Le 2 octobre 2014, le président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, a adressé à la Présidence italienne du Conseil de l'UE une lettre au sujet des pénuries de paiement du budget de l'UE dans laquelle il demande diplomatiquement au Conseil de revoir sa position sur le budget rectificatif 2014 et le budget 2015.
Cette lettre s’insère dans le contexte de la discussion et du conflit interinstitutionnel qui se profile sur la mise en œuvre des engagements politiques pris dans le Cadre financier pluriannuel (CFP) 2014-2020 de l’UE, sur la difficulté de l’UE à payer pour ses crédits engagés tant en 2013 qu’en 2014, et sur la position du Conseil sur le budget 2015 de l’UE.
La Commission européenne a présenté le 11 juin 2014 un projet de budget 2015 doté de 142,1 milliards d'euros pour les paiements, soit une hausse de 1,4 % par rapport au budget de 2014 et de 145,6 milliards d'euros de crédits d’engagement, qui représentait une augmentation de 2,1 % par rapport à 2014.
De son côté, dans sa position adoptée en amont au Comité des Représentants permanents (COREPER) le 15 juillet 2014, le Conseil avait proposé de réduire de 522 millions d'euros l'enveloppe de 145,599 milliards prévue pour les engagements, et de 2,1 milliards d'euros le budget de 142,137 milliards pour les paiements. Une position présentée par le Conseil le 16 septembre devant la plénière du Parlement européen et qui avait suscité des critiques acerbes des députés européens.
Le 29 septembre 2014, la commission du budget du Parlement européen a donc voté en faveur de l’annulation de toutes les coupes effectuées par le Conseil dans la proposition initiale de la Commission européenne. Elle a recommandé à la plénière du Parlement d'annuler les coupes proposées par le Conseil pour les dépenses prévues et réelles. Les députés soulignent que leur position sur le budget 2015 ne serait effective "que si le Conseil accepte d'effectuer les paiements dus cette année, ce qui empêcherait ainsi que le retard accumulé ne se transforme en effet boule de neige" en 2015, lit-on encore dans le communiqué diffusé par le Parlement. Pour 2015, la commission des budgets a également ajouté 4 milliards d'euros à la proposition initiale de la Commission afin de soutenir des domaines prioritaires et d’éviter de nouveaux défauts de paiements. La commission BUDG veut voter une résolution dans ce sens le 7 octobre 2014 et le Parlement en séance plénière prendra position le 22 octobre 2014.
Dans sa lettre, le président de la Commission affirme que "si le secteur public ne peut, à lui seul, produire la croissance dont nous avons besoin, des financements publics bien ciblés peuvent contribuer à la stimuler". Le CFP 2014-2020 auquel le Conseil a lui aussi acquiescé est le résultat d’un tel travail, de sorte qu’il "ne s'agit pas seulement d'un exercice technique ou purement budgétaire : il en va de la crédibilité des décisions politiques prises par le Conseil européen." Il rappelle l’accord "sur un niveau total des paiements et un profil annuel" et "l’effort concerté pour orienter les dépenses vers les priorités les plus impérieuses de l’Union".
Sans s’en prendre directement à la position du Conseil, il explique qu’il "était évident, à l’époque, qu’il serait difficile de concilier nos ambitions avec un budget plus restreint". Et il ajoute : "C’est la raison pour laquelle j'avais subordonné mon accord à la faculté d’exploiter la flexibilité offerte par le budget, de façon à pouvoir utiliser pleinement les montants convenus. La Commission a toujours précisé que le plafond global des paiements défini dans le cadre du CFP 2014-2020 constituait le minimum indispensable pour mettre en œuvre les politiques convenues, et que cette mise en œuvre ne serait possible que si nous utilisions pleinement les mécanismes de flexibilité prévus dans le règlement relatif au CFP." Et de rappeler que "nous ne demandons pas davantage que ce que les États membres ont adopté à l’unanimité, avec l’accord du Parlement européen."
José Manuel Barroso poursuit en mettant en garde : "Si aucune décision n'est prise au plus haut niveau politique pour revenir à ce qui avait été convenu dans le CFP, les négociations budgétaires de cette année aboutiront à des niveaux de financement inférieurs à ceux convenus en décembre 2013. L’UE ne serait dès lors pas en mesure d’honorer les engagements pris dans le passé." Par ailleurs, la Commission ne pourrait plus lancer tous les nouveaux programmes ou "répondre comme il se doit aux crises préoccupantes qui secouent nos voisins et des pays plus éloignés". Bref, le Conseil devrait revoir sa position.
José Manuel Barroso souligne ensuite que "la solution à ce problème n'est pas du ressort de la Commission", qui a, avec ses propositions de projet de budget 2015 et de budget rectificatif 2014 adopté "une approche responsable et réaliste", "conforme à l'obligation, faite par le traité aux trois institutions, de veiller à mettre à la disposition de l'Union les moyens financiers nécessaires pour lui permettre d'honorer ses obligations juridiques." Et de rappeler qu’elle a proposé dans le projet de budget rectificatif 3/2014 d'augmenter les crédits de paiement de 4,7 milliards d'euros, "pour remédier aux pénuries de crédits de paiement que connaissent plusieurs programmes et faire face à une série de circonstances imprévues." L'évolution des recettes en 2014 permettrait sans problème, selon la Commission, d’aller dans ce sens, et, assure-t-il, "le coût net pour les États membres sera modeste".
Le président de la Commission évoque finalement un projet de budget "qui utilise intégralement le plafond des paiements du cadre financier pluriannuel" et dont le montant correspond "au strict minimum requis pour enrayer la croissance des engagements restant à liquider et remplir les obligations qui nous incombent au titre des engagements des années précédentes", et "pour engager rapidement les nouveaux investissements dans les infrastructures, l'innovation, la croissance et l'emploi dont l'Europe a besoin."
Et de lancer une deuxième mise en garde : "Nous ne serons pas en mesure de réaliser nos objectifs communs si les États membres remettent en cause les niveaux de paiement dont ils avaient déjà convenu ensemble." D’où son appel au Conseil à faire preuve, en vue des négociations, "de la détermination nécessaire pour parvenir, dans les semaines à venir, à une décision budgétaire conforme à l'accord politique par lequel nous avons conclu les négociations sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020."