Les ministres des Finances des Etats membres de la zone euro se sont réunis le 6 novembre 2014 lors de la traditionnelle réunion de l’Eurogroupe, à la veille du Conseil ECOFIN, afin d’aborder entre autres la situation économique dans la zone, l'évolution de la Grèce et de Chypre toujours sous programmes d’assistance financière ainsi que les résultats de l’examen approfondi des banques réalisé par la Banque centrale européenne (BCE).
Les ministres des Finances ont ainsi notamment discuté de la situation économique dans la zone euro sur la base des dernières prévisions d'automne 2014 de la Commission, ces derniers ayant "largement souscrit à l'évaluation de la Commission", a indiqué le président de l’Eurogroupe, le ministre néerlandais des Finances, Jeroen Dijsselbloem, lors d’une conférence de presse à l’issue de la réunion.
Et le président de rappeler que "la reprise économique dans la zone euro a perdu de son élan". "Après un relativement bon début d'année avec une croissance positive au premier trimestre, une croissance économique faible est attendue pour la fin de l'année dans l'UE et la zone euro", a-t-il poursuivi, estimant néanmoins qu’il ne s’agit pas d’ "être trop pessimiste". Ainsi pour l'ensemble de 2014, la croissance du PIB de la zone euro "fera son retour dans les territoires positifs, laissant ainsi les deux années de récession 2012-2013 derrière nous. La reprise devrait progressivement reprendre l'année prochaine et davantage en 2016", a encore dit Jeroen Dijsselbloem, comme le rapporte également un communiqué diffusé par le service de presse du Conseil, le ministre soulignant néanmoins de nombreuses différences entre les pays.
Selon le président de l’Eurogroupe, les ministres s’accordent tous sur le constat d’une situation actuelle non satisfaisante. "Les données économiques les plus récentes soulignent la nécessité de mesures déterminées de la part des gouvernements, en particulier un ensemble crédible en termes de politique budgétaire, de réformes structurelles et d’investissements des États membres", estime le ministre, qui juge ces actions "décisives", à côté des mesures de politique monétaire indépendante de la BCE, pour protéger la reprise et stimuler la croissance.
Pour sa part, le commissaire européen aux affaires économiques et financières, Pierre Moscovici, a souligné que si une récession dans la zone euro n’était pas en vue, les niveaux de croissance actuels ne suffiraient pas à réduire durablement le chômage, soit "une situation sociale dramatique que nous ne pouvons pas accepter". Selon lui, la déflation n’est pas non plus le principal risque, "si l'on considère la déflation comme un processus auto-entretenu de baisse des prix", mais le danger pourrait être "une longue période de faible inflation, de faible croissance et de chômage élevé, ce qui serait une menace pour le projet européen et à la vie des Européens. Voilà pourquoi nous avons besoin d'une réponse politique forte et ambitieuse".
Selon le commissaire, il n'y a ainsi pas de réponse simple ou de solution miracle. "Nous devons utiliser tous les outils disponibles et le faire sans délai et avec beaucoup d'énergie. Nous avons besoin que tous les niveaux de gouvernement - européen, national, régional, local - assument leurs responsabilités et mobilisent à la fois des politiques de soutien de la demande et de l'offre pour stimuler la croissance et la création d'emplois", a-t-il dit en conférence, comme le rapporte par ailleurs un communiqué diffusé par le service de presse de la Commission.
Concrètement, cela signifie selon lui que, d’une part, la BCE joue son rôle en termes de politique monétaire et que la Commission joue son propre rôle dans le soutien réformes et des investissements et que, d’autre part, "nos États membres jouent leur rôle dans le renforcement des réformes au niveau national, tout en préservant des finances publiques saines et en hiérarchisant clairement les investissements" prioritaires. "Il est clair que le plan d'investissement de 300 milliards d'euros coordonné par le vice-président Katainen et sous la responsabilité du président Juncker lui-même, est la pierre angulaire du projet de la Commission", a-t-il poursuivi, soulignant que celui-ci serait présenté "prochainement".
Dans ce cadre, les ministres des Finances ont par ailleurs poursuivi leurs échanges de vues sur les politiques budgétaires des États membres dans le cadre du Semestre européen. Si la Commission a décidé de ne pas renvoyer des projets de plans budgétaires sur la base des communications des États membres, tant Jeroen Dijsselbloem que Pierre Moscovici ont souligné que cela ne signifiait pas que ces budgets soient totalement conformes aux règles en vigueur.
Alors que son prédécesseur, Jyrki Katainen, avait estimé qu'il n'y avait pas de non-conformité grave en attendant un examen plus approfondi, Pierre Moscovici a rappelé que la Commission allait désormais examiner si des mesures efficaces ont été prises par certains États membres ou sont sur le point de l'être, ce qu’il en est de l'effort structurel réalisé par ces Etats et quelles sont les réformes structurelles qui sont menées ou vont être conduites. Les ministres des Finances attendent désormais les avis que la Commission publiera sur les projets de plans budgétaires sur la base du scénario économique commun des prévisions d'automne 2014 d’ici la fin novembre, a pour sa part indiqué Jeroen Dijsselbloem. Sur cette base, l’Eurogroupe discutera des plans budgétaires avec l’objectif de publier une déclaration sur les différents pays.
Le président de l’Eurogroupe a en outre souligné une nouvelle fois que les ministres avaient réaffirmé que "le Pacte de stabilité et de croissance constitue un point d'ancrage pour la confiance dans l'UE". Selon le ministre, l’idée est clairement partagée que la crédibilité regagnée du pacte grâce au travail acharné au cours des dernières années doit être préservée par tous. "La stratégie de consolidation favorable à la croissance devrait se poursuivre", a-t-il dit. Et de souligner qu’en conséquence, les dirigeants du Sommet de la zone euro ont demandé aux présidents de la Commission, du Conseil, de la BCE et de l'Eurogroupe à préparer les prochaines étapes sur une meilleure gouvernance économique et à renforcer la gouvernance économique et de la coordination dans la zone euro.
Les ministres de Finances de l’Eurogroupe ont par ailleurs fait le point sur l’évolution économique de la Grèce et de Chypre, deux Etats membres toujours sous programmes d’assistance financière de la troïka (Commission, BCE, Fonds monétaire international).
Pour ce qui est de la Grèce, les ministres se sont félicités que l'évaluation globale de la BCE n’ait identifié "que de petits besoins en fonds résiduels pour les banques grecques incluses dans l'exercice". Le rebond de l'économie grecque tel qu’attendu en vertu des prévisions économiques d’automne 2014 qui permettra au pays de "renouer avec la croissance après six années difficiles de récession" est aussi considéré comme "très encourageant".
"Nous avons appris que les autorités grecques ont présenté un paquet de mesures supplémentaires aux institutions de la troïka. Bien que ces mesures constituent des progrès importants, il reste encore beaucoup à faire, mais tous expriment le souhait que les institutions de la troïka puissent reprendre la mission d'évaluation en cours dès que possible", a expliqué Jeroen Dijsselbloem, alors que la cinquième mission de suivi de la troïka avait dû être interrompue pour des questions d'agenda depuis début octobre.
"Les institutions de la troïka et les autorités grecques travaillent en étroite collaboration sur les questions en suspens pour parvenir à un accord rapide. La clôture de l'examen en cours est une condition préalable importante pour rendre possible la discussion sur les modalités de suivi" pour la sortie de la Grèce de son deuxième plan d’aide qui doit prendre fin début 2015, a encore dit Jeroen Dijsselbloem.
Alors que le ministre grec des Finances, Gikas Hardouvelis, a présenté la position de son gouvernement, le président de l’Eurogroupe a assuré qu’il y a au sein de la zone euro "un soutien important pour un programme de précaution pour la Grèce, sous forme d'un outil du fonds de soutien de la zone euro (MES) appelé ECCL (Enhanced Conditions Credit Line)". Parmi les membres de la zone euro, les " vues convergent en prenant en compte la fragilité des marchés financiers et les nombreuses réformes encore à faire", a-t-il encore souligné. Pour précision, la de la ligne de crédit ECCL, dite "aux conditions renforcées", se veut plus contraignante et intrusive qu’une ligne de crédit classique en termes d’exigences pour l’Etat membre qui y aurait recours. Jeroen Dijsselbloem a encore assuré qu’il y avait une large entente sur le fait que le FMI devait continuer à être impliqué, promettant une discussion sur "la forme exacte de cette participation".
Pierre Moscovici a de son côté dit partager "le sentiment que nous sommes disponibles pour une credit line, qui est une autre forme de programme", tout en soulignant que "nous cherchons des solutions pour permettre au peuple grec à la fois d'approuver les réformes qui sont nécessaires et en même le temps d'aller dans le sens de l'intégrité de la zone euro à laquelle la Grèce peut et doit participer". Et de juger qu’il "faut en finir avec une forme de micro-management" avec la Grèce, et avec "l'impression pour les Grecs qu'on leur tient la main sur tout et dans le détail".
Concernant Chypre, les ministres des Finances de la zone euro ont salué les progrès réalisé par Nicosie via la mise en place d’un "cadre juridique efficace pour la restructuration de la dette privée", ce qui devrait désormais "nous permettre d'aller de l'avant avec le processus de conclusion de la cinquième revue", a estimé le président de l’Eurogroupe. Pour mémoire, lors de sa réunion informelle du 12 septembre 2014, l’Eurogroupe avait gelé la nouvelle tranche d’aide de 436 millions d’euros suite à la tentative des parlementaires chypriotes de réduire les effets de la loi sur les saisies immobilières – demandée par la troïka – pour les personnes à faibles revenus et d’empêcher ainsi des saisies de masse. Le 31 octobre 2014, la Cour suprême chypriote a finalement jugé inconstitutionnelles quatre lois sur les saisies immobilières qui étaient en cause, ouvrant la voie au versement de la tranche d’aide en cause.
Enfin au sujet de l’Union bancaire et de l'évaluation globale de la BCE, les ministres se sont dit "rassurés que la BCE ait mis en place les capacités opérationnelles nécessaires pour mener à bien son rôle de surveillance" qu’elle assume depuis le 4 novembre. "L'évaluation globale, les efforts déployés par les banques pour renforcer leurs bilans et les mesures correctives qui seront sans aucun doute entreprises avec succès dans le délai convenu, permettront d'accroître la confiance dans le secteur financier et, partant, de contribuer à la reprise économique", a-t-il conclu.