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Economie, finances et monnaie
Conseil Ecofin – Les ministres s’accordent pour réviser la directive "mères-filiales" et empêcher la pratique de la double non-imposition pour les entreprises transfrontalières
20-06-2014


ecofin-gramegna-source-conseil-de-ueLes ministres européens des Finances étaient réunis à Luxembourg le 20 juin 2014 à l’occasion du dernier Conseil Ecofin précédant le Conseil européen des 26 et 27 juin. Le ministre luxembourgeois des Finances, Pierre Gramegna, y représentait le Grand-Duché.

Révision de la directive "mères-filiales"

Lors de cette réunion, le Conseil est notamment parvenu à un accord concernant une modification de la directive dite "mères-filiales" concernant le régime fiscal commun applicable aux sociétés mères et filiales d'États membres différents.

Le but de ces nouvelles règles, proposées par la Commission européenne en novembre 2013, est de combler une lacune qui permet actuellement aux groupes d'entreprises d'exploiter les asymétries entre les règles fiscales nationales de façon à échapper à l'impôt sur certains types de bénéfices distribués au sein du groupe (double non-imposition) grâce aux dispositifs de prêts hybrides (des instruments financiers qui présentent les caractéristiques à la fois des emprunts et des fonds propres).

La directive "mères-filiales" initiale, actuellement en vigueur, avait pour objectif de faire en sorte que les bénéfices réalisés par les groupes transfrontières ne soient pas imposés deux fois ce qui les aurait désavantagés par rapport aux groupes nationaux. Elle exige que les États membres exonèrent d'impôt les bénéfices que des sociétés-mères reçoivent de leurs filiales situées dans d'autres États membres.

Or, cette exemption s'appliquait jusqu’à présent même si la distribution des bénéfices était considérée comme une dépense fiscalement déductible dans le pays où est établie la filiale qui effectue le paiement. Certains États membres considèrent en effet les paiements effectués dans le cadre de dispositifs de prêts hybrides comme des remboursements d'"emprunts" fiscalement déductibles.

Les nouvelles règles empêcheront donc que les sociétés transfrontières ne planifient leurs paiements intragroupes de façon à profiter de la double non-imposition. Désormais, l'État membre de la maison-mère s'abstiendra d'imposer les bénéfices de la filiale uniquement dans la mesure où ceux-ci ne sont pas fiscalement déductibles par la filiale.

Cette adoption a été permise par la levée des réserves de Malte, qui contestait "une formulation qui établit clairement une obligation de taxation", selon un document de travail du Conseil, et s’inquiétait donc du non-respect de la compétence des États membres en matière de fiscalité qui aurait été de nature à créer un précédent. Des craintes qu’une série de réunions avec la Commission européenne ainsi qu’une déclaration de la Commission également destinée à lever les préoccupations exprimées par la Suède ont permis d’apaiser.

Cette déclaration précise que les modifications de la directive "mères-filiales" "sont applicables dans les situations de double non-imposition découlant de l’asymétrie du traitement fiscal appliqué aux distributions de bénéfices entre États membres qui génère des avantages fiscaux indus" mais qu'elles "ne sont pas destinées à s'appliquer s'il n'y a pas de double non-imposition ou si leur application donnerait lieu à une double imposition de la distribution des bénéfices entre les sociétés mère et leurs filiales".

"La modification de la directive "mères-filiales" contribuera à accroître les recettes fiscales des États membres. En outre, elle permettra de créer des conditions de concurrence équitables entre les groupes dont les sociétés mères et les filiales se trouvent dans des pays différents et les groupes dont toutes les entités sont situées dans un seul et même État membre", expliquent les conclusions du Conseil.

À la suite de l'accord politique, cette partie de la législation sera adoptée lors d'une prochaine session du Conseil, après mise au point du texte. Les États membres auront jusqu'au 31 décembre 2015 pour la transposer en droit national.

Six Etats membres quittent la procédure de déficit excessif

Le Conseil a mis fin aux procédures concernant les déficits excessifs (PDE) de la Belgique, de la République tchèque, du Danemark, des Pays-Bas, de l'Autriche et de la Slovaquie, "confirmant ainsi que ces pays ont ramené leurs déficits sous la barre des 3 % du PIB, qui constitue la valeur de référence de l'UE pour les déficits publics", soulignent les conclusions du Conseil.

En conséquence, sur les vingt-huit États membres de l'UE, il en restera onze (au lieu de vingt-quatre pendant une période de douze mois en 2010-2011) qui continueront de faire l'objet d'une procédure concernant les déficits excessifs.

La Lituanie dans la zone euro en janvier 2015

Les ministres des États membres de la zone euro, en réunion avec le Conseil, ont par ailleurs adopté une recommandation relative à l'adoption de l'euro par la Lituanie, qui deviendrait le 19e membre de l'union monétaire au 1er janvier 2015, comme annoncé la veille lors de la réunion de l’Eurogroupe.

Selon les conclusions du Conseil, ils ont partagé l'analyse de la Commission selon laquelle la Lituanie a réalisé un degré élevé de convergence durable avec la zone euro et qu'elle remplit donc les conditions nécessaires pour faire de l'euro sa monnaie. Le Conseil européen discutera de cette recommandation et le Parlement européen rendra un avis à son propos avant qu'une décision soit prise.

La recommandation se fonde sur les rapports bisannuels de la Commission et de la Banque centrale européenne évaluant dans quelle mesure les États membres qui ne font pas partie de la zone euro sont prêts à adopter l'euro. "Ces rapports confirment que la législation de la Lituanie est compatible avec les dispositions du traité UE et les statuts du Système européen de banques centrales. Ils confirment les progrès réalisés par la Lituanie pour satisfaire aux critères de convergence - à savoir la stabilité des prix, la situation des finances publiques, la stabilité du taux de change et les taux d'intérêt à long terme - et plusieurs autres facteurs", détaillent les conclusions.

Recommandations par pays

Le Conseil a par ailleurs approuvé les projets de recommandations et d'avis sur les politiques économiques et budgétaires des États membres. Il a également approuvé un projet de recommandation particulière sur les politiques économiques des États membres de la zone euro.

L'approbation de ces textes est "une étape essentielle de l'exercice annuel de surveillance des politiques" du Semestre européen, précisent les conclusions du Conseil. Les recommandations seront désormais soumises au Conseil européen pour approbation lors de sa réunion des 26 et 27 juin 2014, avant d'être adoptées par le Conseil en juillet.

Les "patent boxes" dans la mire

Les ministres ont également adopté des conclusions sur la mise en œuvre d'un code de conduite visant à éliminer les situations de concurrence fiscale dommageable, à la lumière d'un rapport semestriel du rapport du groupe "Code de Conduite" (fiscalité des entreprises).

Ces conclusions invitent notamment le Groupe "à évaluer ou examiner toutes les ‘patent boxes’ dans l'UE, y compris celles déjà évaluées ou prises en compte précédemment, d’ici la fin de 2014, afin d'assurer la cohérence avec le principe d'égalité de traitement, également dans le contexte des développements internationaux, y compris ceux en rapport avec l'initiative de l’OCDE", lit-on dans les conclusions.

Les "patent boxes" sont un régime de taxation de la propriété intellectuelle appliqué dans certains Etats membres. Selon la Commission européenne, au cours des dix dernières années, plusieurs pays européens ont mis en place un régime fiscal particulier relatif à la propriété intellectuelle. Informations à l’appui, la Commission soupçonne ces régimes fiscaux de ne bénéficier qu'à des "entreprises extrêmement mobiles" sans provoquer de regain d’activité et de développement de la recherche significatifs.

Si ce dossier devait passer sans débat lors du Conseil Ecofin, l’Agence Europe rapporte dans son édition du 24 juin 2014 que le Luxembourg a quand même saisi l'opportunité que lui laissait la présidence grecque de faire une déclaration. Le Grand-Duché a une nouvelle fois exprimé ses doutes quant à la compatibilité de cette approche avec le droit européen et les règles du marché unique et réclamé une analyse écrite du service juridique du Conseil.

Pour mémoire, ce sujet oppose la Commission européenne et le Luxembourg depuis plusieurs mois. En sa compétence de gardienne de la concurrence, la Commission avait également déjà réclamé des informations sur ces 'patent boxes' à plusieurs États, dont le Luxembourg, pour déterminer si elles pouvaient représenter une aide d'État illégale. Le11 juin 2014, elle a annoncé avoir décidé de saisir la Cour de justice de l'UE pour le refus du Luxembourg de lui délivrer des informations sur certaines de ses pratiques fiscales, notamment les 'patent boxes'.