Consulté pour avis, le Parlement européen a adopté, le 2 avril 2014, par 438 voix pour, 154 contre et 37 abstentions, sa position sur la proposition de modification de la directive de 2009 établissant un cadre communautaire pour la sûreté des installations nucléaires. Par ce vote, les eurodéputés ont soutenu l’approche de la Commission européenne qui mise sur un système d’examens réguliers par les pairs, l’amélioration la transparence en matière de sûreté nucléaire et le renforcement des pouvoirs des autorités nationales de réglementation, pour améliorer la sûreté nucléaire dans l’ensemble de l’UE.
Tenu immédiatement après la catastrophe de Fukushima, le Conseil européen du 21 mars 2011 avait mandaté la Commission européenne, de réaliser des évaluations complètes des risques et de la sûreté des centrales nucléaires, qui permettent de mettre en lumière «des améliorations possibles dans les approches et les pratiques industrielles en matière de sûreté nucléaire dans les pays participants ». Elle avait aussi demandé de procéder à l'examen du cadre législatif et réglementaire existant en matière de sûreté des installations nucléaires, alors que la directive de 2009 était notamment critiquée pour ne pas contenir de normes techniques précises.
La Commission européenne avait mis son projet de révision législative sur la table le 13 juin 2013. Le Luxembourg est directement concerné par la proximité de la centrale nucléaire française de Cattenom. Et le gouvernement luxembourgeois avait déjà eu l’occasion, en janvier 2012, de dire qu’il s’engagerait « à côté des délégations qui revendiquent un cadre plus restrictif" dans le débat sur le renforcement de sûreté nucléaire que la Commission européenne avait annoncé vouloir lancer.
La proposition de la Commission européenne, soutenue par le Parlement européen, prévoit l’introduction de tests de résistance juridiquement contraignants tous les six ans, réalisés par les pairs, sur un ou plusieurs aspects de sûreté nucléaire sélectionnés conjointement par les États membres en coordination avec la Commission. Dans sa position, le Parlement européen souhaite que le sujet du premier examen par les pairs soit décidé au plus tard trois ans après l'entrée en vigueur de la directive.
En cas d'accident accompagné de problèmes de sûreté graves, l'État membre est tenu de soumettre l'installation à un examen par les pairs dans un délai de six mois. A cela s’ajoute que chaque centrale fait l'objet d'un examen périodique de sûreté au moins une fois tous les dix ans et d'un réexamen spécifique aux fins d'un éventuel prolongement de sa durée de vie.
Le nouvel objectif de sûreté propose que soient évités les rejets radioactifs, au moyen d’exigences méthodologiques, à toutes les étapes du cycle de vie des installations nucléaires (choix du site, conception, construction, mise en service, exploitation, déclassement). Les installations nucléaires devraient être "conçues, exploitées et déclassées dans le but de prévenir les accidents et les rejets radioactifs, et, en cas d'accident, d'en atténuer les effets et de prévenir les rejets de radioactivité ainsi qu'une contamination importante, à long terme et hors site", dit le résumé du rapport soumis aux votes du Parlement européen
Le projet entend garantir la réelle indépendance des régulateurs. Ainsi, il est prévu que l’autorité de réglementation soit séparée sur le plan juridique de toute autre entité publique ou privée s'occupant de la promotion ou de l'utilisation de l'énergie nucléaire ou de la production d'électricité. L’autorité de réglementation doit établir un processus de prise de décisions réglementaires transparent, disposer d’un mécanisme de financement et d’un processus d'allocation budgétaire permettant de générer des connaissances, une expertise et des compétences nouvelles. Pour ce qui est du personnel, tous ses membres, "notamment les membres du conseil d'administration ayant fait l'objet d'une nomination politique", doivent posséder les qualifications et l'expérience nécessaires. De même, les procédures et exigences pour la nomination des personnes aux postes de direction au sein de l'autorité réglementaire compétentes devraient être clairement définies. Elles pourraient être relevées de leurs fonctions en cours de mandat si elles ne se conforment pas aux exigences d'indépendance ou si elles ont commis une faute en vertu du droit national.
Enfin, il est prévu une stratégie transparente concernant la communication d'informations, que ce soit en cas d’accident ou dans les conditions normales de fonctionnement des installations nucléaires.
"L’accident de Fukushima a été un rappel important du rôle crucial que la culture de sûreté joue dans les sociétés contemporaines. Elle a montré comment la technologie nucléaire n’est pas dangereuse par elle-même, mais que les périls augmentent quand les gens n’agissent pas en accord avec de hauts standards de sûreté", a expliqué, dans un communiqué de presse, l’eurodéputée PPE, Romana Jordan, à l’issue du vote du rapport dont elle est l’auteure
Néanmoins, le groupe des Verts au Parlement européen n’est pas du tout satisfait du vote du Parlement européen. Ce dernier "s'est encore illustré dans sa complaisance inégalable à l'égard de l'industrie nucléaire", ont jugé les écologistes dans un communiqué de presse.
Pour l’eurodéputée verte Michèle Rivasi, co-rapporteure du projet de directive, les eurodéputés ont failli. "Face au danger potentiel que représente l'industrie nucléaire, les parlementaires doivent exiger le maximum de garanties pour empêcher le pire d'arriver. Malheureusement, encore une fois, la complaisance a été de mise et les autorités de sûreté nucléaire (ASN) n'auront pas les compétences nécessaires pour empêcher les opérateurs de prendre des risques insensés", estime-t-elle.
Les Verts soulignent les contradictions entre ce vote du Parlement européen et la résolution qu’il avait adoptée en mars 2013 sur les tests de sécurité européens, dans lequel il reconnaissait les besoins d'amélioration de sûreté. "Pourtant [les tests de sécurité] ne seront pas forcément suivis d'effets car il faudra désormais prouver que les investissements réalisés ont un impact mesurable sur la sûreté au regard des sommes investies", regrette l’eurodéputée Michèle Rivasi. "Et puisque le Parlement a refusé que les ASN soient dotées d'un véritable pouvoir de sanction, elles ne seront pas capables de contraindre les opérateurs efficacement."
Les Verts regrettent aussi que les amendements qu’ils ont déposés pour favoriser la participation du public aient été rejetés. "Pire, la proposition d'inclure des experts indépendants de la société civile dans les revues par les pairs été rejetée".
Les écologistes se consolent avec une "surprise notoire", à savoir que les eurodéputés ont été favorables à une "responsabilité financière totale de l'opérateur en cas d'accident". Toutefois, ils estiment que cet amendement ne sera pas intégré dans le texte final adopté par le Conseil. "Ce vote représente finalement très bien l'image que tout un chacun a du nucléaire: un milieu fermé, hermétique à tout contrôle extérieur et à tout droit de regard des citoyens", conclut Michèle Rivasi. A noter que, parmi les six eurodéputés luxembourgeois, seul l’écologiste Claude Turmes n’a pas voté en faveur du texte.