Le 6 octobre 2014, l’ancien Premier ministre de Lettonie, Valdis Dombrovskis, désigné par Jean-Claude Juncker comme vice-président de la Commission européenne en charge de l’euro et du dialogue social, a passé son audition devant le Parlement européen avec un certain succès.
Âgé de 43 ans, Valdis Dombrovskis est diplômé en physique et en économie appliqué. Il a notamment travaillé à la Banque centrale lettone de septembre 1998 à août 2002, avant de commencer une carrière politique. Il a été élu député à l’assemblée lettone une première fois en octobre 2002, et devint alors ministre des Finances, jusqu’en 2004, année de l'adhésion de la Lettonie à l'UE. En juin 2004, il fut élu au Parlement européen et il a été pour le PPE membre de la commission parlementaire des affaires économiques. En parallèle, il fut pendant deux ans, conseiller indépendant au ministère letton de l’économie.
Son mandat d’eurodéputé s’est achevé en mars 2009, quand il est devenu Premier ministre de la République de Lettonie après la chute du gouvernement d'Ivars Godmanis en raison de la crise économique mondiale qui a durement frappé la Lettonie. Au poste de Premier ministre jusqu’en 2014, Valdis Dombrovskis s’est notamment distingué pour avoir mis en œuvre une cure drastique d’austérité qui, par des baisses de salaires des fonctionnaires de 20 % et des retraites de 10 %, aurait permis de redresser la croissance du PIB de - 18 % du PIB en 2009 à près de + 5 % en 2012.
Lors de la présentation de son équipe, le 10 septembre 2014, Jean-Claude Juncker avait caractérisé Valdis Dombrovskis comme "l’homme qui a sorti son pays d’une situation des plus dangereuses". A côté de la charge de l’euro, le président-élu a également accolé celle du dialogue social pour faire passer un message clair. "Je n’admets plus que l’euro, l’Union monétaire, soient ressentis comme étant exclusivement économiques, chiffrés", avait alors dit Jean-Claude Juncker.
Cette prise en compte renforcée de la dimension sociale figure en plusieurs endroits de la lettre de mission, adressée par Jean-Claude Juncker à Valdis Dombrovskis.
"Ces dernières années, nous avons pris des mesures sans précédent pour dépasser la crise et conserver l’Union. Il est temps désormais de consolider, compléter et simplifier ces mesures et de les rendre plus légitimes socialement", y a écrit Jean-Claude Juncker. "La stabilité de notre monnaie unique et la solidité des finances publiques sont aussi importantes que l’équité sociale dans la mise en œuvre des réformes structurelles nécessaires." "Une caractéristique de la Commission sera l’adhésion à l’économie sociale de marché, à l’équité et à la volonté d’assurer que les plus vulnérables ne sont pas laissés de côté", avait-il encore écrit.
Jean-Claude Juncker y priait aussi le commissaire-désigné de porter son attention sur les domaines suivants :
• Piloter le travail de coordination économique à travers le semestre européen, en le rationalisant et le renforçant. "Il faudra porter une attention particulière au renforcement de la nature multilatérale du processus de gouvernance économique au niveau européen, à associer une large part d’acteurs au niveau national et à approfondir la connaissance des pays à l’intérieur de la Commission", précisait-il.
• Promouvoir le dialogue social.
• Poursuivre le travail du rapport des Quatre présidents, document présenté le 12 octobre 2012, auquel Jean-Claude Juncker a lui-même participé, et du Projet détaillé pour une Union économique et monétaire véritable et approfondie, réalisé par la Commission en novembre 2012, en intégrant la dimension sociale.
• Préparer le terrain pour des initiatives législatives et non-législatives visant à approfondir l’Union économique et monétaire, durant la première année du mandat, en incluant une révision du "six-pack" et du "two-pack" vers plus de stabilité ; faire des propositions pour encourager de nouvelles réformes structurelles, si nécessaire à travers des incitations financières supplémentaires et une capacité budgétaire ciblée au niveau de la zone euro ; faire une proposition pour une représentation extérieure plus efficace de l’Union économique et monétaire.
• Préparer, à moyen terme, un rééquilibrage du processus par lequel le soutien à la stabilité est octroyé aux pays en difficulté. "Cela doit inclure la possibilité de remplacer la “troika” par une structure plus légitime démocratiquement et plus responsable, ainsi que la préparation d’études d’impact social en plus des études de durabilité budgétaire", disait Jean-Claude Juncker.
"Je souscris totalement à l'engagement du président Juncker pour qu'à l'avenir, tout programme" d'aide en faveur d'un pays en difficulté "ne passe pas seulement par une évaluation de la solidité budgétaire mais aussi de l'impact social et en terme d'emplois", a déclaré Valdis Dombrovskis face aux eurodéputés, selon des propos rapportés par l’AFP.
"Il a éludé les questions plus précises sur la façon d'utiliser la 'flexibilité' autorisée par le Pacte de stabilité, carcan budgétaire européen", relève l’agence de presse. "L'euro et le dialogue social constituent les deux faces de la même médaille", a-t-il dit.
Il a par ailleurs déclaré que le format de la troïka des créanciers (Commission européenne, BCE et FMI) devra obéir aux règles de la "méthode communautaire" et que "tout plan de sauvetage passera aussi par une évaluation de son impact social". "La troïka a été mise en place dans l'urgence pour aider à empêcher une catastrophe financière et économique, mais elle devrait être progressivement remplacée par une structure plus légitime sur le plan démocratique", a-t-il dit.
Valdis Dombrovskis a à ce propos été invité par plusieurs eurodéputés inquiets à s’expliquer sur la politique d’austérité qu’il a lui-même administrée à son pays. Prié de détailler les mesures prises pour sortir son pays de l'ornière, il a souligné que son gouvernement avait fait le choix de sortir de la crise le plus vite possible et a évoqué plusieurs mesures adoptées pour venir en aide aux catégories les plus fragilisées par la crise, à savoir la création d'un réseau d'assistance sociale, le lancement d'un programme pour l'emploi temporaire et la fourniture de soins médicaux aux personnes en situation défavorisée. "Reste que 250 000 jeunes ont quitté votre pays et que la Lettonie est un des pays les plus inégalitaires d'Europe, ont constaté Pervenche Berès (S&D, française) et Paloma Lopez (GUE/NGL, espagnole)", selon l’Agence Europe.
Par ailleurs, Valdis Dombrovskis a souligné que l’expérience traversée par son pays était la preuve que l'euro, dont son pays n’était pas doté lors de l’éclatement de la crise, n'était pas la cause des problèmes, mais que ce sont les pays rencontrant "des faiblesses structurelles et des déséquilibres macro-économiques importants qui rencontrent le plus de difficultés", selon des propos rapportés également par l’Agence Europe.
Concernant le dialogue social, l’ancien Premier ministre letton a déclaré qu’il entendait impliquer davantage les partenaires sociaux dans l'élaboration de l'Examen annuel de la croissance. Selon Euractiv, il a déclaré que les recommandations faites par la Commission aux Etats membres n’étaient pas des "sanctions en tant que telles"et qu’il fallait "renforcer l’appropriation de ces recommandations par les pays concernés", notamment en intégrant, à l’avenir, les partenaires sociaux dans le travail de la Commission européenne.
Il s’est dit d’accord avec les propos tenus par la commissaire-désignée en charge aux affaires sociales, à l’emploi, aux compétences et à la mobilité, Marianne Thyssen, lors de son audition du 1er octobre 2014, concernant la nécessité d’appliquer les indicateurs sociaux avec plus de pertinence, dans le cadre de la gouvernance économique européenne. "S’il devait y avoir des déséquilibres excessifs, il faudrait donner plus de poids aux aspects sociaux", a-t-il dit, en écho aux propos de la commissaire dont il supervisera le travail.
Il s’est dit aussi, en phase avec Marianne Thyssen, pour ce qui est de la révision de la directive détachement, en constatant que "les partenaires sociaux n’ont pas pu présenter de propositions au niveau de l’Union européenne, or il faut qu’ils puissent le faire".
Concernant la collaboration avec le commissaire en charge des Affaires économiques, Pierre Moscovici, Valdis Dombrovskis s’est déclaré favorable à un fonctionnement "collégial" et "en équipe", et assuré qu'il n'y aurait "pas de relation hiérarchisée avec un subordonné".
Seul le groupe PPE a réagi par communiqué de presse à l’issue de l’audition, se déclarant "très satisfait" du commissaire-désigné appartenant à sa famille politique. "Comme Premier ministre, il a entrepris des réformes économiques dures, et souvent très difficiles, et il a préparé la Lettonie à rejoindre la zone euro. Ce qu’il a fait en Lettonie peut servir d’exemple pour beaucoup d’autres Etats membres", a dit David Casa, porte-parole du groupe PPE au sein de la Commission pour l’emploi et les affaires sociales.
"Valdis Dombrovskis aura la supervision des budgets nationaux dans le cadre du Semestre européen. Il assurera que les règles budgétaires européennes seront respectés par tous", a déclaré Burkhard Balz. "Il sera aussi le garant que l’UE ne se divise pas entre pays membres et non membres de la zone euro."