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Énergie - Politique étrangère et de défense
Dans un accord gazier trouvé avec l’aide de l’UE, la Russie s’est engagée à reprendre les livraisons de gaz, tandis que l’Ukraine va régler ses factures impayées
31-10-2014


Le commissaire européen sortant de l'Energie, Günther Oettinger, lors d'une conférence de presse sur l'accord gazier entre la Russie et l'Ukraine (Source : EBS)Un accord provisoire sur les livraisons de gaz et les dettes impayées a été trouvé avec  l’aide de l’Union européenne entre l’Ukraine et la Russie dans la nuit du 30 au 31 octobre 2014. "Les Européens n’auront pas froid cet hiver, car l’approvisionnement en gaz sera garanti", s’est félicité le commissaire sortant de l’Energie, Günther Oettinger, lors d’une conférence de presse, alors qu’il passe le 1er novembre au portefeuille du Numérique dans la nouvelle Commission de Jean-Claude Juncker.

Günther Oettinger a évoqué une "percée" après deux jours de négociations "dures, mais focalisées sur leur objet". La fonction de transit de l’Ukraine serait garantie par cet  accord qui est un "premier signe de désescalade", voire d’un "voisinage intelligent qui fonctionne", a-t-il ajouté. Il estime qu’il y a des "avantages" pour toutes les parties, notamment la russe qui va "regagner la confiance". L’accord fait suite à un compromis présenté par Günther Oettinger le 16 octobre 2014 lors de la présentation d’une série de rapports sur les capacités de l’Union à faire face aux arrêts de livraisons de gaz.

"La responsabilité politique, la logique de coopération et le simple bon sens économique ont prévalu", a affirmé pour sa part le président sortant de la Commission européenne, José Manuel Barroso, en ajoutant qu’il s’agit d‘un "pas important pour notre sécurité énergétique". Il a appelé toutes les parties, tant les fournisseurs de gaz que les pays de transit, à respecter l’accord et en émettant l’espoir que cet accord crée plus de confiance entre l’Ukraine et la Russie.

L’accord règle le problème de l’approvisionnement en gaz "pratiquement" jusqu’en septembre et fait gagner ainsi du temps à l’Union afin d’œuvrer pour une "réforme durable des relations contractuelles", a affirmé Günther Oettinger le 31 octobre 2014, dans une interview à la radio Deutschlandfunk. Il a également dit espérer une amélioration des relations entre la Russie et l’Ukraine, vers la "désescalade et la confiance".

L’accord en détail

L’accord porte sur l'apurement des impayés de l'Ukraine, et sur les modalités de paiement des livraisons jusqu'en mars 2015. Le règlement d'une dette de 3,1 milliards de dollars se fera en deux tranches, une première de 1,45 milliard de dollars immédiatement, l'autre de 1,65 milliard d'ici la fin de l'année. La Russie évalue le total des arriérés à 5,3 milliards de dollars, mais acceptent de s'en remettre à la cour d'arbitrage de Stockholm pour les quelque 2,2 milliards restants.

La Russie s’est également engagée à reprendre jusqu’en mars 2015 les livraisons de gaz interrompues en juin et compensées par l’Union européenne, notamment la Pologne, la Hongrie et la Slovaquie qui ont livré du gaz à l’Ukraine "dans l’autre sens". L’Ukraine qui peut commander les quantités dont elle a besoin, s’engage à payer chaque mois les factures d’avance. Elle envisage de commander environ 4 milliards de m3 d’ici la fin de l’année, ce qui équivaut à 1,5 milliards de dollars, note un le communiqué de la Commission européenne. Suite au paiement de la première tranche de dette, la Russie s’engage à baisser jusqu’en mars 2015 les droits de douanes de 100 dollars sur les 1000 m3 de gaz, ce qui porte le prix à 385 dollars, a précisé Günther Oettinger.

L’histoire complexe d’un compromis

C’est exactement la marge de prix que Günther Oettinger avait déjà présentée il y a deux semaines comme un compromis entre les demandes de la Russie (485 dollars) après le départ du président Victor Ianoukovitch et l’arrivée d’un gouvernement pro-occidental et le prix préférentiel (268 dollars) que ce dernier avait conclu avec la Russie après avoir renoncé à la signature de l’accord d’association avec l’UE en novembre 2013. Cet accord a finalement été paraphé un an plus tard, en septembre 2014, entre le Parlement européen et le Parlement ukrainien lors d’un vote retransmis en direct. La mise en œuvre de cet accord d’association a toutefois été repoussée à la fin 2015 à la demande de la Russie. A noter que le montant de 3,1 milliards de dollars pour les factures impayées est calculé sur la base de 268 dollars par 1 000 m3, selon le communiqué.

La somme des 3,1 milliards est disponible sur un "compte spécial" de la banque d’Etat ukrainienne, a précisé Günther Oettinger, ajoutant que l’Ukraine dispose de fonds grâce aux recettes de sa compagnie Naftogaz, à son budget public, mais aussi grâce à des fonds d’aide de la part de l’Union qui avait lancé au printemps un programme de soutien, à hauteur de 3 milliards d’euros, et du FMI qui avait ouvert en avril une ligne de crédit de 17 milliards de dollars.

"Nos relations futures seront constructives", estime le ministre russe de l’Energie

Le commissaire européen sortant de l'Energie, Günther Oettinger, avec le PDG de Gazprom, Aleksey Miller (Source : Commission)L’accord a été signé par les ministres de l'Energie des deux pays, le Russe Alexander Novak et l'Ukrainien Iouri Prodan, et par le commissaire européen à l'Energie, Günther Oettinger. Un "addendum" au contrat entre les groupes gaziers russe Gazprom et ukrainien Naftogaz a ensuite été paraphé par les patrons des deux compagnies, Alexeï Miller et Andriy Kobolev. "Nous avons les financements nécessaires pour payer", a confirmé Iouri Prodan.

"Nous sommes convaincus que nos relations futures seront constructives et nos accords respectés", a commenté le ministre russe Alexandre Novak. "Cette décision assurera une sécurité énergétique à l'Ukraine et sécurise la livraison de gaz à l'Europe", a souligné son homologue ukrainien Iouri Prodan.

Le géant gazier russe Gazprom a salué l’accord, rappelant qu'il s'agissait aussi d'un "message clair" sur l'obligation de payer les dettes des Ukrainiens. "C'est un compromis et Gazprom a montré assez de flexibilité pour rendre cet accord possible. Gazprom est et sera toujours un fournisseur de gaz fiable pour l'Europe", a assuré dans un communiqué le porte-parole du géant du gaz russe, Sergueï Kouprianov. "C'est, avec un peu de chance, le début d'un nouveau chapitre plus constructif des relations gazières entre l'UE, la Russie et l'Ukraine", a-t-il ajouté.