La Commission européenne a proposé le 23 juillet 2014 un objectif de 30 % en matière d’efficacité énergétique, lors de la publication d’une communication. La question de savoir si cet objectif d’économies d’énergie va être contraignant ou pas sera débattue lors du Conseil européen en octobre 2014, a précisé Günther Oettinger, le commissaire de l’énergie, lors d’une conférence de presse.
Cette communication était attendue dans le cadre des objectifs que l’UE se propose d’atteindre pour 2030 en matière de climat et d’énergie et vient compléter les propositions faites par la Commission européenne en janvier 2014, à savoir une réduction de 40 % des émissions de gaz à effet de serre et une hausse de la part des énergies renouvelables à 27 %. La Commission avait en effet annoncé à ce moment-là une révision de la directive sur l’efficacité énergétique dont l’objectif non contraignant était de 20 % pour 2020, alors que l’objectif pour 2030 avait été laissé ouvert. Sept Etats, dont le Luxembourg, avaient plaidé dans une lettre en juin 2014 pour un objectif "contraignant et ambitieux". Le Parlement européen avait pour sa part adopté une résolution sur des objectifs contraignants de 40 % d’efficacité énergétique en février 2014 lors d’un vote serré.
En juin 2014, la Commission avait envisagé, selon un projet de texte consulté par l’agence DPA, de limiter l’objectif en matière d’efficacité énergétique à 25%, ce qui avait suscité de fortes critiques du groupe des Verts au Parlement européen.
En fin de compte, l'objectif de 30 % pour 2030 va au-delà des 25 % minimum requis pour réduire de 40 % les émissions de CO2 d'ici à 2030, a exposé le commissaire. "Il s’agit d’un objectif mesuré, mais aussi très ambitieux" qui a été accepté de manière unanime par les commissaires européens, selon Günther Oettinger, notamment en raison de la crise russo-ukrainienne et de l’insécurité quant aux fournitures de gaz que celle-ci pourrait impliquer.
En ce qui concerne les coûts de cet objectif, le commissaire européen évoque des montants de plusieurs dizaines de milliards, une raison pour laquelle il s’attend à "beaucoup de résistance". "On invite les chefs d’Etats et de gouvernement à nous donner un feedback si cet objectif doit être contraignant ou pas", a-t-il ajouté. Il estime pourtant que cet objectif a "de bonnes chances" d’être accepté par le Conseil européen.
L’objectif pourrait être atteint de plusieurs manières, a expliqué Günther Oettinger : soit par une réduction de la consommation du pétrole, ce qui pèserait sur les entreprises, soit par une rénovation de bâtiments publics, à la charge des communes. Il a rappelé que l’objectif annuel de rénover 3 % des bâtiments, inscrite dans la directive sur l’efficacité énergétique, avait été rejeté par beaucoup d’acteurs invoquant les coûts. "Il faut qu’on formule des objectifs qui peuvent être réalisés tant à Londres qu’en Bulgarie, sans contracter de nouvelles dettes", a insisté Günter Oettinger.
Le commissaire a plaidé pour un objectif qui sera accepté par une grande majorité des Etats membres et du Parlement européen. "On est en contact régulier avec les Etats membres et les objectifs qu’on a proposé en janvier 2014 ont été bien accueillis", a-t-il dit en référence aux objectifs pour 2030 de réduire de 40 % les émissions à effet de serre et de porter la part des énergies renouvelables à 27 %.
En améliorant l’efficacité énergétique, l’UE pourra réduire sa dépendance de combustibles fossiles et réduire la part des importations d’énergie, a soutenu le commissaire. Günther Oettinger a annoncé une réévaluation en 2017 sur la base des avancées en matière d'efficacité énergétique. Selon la Commission, seulement cinq Etats membres ont notifié la transposition complète de la directive sur l’efficacité énergétique en droit interne, à savoir Chypre, le Danemark, l’Italie, Malte et la Suède. Le délai de transposition était fixé au 5 juin 2014.
Les économies d’énergie auront des effets positifs, estime la Commission dans un communiqué : nouveaux débouchés pour les entreprises européennes, des factures d'énergie abordables pour les consommateurs, une sécurité énergétique renforcée grâce à une réduction sensible des importations de gaz naturel et des incidences positives sur l'environnement. La Commission dénomme également des avancées : les nouveaux bâtiments consomment moitié moins d'énergie que dans les années 1980 et l'intensité énergétique du secteur industriel est inférieure de près de 19 % au niveau de 2001.
La Commission estime à l'heure actuelle que 18 % à 19 % d'économies seront réalisées en 2020; pour autant, l'objectif convenu de 20 % reste réalisable, à condition que tous les pays de l'UE mettent en œuvre tous les éléments de la législation déjà adoptée, selon le communiqué.
Le groupe politique des Verts au Parlement européen a pour sa part critiqué dans un communiqué une "manipulation des données sur lesquelles la communication est basée" et une "baisse d’ambition pour l'objectif de 2030 qui en résulte". "Soyons clairs, ce que la Commission propose aujourd’hui sur l’efficacité énergétique est dépourvu d’ambition et prolongera la dépendance de l’UE vis-à-vis des importations de combustibles de Russie ou de régions géopolitiques instables", a déclaré l’eurodéputé luxembourgeois Claude Turmes, porte-parole du groupe et ancien rapporteur de la directive sur l’efficacité énergétique. Il a dénoncé une "manipulation politique scandaleuse", en accusant José Manuel Barroso, le président de la Commission, Günther Oettinger et la secrétaire général Catherine Day d’être "complices dans la retenue d’une analyse d’impact qui conclut qu’il est dans l’intérêt de l’UE d’adopter un objectif beaucoup plus ambitieux à l’horizon 2030". Il estime que "l’objectif non contraignant de 30 % en économies d’énergie d’ici 2030 est en contradiction avec les résultats des recherches, commandés par la Commission, sur lesquels la communication est supposée être fondée".
La veille, Claude Turmes avait accusé Jean Manuel Barroso de vouloir "torpiller à la dernière minute" les priorités de son successeur Jean-Claude Juncker, selon un communiqué du 22 juillet 2014. Le futur président de la Commission avait déclaré le 15 juillet 2014, lors de la présentation de son programme devant le Parlement européen, que son objectif "minimum" en matière d’efficacité énergétique était de 30 %. Le groupe des Verts plaide pour un objectif de 40 %, tout comme le Parlement européen.
Claude Turmes reprochait à José Manuel Barroso de "détruire les efforts" d’une "politique ambitieuse" et "d’accroître la dépendance de l’UE envers des importations d’énergie à prix élevé". "Si les priorités de Jean-Claude Juncker sont abandonnées par la Commission devant les députés européens, et cela juste une semaine après son discours, cela n’est pas de bon augure pour une réorientation de la politique énergétique de l’UE que Jean-Claude Juncker a annoncé", mettait-il en garde.