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Transports
Les syndicats européens de travailleurs du secteur des transports s’invitent en marge du Conseil Transports pour protester contre le 4e Paquet ferroviaire
08-10-2014


Le piquet de protestation contre le quatrième paquet ferroviaire (141008)La Fédération européenne  des travailleurs des transports (European Transport Workers’ Federation, ETF) s’est invitée à Luxembourg, le 8 octobre 2014, pour protester contre le 4e Paquet ferroviaire, en marge du Conseil Transports qui réunissait les ministres européens de ce ressort dans la capitale luxembourgeoise.

Le contexte

Pour mémoire, ce paquet législatif, proposé par la Commission européenne le 30 janvier 2013, vise à ouvrir à la concurrence les services ferroviaires nationaux de transport de voyageurs à partir de décembre 2019. Les entreprises ferroviaires de l'UE auraient ainsi un accès égal aux voies, aux signaux et aux gares dans l'ensemble des pays de l'Union pour exploiter des services.

Il prévoit également que les contrats de service public seraient, d'une manière générale, soumis à une mise en concurrence obligatoire. Enfin, la Commission suggère également de renforcer les règles de l'UE concernant la séparation entre les gestionnaires de l'infrastructure, qui exploitent le réseau et les gares, et les entreprises ferroviaires, qui fournissent les services.

Après avoir marqué en Conseil, le 5 juin 2014, un accord politique sur son volet technique – projets de directives concernant l'interopérabilité et la sécurité des chemins de fer européens et sur le projet de règlement relatif à l'Agence de l'UE pour les chemins de fer –, les ministres européens des Transports étaient le 8 octobre 2014 appelés à mener un premier débat d’orientation sur les volets politiques du paquet qui sont beaucoup moins consensuels .

Dès le 9 avril 2014, les ministres du Benelux en charge du rail avaient d’ailleurs signé une déclaration commune dans laquelle ils exprimaient "leur réticence par rapport à la politique de libéralisation du transport ferroviaire de voyageurs, par l’ouverture des services de transport de voyageurs régionaux et nationaux" telles que prévues par le 4e Paquet ferroviaire.

Dangers pour les travailleurs, pour le service public et les citoyens

En marge du Conseil, près de 150 représentants de syndicats de cheminots membres de l’ETS, à commencer par les syndicats luxembourgeois FNCTTFEL et Syprolux, se sont ainsi réunis devant le bâtiment du Conseil à Luxembourg pour un piquet de protestation. L’occasion pour les syndicats de réaffirmer les dangers que renferme selon eux ce 4e Paquet ferroviaire et de remettre une pétition reprenant leurs revendications aux ministres européens des Transports. 

Le président du syndicat fncttfel, Guy Greivelding, lors du piquet de protestation contre le quatrième paquet ferroviaire (141008)L’ETS et ses syndicats membres estiment en effet que la libéralisation totale des services nationaux de chemin de fer voyageurs voulue par la Commission ne conduira pas, comme l’affirme l’institution, à de meilleurs services et offres et à davantage de qualité et de confort.  D’autant que les différents paquets législatifs qui ont progressivement libéralisé le rail européen les 20 dernières années n’ont pas fait l’objet d’évaluations sérieuses, dénoncent les syndicalistes.

Au contraire, il mènera "à une diminution de la qualité des services ferroviaires", a estimé le président du syndicat FNCTTFEL, Guy Greivelding. Cela "en incitant notamment les opérateurs à faire du "cherry picking" sur les lignes et/ou les horaires les plus rentables, au détriment d'une offre intégrée du réseau pour les passagers et sans tenir compte des principes d'accessibilité et d'universalité des services de transport public", poursuit Sabine Trier, la secrétaire générale adjointe de l’ETS. Les lignes à faible rendement – souvent éloignées des grands axes – risqueraient, entre autres, d’être délaissées.

Par ailleurs, la séparation telle que prônée des gestionnaires d’infrastructures et des opérateurs de transport est également très critiquée par la fédération syndicale. Elle appelle les décideurs à respecter les différents modèles organisationnels existants (et en particulier les compagnies intégrées qui sont les systèmes les plus efficaces selon l’ETS) ainsi que la liberté de choix des autorités nationales compétentes "pour organiser leurs services publics", poursuit Sabine Trier.

Pour Guy Greivelding, il s’agit donc de s’opposer à la fragmentation voulue par la Commission, qui ne serait en aucun cas adaptée à un Etat membre de la taille du Luxembourg, et surtout à l’obligation de mise en concurrence pour les appels d’offre relatifs aux transports publics. Cette dernière enterrerait "le droit des Etats membres d’organiser les transports publics en fonction des besoins des citoyens", dit le président du syndicat FNCTTFEL, qui souligne que l’attribution directe doit rester une possibilité.

Les syndicats concluent que la concurrence exercera avant tout une pression pour réduire les coûts et aura pour effet de diminuer l'emploi, d’augmenter la sous-traitance, l'utilisation de travailleurs intérimaires et d’intensifier la charge de travail pour les travailleurs du secteur. Pour les voyageurs, les conséquences seront sensibles en termes de hausse des coûts et d’accessibilité.

"Nous ne voulons pas voir le secteur ferroviaire transformé en une autre occasion pour les acteurs privés de faire des profits", a encore souligné Sabine Trier. "L'Europe a besoin de services ferroviaires abordables, accessibles et de qualité pour les gens. Le 4e paquet ferroviaire n'apportera rien de tout cela. Il existe un lien direct entre la qualité des services et la qualité des emplois: une concurrence accrue va inévitablement conduire à des mesures de réduction des coûts ainsi qu'à une augmentation de la pression sur les conditions de travail et sur l'emploi".

"Un non clair et net" du Luxembourg sur le volet politique du paquet

Le président du syndicat fncttfel, Guy Greivelding, s'entretient avec le secretaire d'Etat, Camille Gira, lors du piquet de protestation contre le quatrième paquet ferroviaire (141008)Le piquet de protestation a également été l’occasion pour les syndicalistes d’une brève rencontre avec le secrétaire d’Etat au Développement durable et aux Infrastructures, Camille Gira, qui a dit partager "en grande partie" les craintes exprimées par les syndicats.

"Le Luxembourg va prendre une position claire et nette", a souligné le ministre qui a promis de préciser lors de son intervention devant le Conseil "que si jamais il devait y avoir un quatrième paquet, il vient beaucoup trop tôt. Nous avons à peine digéré le 3e Paquet ferroviaire qui n’a pas été correctement évalué" pour mesurer une amélioration de la qualité des services, a souligné le ministre qui juge cela "pas sérieux". Et de suggérer qu’une Commission en fin de mandat devrait "laisser la prochaine Commission mener une évaluation de la libéralisation du marché ferroviaire en Europe avant de proposer tout autre paquet".

Sur la position luxembourgeoise, le secrétaire d’Etat s’est dit favorable au volet technique "s’il permet une meilleure interopérabilité et une meilleure compétitivité des chemins de fer européen". Mais en ce qui concerne le volet politique, le Luxembourg va annoncer "un non clair et net". Et de plaider pour laisser, selon le principe de subsidiarité, le choix aux différents pays de la manière dont ils veulent organiser leurs chemins de fer. "On ne peut pas comparer l’Allemagne au Luxembourg, ni la France avec la Lituanie".

Enfin, Camille Gira souligne que pour les services publics, la possibilité doit être laissée aux Etats de faire des contrats directs avec des conditions précises. "On n’a pas de problème si une agence regarde s’il n’y a pas de distorsion de concurrence mais on voudrait organiser le service public au Luxembourg de la manière dont on pense que c’est le mieux", a-t-il encore dit.