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Le débat au Parlement européen sur la votation en Suisse qui limite l'immigration et la libre circulation des citoyens de l’UE a renvoyé la Confédération suisse à ses responsabilités
26-02-2014


Le pavillon de la SuisseL’impact sur les relations entre la Suisse et l’UE de la votation populaire du 9 février en vue de limiter l’immigration dans le pays a été débattu le 26 février 2014 par les chefs des groupes politiques, la Présidence grecque du Conseil et le commissaire européen en charge de l’emploi, Laszlo Andor.

Il faut savoir que quelque 1,2 million de ressortissants de l’UE résident actuellement en Suisse, et près de 270 000 frontaliers européens s’y rendent quotidiennement pour travailler. A l’inverse, 430 000 ressortissants suisses résident dans l’UE.

Le ton du débat était dominé par la fermeté quant à l’affirmation du principe de libre circulation des personnes.   

Le secrétaire d'État grec aux Affaires étrangères, Dimitris Kourkoulas, dont le pays préside le Conseil, a admis la complexité de la situation et affirmé respecter le vote des électeurs suisses, mais a néanmoins appelé la Suisse à respecter les accords signés avec l'UE, dont l'accord de 2002 sur la libre circulation des travailleurs européens ou encore le protocole sur la Croatie qui étend cette libre circulation aux Croates. Pour le ministre grec, "il n'est pas question d'accepter une approche sélective en ce qui concerne les libertés fondamentales".

Pour le commissaire Laszlo Andor, les accords signés doivent être respectés par la Suisse tant qu’un nouvel accord n’aura pas été trouvé. C’est à la Suisse de faire des propositions, sachant que "le droit à la libre circulation est un droit fondamental et n’est donc pas négociable". Pour Laszlo Andor, "les deux parties travaillent ensemble à respecter toutes les obligations existantes, un accord c'est un accord", et il n’est donc pas acceptable de ne vouloir que "les meilleurs morceaux de ces accords". La libre circulation des Européens en Suisse est une contrepartie aux bénéfices de l’accès direct de la Suisse au marché intérieur. Ajoutant une note optimiste, selon lui, "le gouvernement suisse a indiqué qu'il aurait terminé sa réflexion interne d'ici début avril sur le protocole" permettant l'ouverture du marché du travail aux Croates, et il s’attend "à ce que cette extension se passe comme prévu". Il faut savoir qu’après le vote suisse et la décision des autorités fédérales de ne pas ouvrir le marché du travail aux Croates, la Commission européenne a suspendu les négociations sur la participation suisse aux programmes "Horizon 2020" et "Erasmus plus". Il ne s’agit pas d’une mesure de représailles, mais d’une conséquence logique liée à la situation créée par la votation.

Le commissaire Andor été interrompu par le député italien Mario Borghezio, membre du parti xénophobe italien de la Ligue du Nord. Ce dernier a brandi un drapeau suisse en criant: "Oui au référendum, oui à la liberté du peuple!", et "assez de dictature européenne sur le peuple!" en français et en italien, avant d'être fermement prié de quitter l'hémicycle.

La porte-parole des Conservateurs et réformistes européens (ECR), Vicky Ford, a défendu le droit des Suisses de contrôler les allées et venues à leurs frontières. "Toute tentative de sanctionner les Suisses pourrait nous nuire à tous", a-t-elle lancé. Le député belge Philip Claeys du parti flamand d’extrême droite Vlaams Belang s’est dit convaincu que le même genre de référendum conduirait dans les Etats membres au même  résultat que lors de la votation en Suisse.

Les grands groupes politiques se sont de leur côté évertués à mettre en avant que les quatre grandes libertés de l’UE, la libre circulation des biens, des capitaux, des services et des personnes sont liées et ne peuvent donc être disjointes.

Pour le chef de file des sociaux-démocrates, Hannes Swoboda, les Suisses doivent prendre une décision qui touche aux principes de leurs relations avec l’UE.  "Nous ne pouvons pas accepter que la libre circulation des personnes soit remise en cause", a-t-il lancé.

Le libéral irlandais Pat Gallagher a admis que la situation est « complexe et délicate », et demandé à ce que les Etats membres adoptent un mandat qui permettrait à l'UE et à la Suisse de négocier un futur accord institutionnel qui remplacerait les accords sectoriels actuels. Il aussi lancé un appel à "ne pas faire de représailles ou quelque chose qui pourrait être perçu de cette manière" par la Suisse.

Le ton a été autrement plus ferme du côté de Daniel Cohn-Bendit, le porte-parole des Verts européens. Il est convaincu que les Suisses commencent à regretter l’impact de leur votation au vu des premières conséquences. Daniel Cohn-Bendit est d’avis qu’il ne faut "pas déresponsabiliser les Suisses" et que ces derniers  "reviendront à genoux parce qu'ils ont besoin de l'Europe", car "60% des exportations suisses vont dans l'UE". "C'est à la Suisse de trouver des solutions, c'est la Suisse qui devra mettre ses montres à l'heure". Car pour Daniel Cohn-Bendit, la votation du 9 février a rendu tous les accords bilatéraux caducs "et nous a ramenés à une situation d'avant-accords", c'est-à-dire avant 1999. "A la Suisse de trouver des solutions, pas à l'UE !" a-t-il conclu.

Suites

Le 3 mars 2014, la ministre suisse en charge des questions de libre circulation, Simonetta Sommaruga, sera à Bruxelles pour le comité mixte des ministres de la Justice et de l'Intérieur et devrait s'exprimer devant eux sur les conséquences de la votation.

Par ailleurs, le gouvernement suisse a indiqué qu'il était en train de réfléchir à une solution pour la libre circulation des travailleurs croates d'ici à la fin mars. Une des idées qui courent est de proposer que le protocole sur la Croatie – qui prévoit des quotas - soit appliqué, mais sans qu’il soit signé, la votation interdisant une telle signature. La balle serait alors dans le camp de l’UE qui devrait décider si elle accepte ou non cette solution.