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Commerce extérieur
Accord de libre-échange entre l’UE et le Canada (CETA) – Pour le gouvernement, le Luxembourg, "qui dispose d'une des économies les plus ouvertes au monde", en bénéficiera
22-09-2014


ceta-source-chambre-commerce-caDans deux questions parlementaires séparées, datées des 20 et 21 août 2014, les deux députés luxembourgeois Laurent Mosar et Justin Turpel s’étaient inquiétés du projet d’accord de libre-échange entre l’UE et le Canada (CETA), dont la presse venait de révéler la conclusion. Les deux députés, qui demandaient la confirmation de l’information, s’inquiétaient principalement de l’introduction du mécanisme RDIE, qui permettrait à des investisseurs étrangers s'estimant lésés par une politique publique de poursuivre un Etat devant un tribunal arbitral. Ils se demandaient également tous les deux si la Chambre des députés allait être consultée au sujet de cet accord.

Le député CSV Laurent Mosar, se faisait l’écho "de nombreuses contestations du côté de la société civile, des syndicats et des ONG qui craignent entre autres l'impact d'un tel mécanisme sur le pouvoir de réglementation des Etats dans l'intérêt public", selon les termes employés dans sa question parlementaire. Il demandait également au ministre s’il ne jugeait pas opportun que les accords bilatéraux "doivent être négociés de manière transparente et sous la supervision de tous les groupes d'intérêts, et non pas seulement des syndicats des industries et entreprises".

"Tout laisse à croire que la Commission sortante s'efforce de signer le CETA, avant que la nouvelle Commission, qui pourrait être amenée à changer de position, soit mise en place et avant que la large opposition à cet accord ne devienne trop visible", avançait pour sa part Justin Turpel dans sa question parlementaire. 

Le ministre des Affaires étrangères a répondu aux deux questions, le Premier ministre étant cosignataire de la réponse faite à Justin Turpel.

Une signature prévue lors du sommet UE-Canada le 26 septembre 2014

Le gouvernement rappelle, dans ces deux réponses très semblables, que le processus visant à établir une zone de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, a été lancé lors du sommet UE-Canada en juin 2007. Le Conseil affaires étrangères d’avril 2009 a approuvé le mandat pour des négociations entamées le mois suivant. "Depuis cette date, la Commission européenne a négocié les dispositions de l'accord en étroite concertation avec le comité de politique commerciale du Conseil, composé de représentants des 28 Etats membres de l'UE", précisent les deux ministres. L’accord a bien été conclu en octobre 2013, comme l’avaient annoncé le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, et le Premier ministre canadien, Stephen Harper, mais les négociations techniques se sont poursuivies jusqu’en août 2014, précise le gouvernement.

La Commission européenne a ensuite envoyé les textes consolidés pour une dernière lecture aux Etats membres et aux membres de la Commission pour le Commerce international du Parlement européen (INTA). Le texte est désormais entre les mains des juristes-linguistes qui doivent certifier sa teneur légale et le traduire dans les langues officielles de l'UE. Il est prévu que le président Barroso et le Premier Ministre Harper annoncent officiellement la conclusion des négociations lors du prochain sommet UE-Canada le 26 septembre 2014.

"L'accord bénéficierait donc largement à un pays comme le Luxembourg, qui dispose d'une des économies les plus ouvertes au monde", dit le ministre des Affaires étrangères

En réponse à Laurent Mosar qui lui demandait les dispositions principales de l'accord, le gouvernement évoque l'élimination progressive de la quasi-totalité des droits de douane, pour des biens industriels et agricoles sur plus de 99 % de l'ensemble des lignes tarifaires. Ce serait notamment le cas du secteur automobile, dans lequel les droits de douane en vigueur, s’élèvent à hauteur de 6,1 % au Canada et situés entre 3,5 et 22 % dans l'Union européenne. "L'obtention d'un accès préférentiel au marché canadien conférerait un avantage compétitif aux entreprises européennes", précise le ministre.

Ce dernier évoque ensuite le chapitre relatif à l'élimination des entraves techniques aux échanges, lequel "devrait favoriser des relations plus étroites entre l'UE et le Canada dans le domaine de la réglementation technique, sans, toutefois remettre en question nos normes et standards existants".

Par ailleurs, l'accord devrait fournir un cadre en vue d'une future reconnaissance mutuelle des qualifications pour des professions déterminées. Concernant les indications géographiques, l'accord CETA protègera de nombreux produits agricoles d'origine géographique spécifique, comme par exemple les olives Kalamata, le Roquefort, ou le vinaigre balsamique de Modène.

"L'ouverture du marché des services touche également au commerce transfrontalier des services (les télécommunications, le transport, le commerce électronique et les services financiers)", précise encore la réponse ministérielle. "Dans ce contexte, le gouvernement tient à relever l'inclusion de dispositions relatives à la facilitation de séjours temporaires de professionnels hautement qualifiés et des gens d'affaires."

Un autre sujet couvert traite des marchés publics, par lequel le Canada "offre aux entreprises européennes un accès élargi à ses marchés publics de grande valeur avec des seuils bien définis pour le niveau fédéral, provincial et municipal".

Le ministre souligne que les services publics (éducation, santé, social, eau) sont exclus du champ d'application de l'accord. "Aucune disposition de cet accord ne pourra contraindre un gouvernement à libéraliser un des secteurs susmentionnés", souligne-t-il.

Enfin, dans les domaines tels que la protection de l'environnement ou les normes internationales de travail, le gouvernement souligne l'accord des deux parties contractantes à garantir la protection de ces valeurs. "L'UE et le Canada s'engagent par ailleurs à promouvoir des échanges commerciaux opérés dans l'esprit d'un développement durable."

La mise en œuvre de ces dispositions devrait, selon les estimations de la Commission européenne, accroître le commerce bilatéral des biens et des services de 22,9 % et pourrait ainsi engendrer une hausse du PIB de l'UE estimée à 11,6 milliards d'euros par an dans les sept années suivant la mise en œuvre de l'accord. Le gouvernement ajoute que "l'accord bénéficierait donc largement à un pays comme le Luxembourg, qui dispose d'une des économies les plus ouvertes au monde, en tant que plateforme de services transfrontières, de producteur de marchandises à haute valeur ajoutée et de 'hub' logistique".

Le gouvernement s’oppose au mécanisme RDIE mais souligne que la Commission européenne a pris en compte les critiques

Abordant la question du mécanisme RDIE (ou ISDS), le gouvernement fait remarquer que son inclusion est prévue par le mandat de négociation qui a été approuvé à l'unanimité par le Conseil en avril 2009. Il rappelle également que le Luxembourg est lui-même de longue date lié par des clauses d'arbitrage dans un grand nombre de ses accords d'investissements conclus dans le cadre de l'Union économique belgo-luxembourgeoise (UEBL) en vue de renforcer la protection des investisseurs nationaux. La nouveauté, apparaissant dans le cas de l’accord CETA, réside dans le fait que cette compétence se situe depuis l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne au niveau de l'Union.

Le gouvernement confirme néanmoins sa position exprimée dans le cadre de la négociation du TTIP. Le 24 juin 2014, en réponse à une batterie de questions parlementaires posées par le député Déi Lénk, Justin Turpel, le gouvernement avait précisé que "le Luxembourg est d'avis qu'un tel système n'est pas nécessaire avec un pays membre de l'OCDE" et qu’"à l'instar d'autres ministres du Commerce, Monsieur le ministre des Affaires étrangères et européennes [avait] écrit au Commissaire Karel De Gucht pour lui faire part de la position luxembourgeoise à cet égard".

"De telles clauses ne sont pas requises pour les accords commerciaux conclus entre pays membres de l'OCDE dotés d'un système juridique performant", répète ainsi le gouvernement dans ses réponses aux deux députés. Le Luxembourg a d’ailleurs réitéré ce point de vue lors de la réunion du comité de politique commerciale (lequel réunit une fois par mois des directeurs généraux du commerce, ou équivalent, des Etats membres, pour débattre des grandes orientations proposées par la Commission, ndlr) en date du 12 septembre 2014, fait-il savoir.

Toutefois, le gouvernement souligne qu’à la lecture des clauses d'arbitrage contenues dans les 1 400 accords commerciaux en vigueur, dont les accords UEBL, avec celles négociées dans l'accord CETA, "la Commission a pris en compte bon nombre des critiques exprimées par la société civile et le secteur privé pour assurer la transparence et remédier aux déséquilibres existants".

Quatre changements majeurs dans le mécanisme RDIE

Le gouvernement identifie quatre changements majeurs :

-l'introduction d'une référence aux nouvelles règles de transparence de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international,

- un code de conduite pour les arbitres désignés,

- des sauvegardes contre l'exploitation abusive d'un tel mécanisme

- la limitation de la marge d'interprétation de certains standards de protection par les arbitres.

Cette dernière limitation d'interprétation se traduit par la mise en place d'un comité, composé par des représentants des deux parties, qui peut donner une interprétation des dispositions de l'accord CETA. Cette interprétation sera alors contraignante non seulement pour les parties au litige en question, mais également pour tous les litiges à venir.

"Ces modifications permettent de protéger davantage le pouvoir réglementaire des Etats, tout en renforçant la sécurité juridique des investisseurs. Elles pourraient servir de modèle pour les négociations futures", avance encore le gouvernement. "En sa forme actuelle, la clause d'arbitrage permet de garantir l'application de l'accord par les tribunaux d'arbitrage selon l'intention des parties signataires et de restreindre le pouvoir d'interprétation des arbitres, il s'agit en conséquence d'une avancée majeure en vue de renforcer la transparence et la prévisibilité d'un tel mécanisme qui va au-delà de nos pratiques dans le cadre de l'UEBL."

Le gouvernement estime qu’il s’agit d’"un accord mixte qui devra être approuvé par le Parlement européen et les parlements nationaux des 28 Etats membres"

Interrogé sur le rôle qui sera dévolu à la Chambre des députés, dans le procédure législative, le gouvernement fait savoir que l'accord de libre-échange entre le Canada et l'UE sera déposé auprès de la Chambre des députés pour consultation et approbation, après l'analyse légale, la publication et la traduction du paquet final par les services de la Commission européenne. Comme  l'accord négocié par la Commission européenne touche également à des compétences nationales, il doit être ratifié par tous les Etats membres avant son entrée en vigueur, souligne le ministre des Affaires étrangères et le Premier ministre.

"Le gouvernement estime qu'il s'agit dans ce cas d'un accord mixte qui devra être approuvé par le Parlement européen et les parlements nationaux des 28 Etats membres. Il s'engage dès lors à le soumettre à la Chambre des députés." Dans sa réponse à Justin Turpel, le ministre des Affaires étrangères et le Premier ministre signalent également que le gouvernement est « disposé à informer comme à l'accoutumée la commission compétente de la Chambre des Députés des grandes lignes de l'accord tel qu'il se présente actuellement ».

Par ailleurs, en réponse à Justin Turpel qui suggérait une analyse approfondie de l’accord à mener conjointement par le gouvernement et la Chambre des députés, le Gouvernement précise que "ses représentants ont été associés aux négociations au sein du Conseil et qu'ils ont veillé à la mise en place d'un accord ambitieux du point de vue économique, social et environnemental tout en respectant l'acquis communautaire". "Lors des négociations, le Gouvernement a veillé à assurer à ce que les intérêts du Luxembourg dans des secteurs économiques clés soient reflétés dans le paquet final. Il reste à préciser que les représentants du Ministère des Affaires étrangères et européennes sont en train d'analyser les textes consolidés envoyés par la Commission européenne en étroite concertation avec les experts des différents Ministères concernés."

Selon le gouvernement, il y a eu "un dialogue régulier avec la société civile et tous les acteurs intéressés, incluant des représentants d'entreprises, des syndicats, des ONG et des groupes d'intérêt"

"Tout au long des négociations, la Commission européenne a mené des consultations visant à recueillir les avis et commentaires de la société civile, des entreprises et des associations industrielles de tous les Etats membres", souligne le gouvernement en réponse au reproche d’un manque de consultation des parties concernées. Il souligne aussi que des études scientifiques ont été utilisées pendant les négociations, notamment l'étude conjointe de la Commission européenne et du Gouvernement du Canada de 2008 et une étude initiale (dite "scoping paper") sur les objectifs et avantages d'un accord de libre-échange entre l’UE et le Canada.

Dans le cas de l'accord CETA, les consultations des parties prenantes ont commencé tôt dans le processus de réflexion pour faire en sorte que les suggestions puissent être prises en compte lors des négociations. Dans cet esprit, la Commission européenne a publié en mai 2009 un questionnaire détaillé sur les différents domaines de négociation, dont le commerce des biens et des services, le développement durable et la coopération réglementaire.

A cette consultation des parties prenantes s’est ajouté un dialogue régulier avec la société civile et tous les acteurs intéressés, incluant des représentants d'entreprises, des syndicats, des ONG et des groupes d'intérêt, fait encore valoir le gouvernement, qui cite la tenue de réunions à Bruxelles sur l'état d'avancement des négociations des accords de libre-échange en cours et de réunions spécifiques sur l'accord CETA, auxquelles plus de 100 représentants de la société civile et du secteur privé ont participé, ou encore la mise en place un budget permettant de rembourser les frais de voyage d'un certain nombre des participants des réunions du "Civil Society Dialogue". En 2011, la Commission européenne a organisé un débat public sur l'évaluation d'impact sur le développement durable et suite à l'accord politique d'octobre 2013, elle a présenté les grandes lignes de l'accord au public.

"Ceci démontre l'ouverture de la Commission vis-à-vis des demandes de la société civile qui a ainsi pu soumettre ses contributions à plusieurs reprises et aux différents stades des négociations", dit le ministre en réponse à Justin Turpel, tandis que Laurent Mosar est invité à scruter les différentes initiatives de consultation et la panoplie d'informations publiée sur le site web de la Direction Générale du Commerce, lesquelles "démontrent la volonté de la Commission d'inclure différents groupes d'intérêts dans les négociations et d'offrir différentes possibilités de participation dans le processus de négociation".