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Emploi et politique sociale - Justice, liberté, sécurité et immigration
Un rapport de la Commission européenne et de l’OCDE souligne l’importance de favoriser la mobilité des travailleurs et de mieux utiliser les compétences des migrants
18-09-2014


comm-ocde-etude-mobiliteSelon un rapport de la Commission européenne et de l’OCDE, intitulé "Gérer les migrations économiques pour mieux répondre aux besoins du marché du travail" et publié le 18 septembre 2014, la mobilité des travailleurs est essentielle pour permettre à l’UE de relever les défis liés à sa démographie vieillissante et aux déficits de compétences qui se feront jour à l’avenir.

Le rapport rappelle que l’évolution démographique en cours dans la quasi-totalité des pays de l’OCDE est caractérisée par le départ à la retraite de cohortes d’enfants issus du baby-boom, remplacées par des cohortes moins nombreuses de jeunes. Dans l’hypothèse d’un solde migratoire nul, la diminution de la population en âge de travailler dans les 28 pays de l’UE devrait se poursuivre et atteindre 11,7 millions d’unités (- 3,5 %) d’ici 2020. Le rapport constate que pour compenser les effets du vieillissement de la population, il est pertinent de combler l’écart entre les hommes et les femmes, d’accroître la participation des jeunes travailleurs et des travailleurs âgés au marché du travail, mais qu’il sera incontournable de "favoriser la mobilité et faire appel à l’immigration".

"Le respect de l’égalité en matière de mobilité de la main-d’œuvre au sein de l’UE, l’amélioration de la formation pour combler les déficits de qualifications, la garantie de conditions de travail décentes aux travailleurs et la meilleure intégration de travailleurs issus de pays tiers peuvent contribuer à remédier au vieillissement de la population et aux futures pénuries de compétences sur le marché du travail européen", a résumé le commissaire européen chargé des affaires sociales et de l’inclusion, László Andor, dans un communiqué de presse diffusé le même jour.

"La question n’est pas de savoir si nous avons besoin de migrants, mais comment tirer le meilleur parti possible de l’immigration. Pour récolter les bénéfices de l’immigration, nous avons besoin de politiques ouvertes, transparentes et réalistes, favorisant l’intégration, et d’une volonté politique forte", a dit pour sa part la commissaire européenne chargée des affaires intérieures, Cecilia Malmström.

En juin 2012, l’OCDE et la Commission européenne avaient déjà publié un premier document commun sur le sujet, intitulé "Libre circulation des travailleurs et ajustement du marché du travail". Cette publication intervenait deux mois après la présentation du Paquet emploi d'avril 2012 esquissant la vision d’un marché du travail européen à part entière. La Commission européenne souligne que, depuis 2012, des initiatives ont été prises pour éliminer les obstacles à la mobilité, à commencer par deux directives, celle pour rendre plus facile l’exercice des droits de libre circulation et celle relative à l’acquisition et à la préservation des droits à pension complémentaire, adoptées en avril 2014. Elle nomme également, parmi d’autres initiatives, la proposition visant à perfectionner le réseau paneuropéen de recherche d’emploi EURES (LIEN) et la directive d’exécution relative au détachement des travailleurs.

La note politique, publiée en même temps que l’étude, prend soin de signaler que "compte tenu du grand nombre de personnes qui sont sans emploi, un débat sur les besoins du marché du travail, et le rôle des immigrés et de l’immigration pour y répondre, ne semble ni d’actualité ni pertinent". Mais le moment serait toutefois bien choisi pour examiner les récentes politiques d’intégration et d’immigration expérimentées dans les pays de l’UE dans un climat "relativement exempt de ‘pressions’ immédiates en faveur d’une augmentation de l’immigration de travail".

A l’avenir, les inadéquations de compétences seront plus importantes que les pénuries de main-d’œuvre

"Le rôle potentiel des immigrés dans un contexte de vieillissement de la population ne doit pas s’appréhender uniquement au regard des déséquilibres démographiques, mais il faut également tenir compte de l’évolution de la demande de main-d’œuvre et des besoins futurs en compétences", dit la note politique.

Un équilibre global entre l’offre et la demande totales de main-d’œuvre peut cacher des déséquilibres qualitatifs au niveau micro-économique. Ainsi, à l’avenir, l’offre pourrait être supérieure à la demande pour les emplois exigeant des qualifications intermédiaires. Une enquête sur les entreprises en Europe de 2013 réalisée par Eurofound, a d’ailleurs révélé que 40 % des entreprises de l’UE ont des difficultés pour trouver des travailleurs présentant la bonne combinaison de compétences, rapporte l’étude.

De plus, dans la plupart des pays de l’OCDE, les besoins de main-d’œuvre au cours de la prochaine décennie devraient se concentrer sur certaines professions spécifiques, ce qui augmentera l’offre à un niveau de qualification élevé, mais aussi sur des niveaux de qualification intermédiaires.

"Parce que le marché du travail est dynamique et que les types d’emploi changent, les pénuries et les inadéquations de compétences deviendront des problèmes essentiels au sein de l’UE", lit-on encore dans la note politique. Après 2030, la croissance devrait être assurée par des gains de compétitivité. "La capacité à maintenir les gains de productivité en favorisant le progrès technologique et l’innovation, en utilisant mieux les compétences disponibles, en améliorant la composition des compétences et en augmentant l’accumulation nette de capital humain – grâce à l’éducation et la formation, et aux recrutements à l’étranger – sera déterminante", explique la note politique. "Pour ce faire, il faudra mieux utiliser les compétences des immigrés déjà installés et faire en sorte de disposer de filières bien identifiées et bien gérées pour le recrutement de nouveaux travailleurs immigrés possédant la palette de compétences nécessaires."

Dans ce contexte, le rapport commun UE-OCDE esquisse trois réponses politiques complémentaires, à savoir :

  • promouvoir la mobilité de la main-d’œuvre au sein de l’UE pour garantir une meilleure répartition des compétences ;
  • mieux intégrer les migrants de pays tiers pour permettre une utilisation plus judicieuse de leurs compétences ;
  • attirer les migrants qualifiés dont le marché de l’emploi de l’UE a besoin.

Favoriser une meilleure répartition des compétences en encourageant la mobilité intra-UE

Une plus grande mobilité de la main-d’œuvre au sein de l’UE est un premier élément de réponse à la problématique des déséquilibres démographiques. Les élargissements successifs de 2004 et 2007 ont déjà donné lieu à une grande mobilité dans l’UE. "La capacité d’ajustement des marchés du travail s’en est trouvée renforcée", dit la note politique. Désormais, l’objectif devrait être d’accroître la mobilité entre tous les pays membres, en particulier au sein de la zone Euro. Pour cause, "les grandes disparités de situation sur le marché du travail entre les différents États membres se sont encore accentuées pendant la crise récente". Ainsi, "la mobilité interne de la main-d’œuvre pourrait grandement contribuer à l’emploi", lit-on dans la note politique. Par le transfert de la main-d’œuvre et des compétences de régions et pays où elles sont moins demandées vers ceux où elles sont nécessaires, "la mobilité au sein de l’UE permet une utilisation plus efficace des ressources humaines".

La promotion de la mobilité de la main-d’œuvre au sein de l’Union exigera "de renforcer l’adéquation des compétences et d’intensifier la promotion de l’apprentissage des langues". La langue est en effet à la fois considérée comme un obstacle de taille à la circulation des travailleurs, mais aussi comme la responsable d’une mauvaise exploitation des compétences des migrants. Le taux de déclassement est ainsi prononcé parmi les personnes qui se déplacent au sein de l’UE depuis les pays d’Europe centrale et orientale, étant donné que "plus de la moitié des diplômés de l’enseignement supérieur issus de ces pays occupent des emplois peu ou moyennement qualifiés".

Améliorer l’utilisation des compétences des immigrés

Une telle décote des qualifications acquises à l’étranger s’explique notamment par une moins bonne maîtrise de la langue du pays hôte, notamment pour les immigrés les plus qualifiés.

Le fait que les employeurs puissent avoir des difficultés à évaluer les qualifications étrangères peut également expliquer une telle décote.

Par ailleurs, en 2013, le taux d’emploi des ressortissants de pays tiers résidant dans des États membres de l’UE était inférieur de 12 points au taux moyen pour les ressortissants de ces pays (52,6 % contre 64,5 %) et "l’écart était encore plus marqué pour les titulaires de diplôme de l’enseignement supérieur". C’est un "important gaspillage de capital humain" auquel il faudrait remédier en facilitant la reconnaissance des diplômes étrangers, en s’assurant que les migrants ont accès aux programmes actifs du marché du travail les plus efficaces et en offrant une formation linguistique adaptée aux compétences des migrants dans les pays de destination.

Selon le rapport, l'utilisation efficace des compétences des immigrés requiert une série de mesures, y compris :

  • améliorer la disponibilité des informations et le recours à la reconnaissance des qualifications étrangères ;
  • veiller à ce que les immigrés aient accès aux programmes actifs du marché du travail les plus efficaces et
  • mettre au point des mesures spécifiques et flexibles pour améliorer l’accès et l’impact.

Elargir le vivier de compétences

Parmi les compétences qu’il s’agit de favoriser, figure sans surprise en premier lieu la maîtrise de la langue du pays hôte. Dans de nombreux pays, "la libéralisation des régimes d’immigration de travail, en particulier dans le cas des travailleurs très qualifiés, ne s’est pas traduite par de fortes augmentations de migrations de travailleurs", constate la note politique. La langue est souvent le principal obstacle auxquels font face les employeurs.

Il faudrait ainsi pallier à l’absence de réserve significative de locuteurs de la langue nationale hors de leurs frontières. Les étudiants internationaux constituent de toute évidence le groupe d’immigrés potentiels le plus facile à intégrer en la matière. Ensuite, les pouvoirs publics peuvent intervenir en incitant les immigrés potentiels à investir dans l’apprentissage des langues de certains pays de l’UE qui ont fondamentalement peu de réserve de migrants parlant leur langue hors de leurs frontières.

Parmi les autres compétences à développer, l’étude s’intéresse également aux compétences des immigrés déjà présents mais aussi à leurs enfants qui ont grandi et ont été scolarisés dans les pays d’accueil. Ainsi, le rapport propose l’introduction de mesures telles que des formations et un meilleur accès à l’emploi, pour favoriser l’intégration des parents immigrés, ce qui doit engendrer "d’importantes retombées positives sur le devenir de leurs enfants". Par ailleurs, la fréquentation du jardin d’enfants et la participation à d’autres activités préscolaires ont "un impact très positif" sur les résultats scolaires futurs des enfants d’immigrés. Le rapport souligne également l’importance de lutter contre la discrimination et de tenir d’un discours public équilibré sur les questions de migration et d’intégration, en vue d’une utilisation efficace des compétences des immigrés et de celles de leurs enfants.

L’étude remarque qu’un des obstacles dans le recrutement d’étrangers réside dans l’absence de contact direct entre les immigrés et les employeurs et qu’il pourrait être utile pour les gouvernements et autres parties prenantes (organisations patronales, groupements professionnels, etc.) d’envisager ensemble de constituer "un vivier de candidats admissibles", comme le font l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Cela permet de créer "un sous-groupe identifiable de travailleurs immigrés potentiels présélectionnés, sur lesquels les efforts des employeurs et des gouvernements peuvent ensuite se concentrer". Les critères de sélection pour intégrer le vivier de compétences à la suite d’une déclaration d’intérêt pourraient être définis conjointement par les gouvernements et les représentants des employeurs.