Les autorités judiciaires qui demandent à leurs homologues d'autres Etats membres de mener des mesures d'enquêtes dans leur pays, notamment des actes tels que des perquisitions ou des interrogatoires de témoins, devraient obtenir une réponse plus rapide et plus favorable, grâce à la nouvelle "décision d'enquête européenne" adoptée par le Parlement européen en plénière le 27 février 2014.
Pour mémoire, en mai 2010, la Commission européenne avait proposé, sur initiative de la Belgique, de la Bulgarie, de l’Estonie, de l’Espagne, de l'Autriche, de la Slovénie et de la Suède, un projet de directive relatif à la "décision d'enquête européenne". L’objectif visé était la mise en place, parallèlement au mandat d’arrêt européen, d’un système global d'obtention de preuves dans les affaires revêtant une dimension transfrontière reposant sur un instrument unique.
Il s’agit ainsi d’un mécanisme permettant aux États membres de prendre une décision d'enquête en vue de faciliter l’ouverture et la mise en œuvre d’une ou plusieurs mesures d'enquête spécifiques dans l'État d'exécution afin d’y recueillir des preuves. La "décision d’enquête" avait fait l’objet d’un accord informel en trilogue le 26 novembre 2013, avant d'être confirmée formellement début décembre au Conseil JAI et par le vote du rapport de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen, le 5 décembre 2013.
En approuvant par 467 voix pour, 22 voix contre et 10 abstentions le rapport de l’eurodéputé portugais Nuno Melo (PPE), le Parlement européen a donné son feu vert au nouvel instrument. Avant d'entrer en vigueur, la directive sur la décision d'enquête européenne devra encore être approuvée formellement par le Conseil des ministres. Une fois adoptée, les États membres disposeront de trois ans pour la transposer en droit national. Le Royaume-Uni prendra part aux dispositions sur la décision d'enquête européenne, mais pas l'Irlande ni le Danemark.
Conformément aux nouvelles règles, les États membres disposeraient d'un délai maximal de 30 jours pour décider d'accepter ou non une demande de décision d'enquête européenne. Si elle est acceptée, un délai de 90 jours serait alors fixé pour mener l'enquête demandée. Tout retard serait communiqué à l’Etat membre à l’origine de la demande de décision d'enquête européenne.
Une demande de décision d'enquête européenne pourra uniquement être refusée pour des motifs spécifiques tels que la menace pour la sécurité nationale. Les députés ont par ailleurs introduit des dispositions pour protéger les droits fondamentaux des personnes suspectées.
Les autorités judiciaires des États membres peuvent par exemple refuser une décision d'enquête européenne si elles estiment qu'elle est incompatible avec leurs obligations en matière de droits fondamentaux. Ainsi le rapport précise que "s'il existe des motifs sérieux de croire que l'exécution d'une mesure d'enquête porterait atteinte à un droit fondamental de la personne concernée et que l'État membre d'exécution méconnaîtrait ses obligations concernant la protection des droits fondamentaux reconnus dans la Charte des droits fondamentaux notamment, l'exécution de la décision d'enquête européenne devrait être refusée".
"La décision d'enquête européenne permettra des poursuites pénales efficaces, en particulier pour les crimes transfrontaliers liés par exemple au terrorisme, au trafic de drogues et à la corruption. Elle garantira aussi le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales", a affirmé le rapporteur, Nuno Melo, rapporte le communiqué publié par le Parlement européen à l’issue du vote.
Lors d'un vote distinct, le Parlement a appelé la Commission européenne à présenter, d'ici un an, des propositions législatives afin de réviser les dispositions relatives au mandat d'arrêt européen, instrument qui gouverne l'extradition de suspects dans l'ensemble de l'UE. Malgré son succès en termes d'accélération des procédures de remise, les députés affirment que le système doit être révisé afin de mieux protéger les droits procéduraux des personnes soupçonnées ou poursuivies, d'améliorer les conditions de détention, et d'empêcher d'éventuels abus d'utilisation par certains États membres.
Par 495 voix pour, 51 voix contre et 11 abstentions, les députés réunis en séance plénière le 27 février 2014 ont en effet largement adopté la résolution d’initiative législative relative au mandat d’arrêt européen de la britannique Sarah Ludford (ADLE).
La résolution énonce des recommandations détaillées concernant la réforme, qui devrait inclure une clause sur le respect des droits fondamentaux et un "critère de proportionnalité" pour prévenir des utilisations abusives du mandat européen, notamment pour des délits mineurs. Le contrôle de proportionnalité devrait ainsi mener à ce que la mesure la moins intrusive soit appliquée.
L’initiative recommande l’introduction d’un motif de refus contraignant pour un pays (similaire à celui prévu pour la décision d’enquête), s'il existe des "motifs substantiels de croire que l'exécution de la mesure serait incompatible avec l'obligation de l'État membre d'exécution en vertu de l'article 6 du traité de l'UE et de la Charte des droits fondamentaux".
Enfin les Etats membres devraient veiller à ce que toute personne dont les droits et libertés ont été violés par une décision liée au mandat européen ait le droit et l’accès à un recours effectif devant une juridiction compétente.
Entre 2005 et 2009, 54 689 mandats d'arrêt européens ont été délivrés mais seuls 11 630 ont été mis en œuvre.
"Le mandat d'arrêt européen pourrait être baptisé l'euro de la justice et des affaires intérieures. L'idée est excellente mais le mandat a été lancé sans le soutien et les sauvegardes nécessaires pour être solide et durable. Les opérations menées dans le cadre de tels mandats doivent faire l'objet d'améliorations", s’est félicitée Sarah Ludford à l’issue du vote, selon le communiqué diffusé sur le site du Parlement européen.