Des avertissements sur les dangers du tabac couvrant les deux-tiers des paquets et un usage règlementé des cigarettes électroniques seront bientôt une réalité. Le Parlement européen a en effet adopté à une large majorité le rapport de la députée britannique Linda McAvan (S&D) sur le projet de directive relatif aux produits du tabac lors de sa séance plénière du 26 février 2014.
En adoptant par 514 voix pour, 66 contre et 58 abstentions le projet qui vise particulièrement à rendre les produits du tabac moins attrayants pour les jeunes, le Parlement a ainsi entériné, en première lecture, l'accord informel conclu le 18 décembre dernier à l'issue des discussions interinstitutionnelles avec le Conseil des ministres. Le texte devra désormais être approuvé par le Conseil le 14 mars. Les États membres devront mettre en vigueur les dispositions sur les produits du tabac deux ans après l'entrée en vigueur de la directive.
En résumé, l’accord prévoit principalement des avertissements relatifs à la santé sur deux-tiers (65 %) du paquet, à l'avant et à l'arrière et que de telles alertes se présentent sous forme d'images. Les paquets de moins de 20 cigarettes seraient interdits.
Les cigarettes électroniques devraient pour leur part être réglementées soit comme des médicaments si elles permettent d'arrêter de fumer, soit comme des produits du tabac. Dans le deuxième cas, leur concentration en nicotine ne devrait pas excéder 20mg/ml. Elles devraient être interdites aux enfants et comporter des alertes sur la santé et seraient soumises aux mêmes restrictions que les produits du tabac en ce qui concerne la publicité.
Le texte interdirait les arômes, dans les cigarettes et le tabac à rouler, qui rendraient le produit plus attractif en lui donnant un "arôme caractérisant". Le menthol serait interdit à partir de 2020. Les arômes seraient autorisés pour les pipes à eau.
"Nous sommes arrivés au bout de plusieurs années de travail contre un lobbying intense de l'industrie du tabac. Ces nouvelles mesures constituent une étape importante dans le contrôle du tabac et contribuent à ne pas créer une nouvelle génération de fumeurs. Nous savons que ce sont les jeunes et pas les adultes qui commencent à fumer. La plupart des fumeurs débutent avant 18 ans", a déclaré la rapporteure Linda McAvan, selon des propos rapportés par le communiqué diffusé sur le site du Parlement à l'issue du vote.
L’eurodéputé luxembourgeois Robert Goebbels, également membre du groupe S&D au Parlement européen, a en revanche été le seul de son groupe à voter contre le rapport. Il a expliqué son choix dans un communiqué diffusé également après le vote : "La directive 'Tabac' est le résultat d'un compromis boiteux entre une Commission ayant proposé une règlementation tatillonne et bureaucratique (en imposant même l'utilisation des caractères 'Helvetica' à travers toute l´Europe) ; une orgie d'interdictions votée par les talibans de la Commission de l'environnement et de la santé ; et la valse-hésitation des États membres, tiraillés entre les impératifs de santé publique et la protection de leurs marchés".
Robert Goebbels a par ailleurs jugé que la directive présentait un manque de cohérence, en voulant "créer un marché unique pour les produits du tabac, tout en permettant aux États d'imposer des règles nationales et des restrictions aux échanges transfrontaliers". Selon lui, la directive serait également sur "une fausse piste en matière de cigarette électronique. Celle-ci n'est manifestement pas un médicament, mais peut-être un moyen de permettre aux fumeurs d'arrêter. La cigarette électronique, beaucoup moins nocive que le tabac, aurait mérité une directive propre".
Karl-Heinz Florenz (PPE), en charge de la directive sur les produits du tabac pour son groupe, a pour sa part estimé, aussi par voie de communiqué que "les produits du tabac doivent être aussi peu attractifs que possible pour les jeunes. Le nombre de jeunes qui fument est trop élevé. C'est pourquoi l'emballage ne peut plus servir à promouvoir les produits du tabac ou à minimiser les risques pour la santé. Le message doit être clair: ne touchez pas à de telles substances addictives ! La santé et la protection de la jeunesse doivent être primordiales".
"Personne ne veut exclure les e-cigarettes, mais nous devons nous assurer des normes de sécurité. Par ailleurs, la contrebande est un problème énorme en Europe. Les États membres perdent non seulement des milliards de recettes fiscales, mais les normes de protection sont également minées", a poursuivi l’eurodéputé allemand.
Toujours au PPE, la Luxembourgeoise Astrid Lulling s’est en revanche prononcée contre un "compromis pourri", jugeant que "sous prétexte de réduire les décès par cancer à travers des emballages dissuasifs", les petites et moyennes entreprises seront soumises "à des exigences excessives qui n'ont rien à voir avec la dissuasion", notamment la mise en place de nouvelles machines, qui risquent de les étouffer, a-t-elle expliqué par voie de communiqué.
"Nous avons déjà soumis de nombreux secteurs à la réglementation excessive de l'Europe", estime encore l’eurodéputée qui cite l’impact probable sur le producteur luxembourgeois Heintz van Landewyck qui risquerait selon elle la perte de "centaines d'emplois, pour la plupart des mères célibataires peu qualifiées, pour lesquelles il n'existe actuellement aucune autre possibilités d'emploi". L’eurodéputé luxembourgeois Frank Engel (PPE) a également voté contre le rapport, tandis que le Luxembourgeois Georges Bach (PPE) a voté pour sa part en faveur des nouvelles règles.
Heintz van Landewyck, qui emploie 850 personnes au Luxembourg, avait d’ailleurs également condamné les nouvelles règles comme disproportionnées. Selon le Luxemburger Wort, l’entreprise aurait néanmoins échappé de justesse à une catastrophe, l’interdiction initialement proposée du tabac en coupe fine vendu dans des bidons et des seaux n'ayant pas été retenue. Le Wort précise en effet que cette division représente 84 % du chiffre d'affaires du producteur luxembourgeois.
Les nouvelles règles en matière d’avertissements sanitaires sont tout de même considérées comme un coup dur pour l'entreprise selon son directeur des ventes, François Elvinger. La limitation à l’avenir de l’espace dédié à la présentation de la marque causerait selon lui des désavantages concurrentiels aux les petits producteurs.
Le groupe ALDE n’a en revanche pas encore commenté le vote, mais comme le rapporte l’AFP, des eurodéputés libéraux ont tenté au dernier moment d'empêcher toute régulation du "vapotage" (fumer une cigarette électronique) par la directive, mais leur amendement a été rejeté par 478 voix. Le libéral luxembourgeois Charles Goerens (ALDE) s’est pour sa part abstenu lors du vote sur le rapport.
Du côté des Verts/ALE, la législation révisée est considérée comme "une nette amélioration par rapport à la situation actuelle", mais le groupe a exprimé le regret qu'il soit moins ambitieux que les propositions initiales de la Commission européenne sur certains aspects, dans un communiqué publié sur son site. Sur ce texte, les Etats et la Commission "ont été moins sensibles aux lobbies que le Parlement, sans doute parce qu'ils sont soucieux de réduire les déficits de leurs assurances maladie", a relevé l'eurodéputée française Michèle Rivasi. Son homologue luxembourgeois, Claude Turmes, a voté en faveur du rapport.
Douze ans après l'entrée en vigueur de la directive actuelle, le tabagisme reste la principale cause de décès évitable, tuant environ 700 000 personnes chaque année. Au fil du temps, les mesures prises pour lutter contre le tabagisme ont permis de réduire le pourcentage de fumeurs de 40 % dans l'UE des 15 en 2002 à 28 % dans l'UE des 27 en 2012.