Les ministres européens en charge des portefeuilles de l’emploi et de la protection sociale étaient réunis à Luxembourg, le 19 juin 2014, à l’occasion du Conseil «Emploi, politique sociale, santé et consommateurs» (EPSCO) de l’Union européenne. Le ministre du Travail, de l’Emploi et de l’Économie sociale et solidaire, Nicolas Schmit ainsi que le ministre de la Sécurité sociale, Romain Schneider, y représentaient le Luxembourg.
Premier point sur l’ordre du jour, les ministres ont procédé à un débat d'orientation en préparation du Conseil européen des 26 et 27 juin 2014 concernant les volets emploi/politique sociale des recommandations par pays dans le cadre du Semestre européen 2014.
Les conclusions diffusées par le Conseil soulignent que, dans l'ensemble, les débats ont révélé un large consensus sur les défis communs tels que la viabilité des pensions et le renforcement de la résilience des marchés du travail. "Des mesures importantes ont été prises par les États membres en termes de lutte contre la segmentation du marché du travail, de prévention du retrait précoce du marché du travail et pour la mise en place une garantie pour la jeunesse. De nouveaux progrès doivent encore être faits pour s'assurer que les politiques actives du marché du travail deviennent plus efficaces, y compris par l'augmentation de la participation féminine", y lit-on.
En ce qui concerne les recommandations 2014 au Luxembourg sur le volet "emploi", le ministre luxembourgeois du Travail et de l’Emploi, Nicolas Schmit a estimé qu’elles ne contenaient rien de "dramatiquement nouveau", se disant "surpris que la Commission européenne continue de penser que le problème est l’indexation automatique des salaires", alors qu’il serait "moins celui de l’inflation" dans l’UE que celui de la croissance et de la faible inflation, "voire de la déflation", a-t-il dit lors d’une conférence de presse en marge du Conseil.
Pour ce qui est des autres sujets en matière d’emploi, Nicolas Schmit estime les jugements de la Commission "avant tout positifs", notamment pour ce qui est de mener une politique d’emploi active envers les personnes les moins qualifiées. "Cela est conforme à notre souhait de mettre l’accent sur la formation des demandeurs d’emplois âgés et plus jeunes".
De son côté, le ministre de la Sécurité sociale, Romain Schneider, a souligné, pour ce qui relève de l’âge du départ en retraite, que le Luxembourg a "expliqué une nouvelle fois à la Commission qu’il s’agit de faire la différence entre l’âge légal de départ en retraite et l’âge effectif de ce départ". Les conclusions du Conseil relèvent en effet que la plupart des Etats membres considèrent la réduction de l'écart entre l'âge effectif de départ à la retraite et l’âge légal comme le problème le plus urgent. "Le relèvement de l'âge légal de la retraite ne doit pas être l'option unique", y précisent les ministres européens qui ajoutent que "l'adéquation des retraites constitue un enjeu politique et social majeur pour les années à venir".
"Cette démarche a été soutenue par d’autres Etats membres comme l’Autriche, la Belgique et la Finlande qui disent également qu’à côté de l’âge légal il faut travailler surtout sur l’âge effectif de départ", a encore souligné Romain Schneider. Au Luxembourg, cela passera notamment par la réforme annoncée de la législation du reclassement qui se trouve "dans la dernière ligne droite" ainsi que via une loi en préparation sur la gestion des âges.
Le ministre a également rappelé que le Luxembourg avait récemment mené une réforme des pensions "qui commence à produire ses effets" et que le programme gouvernemental prévoit de dresser un bilan dans les trois ans. "Jusque-là. nous nous concentrerons avant tout sur le travail dans les autres domaines pour pouvoir répondre à ce qui nous est demandé".
Concernant le volet des soins de longue durée des recommandations et donc de l’"assurance dépendance" au Luxembourg, le ministre a noté que le programme gouvernemental entendait la réformer, qu’un bilan était en cours et qu’un débat d’orientation sur le sujet serait organisé à la Chambre des députés le 10 juillet 2014.
Les ministres ont également eu un échange de vues concernant la dimension sociale de l’Union économique et monétaire (UEM), résumé par la présidence grecque dans les conclusions du Conseil.
Selon ces conclusions, les politiques économique, de l'emploi et la politique sociale "sont étroitement liées et constituent les principaux piliers d'une politique de développement durable". "Pour cette raison et compte tenu du principe de subsidiarité, nous devons promouvoir, dans le cadre d'une approche globale, la coordination de tous ces domaines", y lit-on.
L'examen de la stratégie Europe 2020 à mi-parcours constituerait dès lors "une occasion unique de promouvoir la coordination et la coopération plus étroite entre les différentes formations du Conseil". "Un aspect essentiel de la réussite sera la poursuite du développement et le renforcement de la gouvernance sociale de l'UE. L'investissement social et des systèmes efficaces de protection sociale contribueront à résoudre l'impact social de la crise. Le rôle des régimes de revenu minimum qui doivent assurer une vie décente est également crucial", poursuivent les conclusions.
L’application pour la première année du tableau de bord social et de l’emploi indique en effet "clairement l'impact de la crise sur l'emploi et la cohésion sociale, résultant en une divergence croissante entre les Etats membres" et en "une polarisation croissante au sein des sociétés […] contraires aux objectifs de l'UEM". Une "situation préoccupante" qui ne s'améliorera "que si l'UE est en mesure de mettre de la substance sous le titre de la dimension sociale de l'UEM".
Romain Schneider a souligné qu’il fallait en conséquence assurer une amélioration des instruments de l'Union européenne par des normes sociales adéquates. "Un pacte social devrait compléter les critères de convergence économique et monétaire", a-t-il précisé. Il juge d’ailleurs tout aussi important d'accompagner les réformes structurelles majeures entamées au sein de l'Union par une analyse d'impact social pour limiter les effets négatifs de ces derniers.
"Il n’est pas normal que nous ayons des lignes très claires en terme de procédure pour ce qui touche la consolidation budgétaire alors que le domaine social est considéré comme une sorte de variable d’ajustement", a poursuivi Nicolas Schmit. Au niveau européen, l'amélioration de la gouvernance sociale et de la coordination des politiques sociales et économiques est donc jugée "essentielle". "Y compris la ministre allemande du Travail, Andrea Nahles, a totalement soutenu l’idée de pacte social, ce qui montre qu’au moins une partie du gouvernement allemand est sur la même ligne".
Si la stratégie "Europe 2020" incorpore les politiques sociales avec des cibles claires en matière d'emploi et d'inclusion sociale, Nicolas Schmit a souligné qu'au lieu d'avancer vers les objectifs fixés en termes de taux d'emploi et de réduction de l'exclusion sociale, l'Union européenne s'en est éloignée. (LIENS) Plus que jamais, des normes sociales européennes devront voir le jour, notamment par l'introduction de salaires minimaux.
Les ministres européens ont également fait le point sur la mise en œuvre de la "Garantie pour la jeunesse". Selon le ministre Nicolas Schmit, qui a souligné l’importance du soutien à la création de postes d'apprentissage et d'emplois durables et décents, ainsi que de l’implication de tous les acteurs concernés "de manière continue et approfondie", elle "ne pourra fonctionner que si l’environnement le rend possible". Un environnement qui relève pour le ministre "d’une politique économique qui remette l’emploi au centre, qui offre aux jeunes les formations nécessaires, en particulier à ceux qui ont quitté l’école", a-t-il affirmé.
Le ministre Schmit a également rappelé la responsabilité des entreprises dans la promotion de l’emploi des jeunes et la nécessité d’assurer une orientation de qualité. "Les efforts des États membres, notamment ceux connaissant un taux de chômage élevé, doivent être soutenus par la mise en œuvre des engagements financiers européens", précise un communiqué conjoint des deux ministres luxembourgeois.
A ce sujet, le ministre luxembourgeois du Travail et de l’Emploi a regretté que sa mise en œuvre rencontre des difficultés dans les Etats membres les plus touchés par la hausse massive du chômage des jeunes. Ainsi les engagements de la Commission européenne en la matière, à savoir le déblocage de 6 milliards d’euros promis à ces pays, ne sont toujours pas une réalité. Le ministre a souligné les problèmes qui subsistent pour investir de manière effective ces fonds dans la Garantie. Un nouveau bilan de sa mise en œuvre sera dressé le 11 juillet par les chefs d’Etat et de gouvernement lors d’un sommet informel prévu à Turin sur l’emploi des jeunes.
Le Conseil a par ailleurs pris note d'un rapport d’avancement sur le projet de plate-forme pour améliorer la coopération au niveau européen afin de prévenir et de décourager le travail non déclaré plus efficacement, proposé par la Commission en avril 2014.
Pour mémoire, la plate-forme aura pour objectif de faciliter l'échange des meilleures pratiques et de l'information, de fournir un cadre au niveau européen pour le développement de l’expertise et de l’analyse en la matière, et de promouvoir des actions communes entre les différentes autorités nationales de contrôle des Etats membres. La proposition prévoit en outre la participation de tous les Etats membres dans la plate-forme, jugée "essentielle" pour répondre aux situations transfrontalières.
"De nombreux ministres ont exprimé leur satisfaction pour les progrès rapides réalisés sur ce dossier au cours de la présidence hellénique et regretté que le Conseil ne soit pas en mesure d’adopter une approche générale", peut-on lire dans les conclusions du Conseil. Le rapport souligne en effet que "davantage de travail sur un petit nombre de questions est encore nécessaire afin de convenir d'une approche générale".
Comme le précise l’Agence Europe dans son bulletin du 20 juin 2014, alors qu’une minorité de blocage s’était dégagée la veille contre le projet, au cours du débat, la majorité des États membres réticents a préféré garder le silence. Ainsi ni le Royaume-Uni, ni la Pologne, ni la Slovaquie n'ont souhaité intervenir. Le Luxembourg, en revanche, aurait laissé entendre qu'il changera bientôt sa position, ce qui cassera l'actuelle faible minorité de blocage, dès que "quelques éléments vagues" quant à l'étendue et aux modalités d'action de la plateforme auront été précisés.
Les ministres européens ont dès lors appelé à conclure les discussions dès que possible sous la prochaine présidence italienne du Conseil de l’UE.
Le Conseil a encore pris note d'un rapport de progrès sur une directive visant à améliorer l'équilibre entre les sexes pour les fonctions non-exécutives dans les conseils d'entreprise.
Pour rappel, la proposition de la Commission cherche à augmenter la proportion du sexe sous-représenté à 40 % des membres non exécutifs des conseils d'administration d’ici 2020. Les conclusions précisent qu’au cours de la présidence grecque, les discussions "ont révélé un large consensus en faveur de l'objectif de la proposition" mais que "les avis continuent de diverger fortement en ce qui concerne la meilleure façon d'y parvenir".
Ainsi, alors que toutes les délégations sont sur le principe en faveur d'un meilleur équilibre entre les genres dans les conseils d'administration, un certain nombre de délégations continuent à préférer les mesures nationales (ou des mesures non contraignantes au niveau de l'UE) alors que d'autres soutiennent la législation à l'échelle européenne. "La poursuite des travaux et de la réflexion politique seront nécessaires avant qu’un compromis puisse être atteint", soulignent donc les conclusions du Conseil.
Le Conseil a encore pris note d'un autre rapport d’avancement relatif à la directive sur l'égalité de traitement en matière de religion ou de convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle. Cette directive interdit la discrimination dans les domaines suivants: protection sociale, y compris la sécurité sociale et les soins de santé; avantages sociaux; l'éducation; et l'accès aux biens et services, y compris le logement.
La proposition de directive, qui requiert l'unanimité, est à l'ordre du jour du Conseil depuis 2008. Si la présidence hellénique "a progressé sur certaines questions", les conclusions du Conseil précisent néanmoins que "certaines délégations expriment encore des réserves générales, mettant en cause la nécessité de la proposition, dont ils estiment qu’elle empiète sur les compétences nationales et entre donc en conflit avec les principes de subsidiarité et de proportionnalité. D'autres délégations ont des préoccupations relatives, notamment, à l'absence de sécurité juridique, à la répartition des compétences, et à l'impact pratique, financier et juridique de la proposition".
Le Conseil a adopté des conclusions sur "Les femmes et l'économie: l'indépendance économique du point de vue du travail à temps partiel et le travail indépendant ", qui se fondent sur un rapport préparé par l'Institut européen pour l'égalité des sexes.
Ce rapport inclus un ensemble de trois nouveaux indicateurs qui visent à permettre une meilleure compréhension de l'expérience sur le marché du travail des femmes et des hommes en mettant en évidence leurs taux respectifs de travail en équivalent temps plein, de travail à temps partiel et de travail indépendant . Ils visent également à donner un aperçu de la mesure dans laquelle le travail à temps partiel est un choix volontaire.
"L'emploi est le fondement de l'indépendance économique. Pourtant, tous les travailleurs n’occupent pas des emplois à temps plein", soulignent ainsi les conclusions du Conseil qui relèvent encore que si le travail à temps partiel "a le potentiel d'accroître l'indépendance économique des femmes" et de "faciliter la conciliation travail-vie", il peut aussi "créer des différences injustes en termes de rémunération, de conditions de travail et d’avancement de carrière.
En amont du Conseil EPSCO, le ministre Nicolas Schmit a présidé, en sa qualité de président du groupe des ministres sociaux et sociaux-démocrates du Conseil EPSCO, une réunion des ministres des Affaires sociales et de l’Emploi socialistes et sociaux-démocrates consacrée aux thèmes à l’ordre du jour du Conseil dont notamment l'implémentation de la Garantie pour la jeunesse. Une réunion qui a permis de souligner une nouvelle fois "l’extrême importance pour la nouvelle Commission de donner une nouvelle dimension au domaine social" et le besoin de mettre en place de nouveaux instruments en la matière.