayé de montrer, à la lumière de plusieurs décisions prises au niveau du Parlement européen ou de l’UE dans son ensemble, comment la politique peut orienter et changer la marche des choses dans le sens du développement durable. Un terme galvaudé, dénaturé et assaisonnée à toutes sortes de sauces, selon le député, pour qui les décisions qui s’intègrent dans la démarche du développement durable sont celles qui anticipent la croissance démographique mondiale et la pression auxquels les 9 milliards d’êtres humains soumettront en 2050 les écosystèmes du globe. Bref, il s‘agit de saisir et de comprendre les moments de rupture possibles comme la hausse de plus de 2 degrés de la température moyenne de la planète qui aurait des effets de dégel irrémédiables tels sur l’Arctique et la Sibérie que des quantités infinies de méthane seraient libérées dans l’atmosphère, avec toutes les conséquences que l’on connaît aux gaz à effets de serre.

Premier exemple : La position du Parlement européen sur les objectifs contraignants en matière de climat et d'énergie à l'horizon 2030

La première décision que Claude Turmes a évoqué à titre d’exemple positif datait de la veille, quand les députés européens ont adopté en plénière une résolution sur des objectifs contraignants en matière de climat et d'énergie à l'horizon 2030 dans laquelle ils appellent la Commission et les pays de l'UE à fixer des objectifs européens à l'horizon 2030 afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l'UE d'au moins 40 % par rapport aux niveaux de 1990. Le texte demande par ailleurs un objectif d'efficacité énergétique de 40 %, conformément au potentiel d'économies d'énergie, et une augmentation contraignante pour les Etats membres à 30 % minimum de la part des énergies renouvelables dans la consommation énergétique finale. Le Conseil Environnement et le Conseil Energie devront tenir compte de cette position du Parlement lors de leurs réunions qui précèderont celle du Conseil européen des 20 et 21 mars.

"Avec cette résolution, le Parlement a dit non au paquet d’objectifs proposés par la Commission, jugé trop faible, et lancé aux Etats membres le message qu’il faut faire mieux", a expliqué le député, pour qui ce qui s’est passé le 5 février est un message d’espoir.

Et de narrer comment il a été inquiet de l’issue du vote – qui a effectivement été serrée – et qu’il a fallu démarcher des députés libéraux et du PPE qui hésitaient pour voter en faveur du texte, ébranlés par les pressions de grandes entreprises gazières comme GDF et EON, et les objections des charbonnages polonais. Claude Turmes a évoqué dans ce contexte l’exemple de la députée européenne et ancienne ministre de la Justice française, Rachida Dati, qui a seulement commencé à participer aux réunions de la commission ITRE depuis que les travaux sur les objectifs en matière de climat et d’énergie y étaient discutés, et qui s’y est surtout distinguée par des amendements contre les objectifs contraignants en matière d’énergies renouvelables. Par une fuite, on a entretemps appris que Rachida Dati avait reçu un demi-million d’euros de GDF pour des conseils, de sorte qu’elle devra s’expliquer devant le comité d’éthique du Parlement. Cette histoire soulève pour Claude Turmes la question de ce que des entreprises comme GDF font encore pour influencer les débats. Quant à lui-même, il a participé à des entretiens avec le nouveau gouvernement allemand qui ont pour but de souder une alliance autour de Paris et de Berlin en faveur du développement des énergies renouvelables.

Deuxième exemple : le débat en cours sur la règlementation des semences et les risques encourus par la biodiversité

Le deuxième exemple est le débat, qui n’est pas encore arrivé à sa conclusion, sur l’orientation que prendra la règlementation européenne sur la question de semences. Pour rappel, le 6 mai 2013, la Commission européenne publiait un ensemble de propositions en vue de moderniser, de simplifier et de renforcer la filière agro-alimentaire. Une de ces propositions entend simplifier l’enregistrement des semences dans des catalogues nationaux et européens dans le but de garantir la productivité, l’adaptabilité et la diversité de la production végétale et forestière de l’Europe, et de faciliter les échanges commerciaux en la matière. 

Le problème, explique Claude Turmes, est que seules les semences qui respectent les critères dits DUS (distinctness, uniformity, stability) peuvent être enregistrés, et seules les semences enregistrées pourront être vendues. Or, les petits semenciers, fruiticulteurs, maraîchers et autres produisent aussi des semences hybrides, moins stables, plus résistantes aux aléas climatiques et qui du fait de ne pas être uniformes ou stables ne peuvent entrer dans les catalogues ni être vendues en conséquence. S’y ajoute que cela devient plus difficile et plus cher d’inscrire des semences dans le catalogue. "Les petits semenciers se feront écraser par les grandes multinationales", pense le député, pointant entre autres Monsanto qui tient 24 % du marché. Il pense entre autres à trois semenciers luxembourgeois, dont l’un exporte des pousses de pommes de terre de l’Oesling en Egypte pour la production de pommes de terre grenaille qui viennent sur le marché dès février ou mars. Si le règlement de la Commission passe, ce sera la fin de ces entreprises. Son collègue José Bové et lui-même ont d'ailleurs fait publier une étude sur la concentration du marché des semences pour corroborer leurs thèses et leur critique de l’approche de la Commission.

Avec le règlement sur les semences, se pose selon Claude Turmes toute la question de la biodiversité. Or, dans un contexte de changement climatique et de déplacement des couches hydrologiques, cette question est cruciale. Il cite pour exemple les réflexions qui sont menées au sein de l’Administration des Eaux et Forêts luxembourgeoise sur les plans de remplacement des variétés d’arbres actuelles, puisqu’il n’est pas sûr que le chêne ou le hêtre puissent résister à certaines chaleurs. Mais par quelle variété plus adaptée les remplacer ? C’est pourquoi "il faut garder le maximum de biodiversité", indique Claude Turmes.

1300 amendements ont déjà été formulés au Parlement européen pour orienter la règlementation sur les semences vers le respect de la biodiversité. Le Parlement devra s’organiser, ne serait-ce parce que, comme le dit Claude Turmes, "le texte passera comme lettre à la poste au Conseil, puisque la France et les Pays-Bas se réjouissent de sa teneur". Au Parlement européen, l’option de la biodiversité pourra probablement obtenir une majorité. La société civile, et notamment la discussion lancée à ce sujet par Roberto Burdese, "le charismatique président" (a dit Claude Turmes) de Slow Food Italia a "renversé la vapeur". Preuve en sont aussi les 6000 signatures que les Verts ont rassemblées en moins de deux semaines au Luxembourg pour plaider pour une réorientation de la règlementation sur les semences. Autre élément : le gouvernement luxembourgeois appuiera aussi l’option de la biodiversité. Mais les citoyens devront aider à faire sortir les ministres du Conseil de leur tour d’ivoire.

Claude Turmes a cité au cours de la soirée encore d’autres éléments d’espoir produits par la politique européenne, comme la directive-cadre sur l’eau, dont le non-respect en matièere de traitement des eaux résiduaires a entraîné que le Luxembourg doit verser des amendes journalières importantes pour les retards dans sa mise en œuvre, ou la directive sur l’efficacité énergétique qui a entraîné le secteur de la construction à proposer très rapidement des immeubles à zéro énergie. Il a également cité la nouvelle directive sur les marchés publics, votée au Parlement européen à une large majorité le 15 janvier 2014. Celle-ci autorise désormais que des considérations en matière de développement durable pourront être intégrées dans les cahiers de charge des autorités publiques adjudicatrices, ce qui peut permet un choix délibéré pour les produits issus du commerce équitable,

Claude Turmes a achevé sa conférence avec une conclusion sur quelques principes : "La politique européenne n’est pas quelque chose de figé. On gagne, on perd, on gagne. Et je peux comprendre les citoyens qui pensent qu’il faut renationaliser les politiques et détricoter l’UE. Mais les grands problèmes dépassent nos frontières. C’est le cas pour le changement climatique et pour les questions financières et économiques. Le retrait sur l’îlot de souveraineté est devenu impossible. Si l’on veut cadrer une multinationale, il faut un cadre européen. Il faut donc améliorer les institutions qui sont si précieuses plutôt que de les détruire. Cent ans après le début de la Première Guerre mondiale, les historiens devraient nous aider à conscientiser la société sur la question de la paix, et pas seulement chez les jeunes, souvent indifférents à cette question, parce qu’elle est devenue si normale. Dans les moments de doute, il faut jeter un regard en arrière, puis en avant, vers l’espoir que l’on ne peut faire partager au citoyen qu’à condition de se rapprocher de lui".